Les entrepreneurs Slow Food peuvent-ils sauver les agriculteurs ?

Il faut rompre avec les schémas agricoles les plus productivistes. Et promouvoir avant tout la qualité, des produits distribués par de circuits courts. par Mathieu Joselzon, Fondateur de Ciao Gusto, distributeur de produits Italiens Slow Food

Depuis ce matin la campagne s'invite à Paris, et pourtant ce n'est pas le salon de l'Agriculture, mais l'antichambre de la décomposition de notre modèle agro-alimentaire.
Les images de tracteurs immobiles, réalisant blocages et barrages filtrants, marquent en effet un coup d'arrêt dans cette course folle et sans limite à laquelle se livrent les différents acteurs de la filière agricole.
C'est une course à la taille, à la taille critique pour mieux peser lors des négociations. Une course sans règles ni morale, ou les intérêts particuliers justifient tous les comportements, les acteurs en bout de chaîne étant trop petits et trop peu organisés pour se défendre.

Des centrales d'achat qui fusionnent, des industriels qui courent après la rentabilité...

Ce sont notamment ces réseaux de magasins de la grande distribution qui créent des centrales d'achat au niveau national, fusionnant même entre elles maintenant (Intermarché & Casino, Auchan & Système U).
Ce sont ces grands industriels en quête de rentabilité, qui une fois tous leurs coûts de structure optimisés poursuivent cette course effrénée à la croissance de la profitabilité attendue par leurs actionnaires. Soit en augmentant leurs volumes achats pour asphyxier un peu plus leurs fournisseurs, soit en dégradant progressivement mais sûrement la qualité de leur produit*.

Les agriculteurs tentent de stopper la course alors que tout le monde est à bout de souffle. Les producteurs triment pour quelques centimes, les industriels ne veulent sacrifier leurs marges au risque que leurs actionnaires prennent le large, et la grande distribution est incapable de repenser son modèle, qui ne profite qu'à eux et aux industriels !

Repenser la chaîne de valeur et la rendre plus équitable

Sans juge ni arbitre, ce sont les règles du marché qui s'appliquent, et il n'y a donc personne pour rappeler que les produits alimentaires ont un prix, et que la réponse à la crise, à la baisse du pouvoir d'achat et au manque de compétitivité de nos produits n'est pas de dégrader l'offre pour améliorer le prix ou de subventionner le secteur, mais bien de repenser la chaîne de valeur et la rendre plus équitable.

Ce rôle d'arbitre, c'est à nous, consommateurs, citoyens, entrepreneurs, de le reprendre, de le conquérir ! Car au royaume de la consommation, c'est bien le consommateur qui est Roi.

 100.000 adhérents dans le monde

Ce changement de système est d'ailleurs déjà en marche, et s'appuie sur deux piliers. Il s'agit d'abord d'une nouvelle philosophie, préalable à la construction d'un nouveau système, basé sur le bon (plaisir du goût et bienfait pour la santé), le propre (respect de l'environnement) et le juste (répartition des profits). Ce mouvement, qui défend l'urgence de ralentir, de revenir à des circuits courts, des consommations de saison, dans le respect du produit, du producteur, et de son terroir, c'est le mouvement Slow Food (plus de 100.000 adhérents dans le monde)
Le second pilier est lui, économique. Pour s'affirmer face à ces mastodontes, cela implique de les affronter sur leur propre terrain, grâce aux nombreux Entrepreneurs qui développent le Slow Food Business, soit l'intégration dans ces nouveaux business model du bon, du propre, et du juste.

L'explosion des circuits courts

Comment interpréter autrement l'explosion des circuits courts, comme la Ruche qui dit Oui, les AMAP, mais aussi tous les commerces de proximités du type épicerie fine, qui répondent aux nouvelles attentes des consommateurs qui veulent consommer moins mais mieux, qui veulent aussi plus de sécurité et de traçabilité suite aux scandales alimentaires à répétition des grands industriels.

Changer le modèle

Dans l'agriculture plus qu'ailleurs, la guerre des prix doit cesser et le modèle doit changer.
On nous a fait croire pendant longtemps qu'on pouvait manger plus pour moins cher, avec le même niveau de qualité. Pour preuve, le poids des achats alimentaires à domicile est passé de 24% à 12% dans le budget des ménages français entre 1960 et 2007** (Insee). La qualité et les produits sains ont un prix, et les consommateurs en prennent progressivement conscience. Quand on sait que le 1/3 de la production globale de denrées alimentaires dédiée à la consommation est gaspillé chaque année, on peut se demander si ces apparentes économies n'ont pas des conséquences bien plus coûteuses pour soi et pour notre Société.

Au tour des Entrepreneurs Slow Food d'entrer en piste, le vent nous est favorable...


Mathieu JOSELZON
Fondateur de Ciao Gusto, distributeur de produits Italiens Slow Food
Membre de l'Association Slow Food
Membre de l'Association Foodwatch

*Les abus nombreux et répétés de la grande distribution sont très bien documentés par l'association Foodwatch https://www.foodwatch.org/fr/accueil/
**La consommation des Français, par Franceagrimer

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Commentaires 14
à écrit le 04/09/2015 à 3:33
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mais la grande distribution a permis à la grande majorité de pouvoir maintenir son pouvoir d'achat !!! ne croyez pas un instant que tout le monde peut se payer des bons produits ou bien seulement le dimanche : la restauration hors foyer est très imp...

à écrit le 04/09/2015 à 3:27
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slowfood, c'est bien mais totalement insuffisant : nous savons très bien que tout le monde ne peut se payer de bons poulets chaque jour !!!! sans compter les cantines que tant de gens ont du mal à payer !!!! il faut de très bons producteurs et des...

à écrit le 03/09/2015 à 22:38
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On a voulu nous faire croire que le réchauffement climatique n'existait pas à coup de milliards de lobbying intensif; que le bio ne marchait pas et que seule l'agriculture conventionnelle pouvait nourrir la planéte....alors que les modèles (agrofores...

à écrit le 03/09/2015 à 13:53
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@von chubb je parlerais plutôt de méconnaissance, et non d'énoncer des faits.

à écrit le 03/09/2015 à 10:20
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"Il faut rompre avec les schémas agricoles les plus productivistes." Surtout pas !! Vade retro slow food. Mr Beulin a besoin d'usines d'élevages pour vendre plus de nourriture pour animaux. Mais sans avoir de débouchés pour vendre les bêtes en "trop"...

à écrit le 03/09/2015 à 10:04
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Enfin...

à écrit le 03/09/2015 à 10:04
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Enfin...

à écrit le 03/09/2015 à 9:39
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Je pense que l'alternative du slow food est en effetpour le moment le seul moyen a Notre Disposition pour resister a l'installation d'un Systeme absurde en ce sens qu'il appauvrit les producteurs tout en fournissant aux consommateurs (trop) de(s) pr...

à écrit le 03/09/2015 à 9:28
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Les Jaquouilles montent à Paris, les franciliens vont pouvoir apprécier les produits du terroir ! L'animation sera assurée par C.Marchand qui s'efforcera de créer un nouveau couple entre François et la fermière BIO. Cet épisode du monde rural en bal...

le 03/09/2015 à 12:25
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HORS SUJET votre commentaire! Votre haine dépasse votre raisonnement!

à écrit le 03/09/2015 à 8:57
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Quand votre seul modèle économique, est une économie subventionnée voilà le résultat (10 M€ de PAC tous les ans, un Fuel détaxe a 0,60€ le litre, des charges sociales largement diminués, des niveaux de prêts bonifiés qui rendrais jaloux n'importe que...

le 03/09/2015 à 10:16
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Pourquoi tant de haine envers les agriculteurs?! Vous dites : "charges sociales LARGEMENT diminuées" mais dans quelle proportion?. "Absence de pénalités pour les polutions des sols" : citez-nous une seule activité humaine qui n'a pas d'impact sur l'e...

le 03/09/2015 à 10:33
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@ von chubb, quand on connaît rien à un secteur d'activité, il vaut mieux ne rien dire, vous dites qu'il n'y a aucune sanction pour les pollutions des nappes!!mais chaque agriculteur est tenu à respecter un législation en matière d'épandage, avec un ...

le 03/09/2015 à 13:25
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Si énoncé des faits, est de la haine?. Donne moi quel secteur d'activité en France a touché plus d'aides que l'agroalimentaire, Peux être la SNCF, SNCM ?

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