Le tout digital va-t-il faire disparaître la monnaie ?

L'essor des monnaies virtuelles est un phénomène inexorable. Elles ne représentent aujourd'hui qu'une part marginale des échanges et peinent à se faire accepter comme réserve de valeur. Toutefois, la technologie qui est derrière les monnaies virtuelles a de grandes chances de s'imposer et de changer la définition qu'on a de la monnaie. Par Christopher Dembik, économiste, Saxo Banque
Christopher Dembik, économiste, Saxo Banque

Au cours des dernières décennies, la dématérialisation de la monnaie s'est accélérée avec la généralisation des cartes de paiement et l'apparition des transactions électroniques via Internet et la téléphonie mobile. Les monnaies virtuelles, notamment le Bitcoin, ne sont que le dernier avatar d'un processus qui court depuis la mise en circulation des chèques.

Même les plus fervents défenseurs des monnaies virtuelles reconnaîtront qu'il y a encore beaucoup trop d'obstacles pour envisager une utilisation par le grand public. La complexité technique pour les non-initiés, l'instabilité du taux de change et l'absence de garanties sur les échanges et le stockage, à l'image par exemple de la garantie des dépôts existant en France, les empêchent de prétendre à un véritable rôle de réserve de valeur.

Il semble assez peu vraisemblable que le Bitcoin puisse avoir une pérennité. En revanche, la technologie derrière les monnaies virtuelles a de grandes chances de s'imposer dans les transactions financières à moyen terme.

L'avantage du protocole Bitcoin

L'impact technologique est déjà perceptible puisqu'il a permis d'améliorer les systèmes de paiement des banques et des commerces en ligne. Ainsi, des banques régionales ont adopté cette technologie pour contourner les grandes banques internationales dont elles sont dépendantes et avoir accès à un système de paiement plus rapide et à moindre coût. De très nombreux sites de commerce en ligne ont agi similairement afin de proposer cette technologie à leurs clients.

L'avantage le plus visible et le plus attractif, économiquement parlant, du protocole Bitcoin est certainement la baisse significative des frais de transfert qu'il permet. Aujourd'hui, les opérateurs historiques, comme Western Union, appliquent des frais qui peuvent aller jusqu'à 10%. Grâce à l'adoption de la technologie du Bitcoin et à l'arrivée de nouveaux acteurs dans la foulée, un rapport de Goldman Sachs estime que les frais de transaction pourraient passer de 6% en moyenne actuellement à moins de 2,5% dans les dix prochaines années.

S'adapter ou coopérer avec l'écosystème Bitcoin

Les économies considérables générées pour les utilisateurs pourraient être canalisées vers la R&D, l'investissement en capital fixe ou encore la consommation. Dans les économies faiblement bancarisées d'Afrique, la technologie du Bitcoin constitue déjà un marché d'avenir qui s'est adossé à l'essor de la téléphonie mobile.

Selon l'Overseas Development Institute, les Africains paient des frais de transaction de 12,3% en moyenne pour un montant de 200 euros alors que les entreprises utilisant la technologie du Bitcoin proposent des frais compris entre 1% et 3% sur tous les montants.

Afin de conserver leur assise dans l'industrie du paiement -qui représente près de 1,2 trilliard de dollars-, les fournisseurs de services de paiement en ligne n'auront pas d'autre choix que de s'adapter et de coopérer avec l'écosystème Bitcoin.

Une sécurité à renforcer

Pour envisager une utilisation plus répandue de cette technologie par les acteurs du système financier, il faudra, par contre, en renforcer la sécurité car elle reste encore très vulnérable aux piratages et aux virus. Les cybercriminels peuvent voler des Bitcoins en utilisant des logiciels malveillants ciblant les portefeuilles stockés sur ordinateur et connectés à Internet. Ils peuvent également pirater les plateformes d'échange de bitcoins -comme cela s'est produit à maintes reprises ces dernières années-, entraînant des pertes sèches pour les détenteurs de monnaie virtuelle.

Comme il n'existe aucun acteur extérieur pour certifier les procédures de sécurité et vérifier que le stockage des bitcoins et la gestion des comptes sont effectués dans les meilleurs conditions, cela laisse un large champ d'action pour les cybercriminels. La principale faille du Bitcoin par rapport à la monnaie centrale, c'est que, une fois qu'une transaction a été approuvée par l'émetteur et le récepteur, elle ne peut en aucun cas être annulée sans la permission du récepteur.

Aucun moyen de récupérer des fonds volés par un "pirate"

En d'autres termes, il suffit au criminel de pirater un compte Bitcoin pour transférer l'argent sur son propre compte. Même si le détenteur du compte piraté remarque l'opération frauduleuse, il n'a aucun moyen de la stopper ou de récupérer son argent du fait de l'absence de cadre réglementaire et d'assurance sur les dépôts.

Plus les monnaies virtuelles vont se développer, plus elles risquent de devenir la cible d'organisations criminelles, et plus les appels à une amélioration des dispositifs de sécurité seront pressants. Le problème, c'est que le coût du renforcement de la sécurité sera certainement supporté par les utilisateurs via une hausse des frais de transfert, ce qui pourrait réduire automatiquement l'attrait pour cette technologie.

Une fois ce défi surmonté, les applications sont toutefois multiples. On peut même tout à fait imaginer ultimement un système de banques centrales recourant à cette technologie afin d'améliorer le système de paiement européen en euro.

Quel avenir pour les pièces  et billets de banque?

Le succès possible du protocole du Bitcoin pose, enfin, la question de la pérennité de la monnaie fiduciaire qui comprend à la fois les pièces et les billets de banque. Les évolutions techniques se sont systématiquement traduites par une dématérialisation et une accélération de la vitesse de circulation de la monnaie.

Le phénomène en France est bien perceptible puisque le marché des moyens de paiement est caractérisé par une faible proportion des transactions en monnaie fiduciaire au profit de la carte bancaire et surtout des nouveaux moyens de paiement électroniques bancaires qui connaissent une forte croissance depuis quelques années.

On peut aisément anticiper que le mouvement se poursuive au fur à mesure de l'adoption de la technologie du Bitcoin. Toutefois, annoncer la mort de la monnaie fiduciaire est très prématuré. Dans de nombreux pays, l'usage des espèces reste dominant par rapport aux autres moyens de paiement, souvent pour des raisons culturelles. Ainsi, aux Etats-Unis, il s'agit du moyen de paiement numéro un, représentant environ 40% des transactions totales. On peut donc anticiper encore pendant plusieurs décennies une cohabitation des différentes formes de monnaie et un maintien du rôle majeur de la monnaie fiduciaire tant qu'elle bénéficiera de la confiance collective.

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Commentaires 3
à écrit le 17/04/2015 à 23:05
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L'argent "liquide", c'est un peu notre liberté : on le dépense comme on le souhaite, pas de trace, contrairement aux chèques, virements ou écritures comptables. On se rend compte de ce que l'on dépense en manipulant des billets bien mieux qu'en étab...

à écrit le 17/04/2015 à 15:42
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DANS CES NOUVELLES TECNOLOGIES IL FAUT RESTE PRUDENT CARS DES PROFESSIONNELS ARNACOEUR N ATENDENT QUE CELA POUR S ENRICHIR???

à écrit le 17/04/2015 à 14:10
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le bitcoin ou equivalent va remplacer la CB qi elle meme a remplace les chques. mais pas le liquide qui a d autres avantage (dont celui de la simplicite !)

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