Les prescriptions erronées du pape François pour l'environnement

Quand il préconise de réduire la consommation, afin de préserver l'environnement, plutôt que de privilégier le progrès technique, le pape François se trompe lourdement. Par Bjorn Lomborg, directeur du Copenhagen Consensus Center et professeur adjoint au Copenhagen Business School

Les efforts du Pape pour attirer l'attention sur les problèmes environnementaux à travers son dernier Encyclique sont très louables. Le changement climatique constitue effectivement un problème mondial avec de sérieuses implications. Néanmoins, le discours du Pape s'apparente plus au clivage « vrai problème/mauvaises solutions ».
Dans son Encyclique, le Pape décrie ceux qui vouent « une confiance aveugle » aux avancées technologiques pour résoudre le problème du changement climatiques. En lieu et place, il préconise la réduction du consumérisme. Selon ses propos, cela aidera les populations pauvres qui souffrent le plus des conséquences du changement climatique.
Ce discours est assez troublant dans la mesure où l'innovation technologique est ce dont nous avons le plus besoin pour tacler ce problème.

La révolution verte stigmatisée par le pape

Les réponses de l'humanité contre la famine ne consistaient pas à insister sur la réduction de la consommation alimentaire. L'une des plus grandes réalisations du siècle dernier, la révolution verte, a vu des progrès scientifiques et technologiques augmenter significativement la production alimentaire dans le monde - dont notamment les fertilisants et les pesticides. Malheureusement, cette technologie - qui a sauvé des millions de vies dans le monde, est stigmatisée dans cet Encyclique.

La révolution verte est loin d'être le seul exemple du génie humain pour résoudre un challenge majeur. Prenons le cas du problème environnemental le plus meurtrier dans le monde : la pollution de l'air intérieure découlant des foyers de cuisson et de chauffage diffusant de la fumée - alimentés par du bois ou du fumier. Ce fléau est quasiment oublié dans les pays riches où le kérosène, le gaz et l'électricité constituent les principales sources d'énergies. De même, les solutions actuelles contre la pollution de l'air extérieur consistent à utiliser des pots catalytiques, et non à réduire la circulation automobile.
Aujourd'hui encore, la pollution de l'air intérieure est à l'origine de 4,3 millions de décès par an dans les pays pauvres. Les populations les plus démunies, qui n'ont pas accès aux sources d'énergies modernes, n'ont pas d'autres ressources de cuisson et de chauffage à part la biomasse et des combustibles très polluants.

Augmenter l'accès au gaz, le plus efficace

Le pape mentionne ce problème dans son Encyclique sans pour autant aborder la solution la plus évidente : les populations pauvres ont besoin d'une meilleure accessibilité aux modes de cuisson modernes, qui seront essentiellement basés sur des énergies fossiles. Les énergies renouvelables (EnR) pourront certes jouer un petit rôle dans la résolution de ce problème mais ils restent onéreux et intermittents. Une étude récente a montré qu'augmenter l'accès aux gaz permettrait de sortir quatre fois plus d'individus de l'obscurité et de la pauvreté comparativement au recours aux EnR.
La solution la plus pertinente consisterait évidemment à faire baisser les coûts des EnR en dessous de ceux des carburants fossiles. Mais cela ne sera pratiquement viable qu'à travers des innovations et des inventions technologiques.

Investir dans la recherche au niveau mondial

Et la seule voie pour parvenir rapidement à une compétitivité efficiente des EnR face aux énergies fossiles reste une augmentation significative de l'investissement dans la R&D verte à l'échelle mondiale.
Cette solution est non seulement plus économique et politiquement réalisable, mais elle a plus de chance de marcher. Pour cela, il nous faut subventionner les recherches de base destinées à rendre les EnR économiquement et pratiquement plus attractives.
Il nous faut également mettre fin aux subventionnements des énergies fossiles. Ces subventions, sur lesquelles le pape est resté silencieux dans son Encyclique, sont concentrées dans les pays développés et privilégient les populations aisées motorisées des pays pauvres en leur allouant une part disproportionnée. Mettre fin aux subventionnements des énergies fossiles réduirait non seulement la pollution et les émissions de carbone, mais aussi l'inégalité et délesterait les budgets gouvernementaux qui pourront consacrer plus de fonds à l'éducation et la santé.

Le changement climatique n'est pas le problème numéro un

Ce point fait également partie des lacunes de l'Encyclique du pape - qui reste largement silencieux sur les investissements alloués aux problèmes non-climatiques, pouvant être plus bénéfiques aux populations pauvres que toute autre solution climatique.
Le Copenhagen Consensus Center a récemment effectué une recherche en collaboration avec un panel de 60 économistes comprenant plusieurs Prix Nobel, des experts sectoriels, et des représentants de l'ONU et de différents ONG, sur les objectifs mondiaux de l'ONU pour les 15 prochaines années. Ces analyses ont montré que la grande majorité des objectifs les plus pertinents n'ont rien à voir avec le réchauffement climatique.
Les résultats de cette recherche correspondent d'ailleurs à ceux du sondage mondial mené par L'ONU auprès de 7,5 millions d'individus concernant leurs priorités. Durant ce sondage, l'éducation, la santé, l'emploi et la corruption ont été le plus cités contrairement au changement climatique qui a été classé en dernière priorité parmi les 16 problématiques mondiales qui ont été soumises aux personnes interrogées.

Réduire les restrictions commerciales

Une des options les plus efficientes que l'on pourrait réaliser actuellement est la levée les barrières commerciales internationales. Réduire les restrictions commerciales augmenterait le revenu annuel par habitant de 900 euros dans les pays en voie de développement, ce qui permettrait de sortir 160 millions d'individus de la pauvreté et de produire un bénéfice social de 2000 euros pour chaque euro dépensé.
Autre moyen majeur pouvant changer des vies, auquel l'église catholique n'adhèrera probablement pas : fournir un accès universel à la contraception et au planning familial.
Pour un coût annuel de 3,2 milliards d'euros, permettre aux femmes de planifier leurs grossesses se traduirait par une réduction de la mortalité maternelle à l'accouchement de 150 000 décès par an et éviterait ainsi 600 000 cas d'orphelins de mère.

La réduction du nombre d'enfants dans les foyers se traduirait par une augmentation de la population active et une légère hausse de la croissance économique. La totalité de ces avantages produirait un bénéfice social de 120 euros pour chaque euro dépensé.
Le pape François est préoccupé à juste titre par les difficultés des populations pauvres. Néanmoins, s'il est vrai que ces populations souffriront le plus des impacts du changement climatique, cela est aussi vrai pour la plupart des problématiques majeures auxquelles planète est confrontée. La question reste de savoir quelles politiques et quels investissements produiraient le plus de bénéfices pour les plus démunis. Les réponses fournies dans l'Encyclique du Pape à cette question sont erronées.

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Commentaires 3
à écrit le 24/06/2015 à 16:12
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Lomborg quoique carbocentriste est dubitatif à juste titre sur les politiques exigées à corps et à cris par l'ONU, le GIEC et les gouvernements occidentaux. Ses études sont sérieuses : et objectives et c'est pour celma qui'il est l'ennemi mortel des ...

à écrit le 24/06/2015 à 12:45
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Encore un qui n'est sorti de son bureau que pour la photo de l'article!! Une ou deux révolutions de retard!!

à écrit le 24/06/2015 à 11:30
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Si l'Eglise préférait la science à la culpabilisation, cela se saurait.

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