Le travail : valeur périmée

OPINION. La sécurité de l'emploi, comme les salaires fixes, sont désormais des reliques car les vagues successives des progrès technologiques fulgurants ont brisé toutes les digues, et c'est tant mieux. Que l'ère du robot soit également celle d'un nouveau contrat social qui consiste essentiellement à couper le cordon ombilical entre travail et survie. Par Michel Santi, économiste(*).
Michel Santi, économiste.
Michel Santi, économiste. (Crédits : DR)

Le travail à plein temps pour un salaire fixe n'existe que depuis une bonne centaine d'années, et encore pas pour tout le monde, puisque les femmes en ont été privées un bon moment, y compris durant les périodes heureuses du plein emploi de la seconde moitié du siècle dernier. Aujourd'hui, la dérégulation, les délocalisations, l'automation sont toutes synonymes d'insécurité du travail qui est donc devenu moins bien payé, à temps partiel, temporaire, saisonnier... La classe moyenne, et les travailleurs d'une manière générale, semblent avoir perdu leurs repères fondamentaux en même temps que leurs revenus leur permettant de vivre relativement confortablement du fruit d'un travail qui n'est désormais strictement plus acquis, tant pour les femmes que pour les hommes.

L'essor de la technologie est inéluctable

Pourtant, il ne sert plus à rien de tenter vainement de ressusciter les emplois du passé dans les usines, dans les manufactures et même dans certains services car l'essor de la technologie est inéluctable. La sécurité de l'emploi, comme les salaires fixes, sont désormais des reliques car les vagues successives des progrès technologiques fulgurants ont brisé toutes les digues, et c'est tant mieux. Que les robots prennent donc tous ces jobs fastidieux, pénibles, répétitifs qui les accompliront bien plus rapidement et bien mieux que les armées d'ouvriers souffrant naguère à la manœuvre. Que l'humain, pendant ce temps, use de ses talents et de son efficience dans des domaines où il sera en mesure de dérouler ses points forts comme la communication, la résolution de problèmes, l'art, l'imagination, où sa valeur ajoutée pour la société sera - certes moins quantifiable - mais tellement précieuse. Il est en effet bien plus logique de laisser les robots accomplir des tâches où ils seront plus efficaces que les humains, et bien plus constructif de laisser les humains s'adonner à des occupations où ils pourront s'épanouir et ainsi profiter et à leur famille et au tissu social.

Que l'humain pense, qu'il créé, qu'il fonde de nouvelles entreprises et qu'il conquiert ainsi - non un quelconque emploi - mais cette inestimable sécurité qui est notre objectif commun, laquelle ne doit pas nécessairement être la résultante d'un emploi. Au lieu de cela, nos gouvernants démantèlent activement et avec allégresse le filet de sécurité - qui va de pair avec la sécurité des revenus - avec des dommages irrémédiables pour notre bien-être, pour notre santé physique et mentale, pour notre équilibre familial et social.

Nouveau contrat social

L'alternative est d'accueillir et d'embrasser les progrès technologiques, de les mettre au service du plus grand nombre, d'apprivoiser nos peurs instinctives vis-à-vis de ces immenses opportunités afin d'engendrer in fine une explosion de productivité et un foisonnement de l'esprit d'initiative humaine. Que l'ère du robot soit également celle d'un nouveau contrat social qui consiste essentiellement à couper le cordon ombilical entre travail et survie.

Car nous avons oublié que le but premier de ces percées technologiques fut de remplacer l'Homme par la machine. Aujourd'hui, nous croulons sous tant d'abondance que nous pourrions loger, nourrir, éduquer et soigner toute notre population avec le travail d'une petite quantité d'hommes et de femmes. Parallèlement, l'organisation de nos sociétés s'avère de nos jours caduque car la question cruciale qui nous tourmente n'est pas tant de savoir si nous disposons d'assez de biens et de produits, mais comment procurer du travail à chacun afin qu'il mérite une partie des immenses quantités des biens dont dispose la société.

Selon cet ordre établi qui relève d'un autre temps, celui qui ne bénéficie pas d'un travail est condamné à toutes les privations, et à toutes les brimades. Eh quoi: est-ce tout ce dont nos sociétés modernes et prétendument civilisées sont capables à l'heure digitale et de la robotisation massive, alors que nous n'avons plus besoin comme au Moyen-Age de fabriquer des marchandises pour vivre ? Ne devient-il pas impératif de restructurer nos sociétés autour d'une autre valeur que l'emploi, rendu progressivement obsolète par la fulgurance de la technologie ?

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il vient de publier «Fauteuil 37» préfacé par Edgar Morin

Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Commentaires 14
à écrit le 15/11/2019 à 19:11
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Si le contenant des assiettes était optimal , nul besoin de compléments alimentaires n’est ce pas ? Le cancer s’est multiplié par 4 ou plus sur une base à partir des années 2000 Dépressions, problème visuels , sucides en augmentation constante ... ...

à écrit le 13/11/2019 à 16:20
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Un économiste qui essaie de penser au-delà de l'économie, c'est intelligent, et encore trop rare.

à écrit le 12/11/2019 à 16:16
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C''est marrant que dans un marché qui fonctionne par la cooptation, parler de la valeur travail est a mon avis aussi risible, que de parler économie. Lorsque l'on constate le niveau de chômage, donc nous pouvons soit penser qu'il n'y a plus de val...

à écrit le 12/11/2019 à 16:02
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travailler n'est une valeur que si ça rapporte. Etant donné le nombre de travailleurs pauvres qui dorment dans leur voiture faute de pouvoir se loger avec leur salaire, c'est qu"on a laissé la valeur travail se dégrader. Jusqu'au années 70, un ...

à écrit le 12/11/2019 à 14:39
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l auteur fait une erreur massive. ce qui va disparaitre c ets pas forcement les jobs durs et mal payé. mais ce qui est pas trop cher a automatisé et rentable de le faire. autrement dit on va plutot supprimer le poste de comptable ou d avocat (une IA ...

le 12/11/2019 à 17:33
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En parlant de robot : Il saisit la pâte, l'aplatit et l'arrondit, y dépose la sauce tomate puis l'étale, dispose la garniture de votre choix avant de cuire, découper et mettre en boîte votre pizza en quatre minutes et trente secondes. Lui, c'est l...

le 15/11/2019 à 19:21
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Donc le cuisinier n’est pas un métier vocation ? Si il peut être remplacé par un robot ( exécution )? Est ce que la Pizza exécuté par un robot et par un Chef cuisinier à t elle la même «  saveur «  ? C’est absolument à «  tester »

à écrit le 12/11/2019 à 14:28
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Le travail n'est nullement une valeur périmée, ce qui l'est c'est le travail répétitif de simple exécution (à l'exception des services à la personne). Ce qui restera c'est un travail plus haut de gamme nécessitant des compétences et des connaissances...

le 15/11/2019 à 19:25
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Non , pas forcément, vous vous trompez car le plus important ce n’est pas la valeur c’est plutôt le «  sens » ; Donc le travail même si il a aucune valeur aux yeux de la société actuelle , il peut avoir un sens pour celui qui le fait et ça devient...

le 15/11/2019 à 20:12
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C’est quoi un travail de simple exécution ? Je peux avoir des exemples ? C’est un travail ou l’intelligence n’intervient pas , un truc exécutif sans réfléchir ? Comme mettre des lettres dans des enveloppes ? Ce type d’exécution n’existe plus : ...

à écrit le 12/11/2019 à 12:39
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A l'encontre du mental, souvent trop répétitif, qui cherchait à conforter l'acquis en craignant le futur, nous entrons en une évolution des consciences qui aspire à continuellement (re)trouver plus de liberté et d'équilibres fondamentaux en ses modes...

à écrit le 12/11/2019 à 12:17
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Le Travail sous entend Salaire, circulation de moyen de paiement; nous allons donc vers la disparition de tout cela, donnant pour conséquence, la recherche des moyens de diminuer nos Charges et de faire par soi-même ce qu'un robot peu faire!

à écrit le 12/11/2019 à 11:30
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bonjour, je suis agréablement surpris de votre éclairage sur le lien travail/robotique/IA/revenu/survie, il est en effet temps que le social vienne se remettre en cause du fait de tous ces changements sur la production. Nous sommes encore, malgré to...

à écrit le 12/11/2019 à 11:06
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comme disait coluche ' 1 million de personne demandent du travail? c'est pas vrai, de l'argent leur suffirait' la gauche francaise a exauce ce voeux, a grand coup d'assistanat pour fideliser son electorat....... le travail, c'est pour les imbecile...

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