Les trois confirmations politiques des départementales

Le scrutin de dimanche confirme l'existence d'une crise politique profonde, la versatilité de l'électorat, et la montée en puissance du Front national, qui devrait profiter pleinement du mode de scrutin des régionales, et constitue désormais une évidence électorale. Dans la perspective des scrutins de 2017. Par Jean Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne

OUI le bloc réuni de l'UMP et de l'UDI a gagné haut la main. OUI la défaite est lourde pour le PS et les gauches divisées. OUI le FN ne gagne pas de Conseil Départemental ... oui mais les trois vrais enseignements de ces départementale se présentent sous la forme de trois confirmations politiques.
Les Français ont d'abord et à nouveau boycotté les urnes. 51% se sont abstenus, et si l'on ajoute les citoyens non inscrits et les « exprimés » blanc ou nuls non comptabilisés, voilà bien plus qu'un moitié de France qui se tait encore une fois et confirme son exil politique. Après avoir tourné le dos à l'offre politique municipale et européenne proposée par les différents mouvements qu'ils soient de gouvernement ou non l'année dernière, à nouveau le Peuple de France fait sécession !

Une crise politique profonde

Si la défaite politique est bien celle du Parti Socialiste, de sa majorité et de son exécutif au pouvoir François Hollande et Manuel Valls, ce nouvel échec démocratique confirme donc une profonde crise. Un bien triste feuilleton politique pour une population française qui dérive sans espoir, ballotée par la crise. Partout domine l'expérience concrète ou ressentie d'une insécurité qui désormais frappe toutes les zones de la vie personnelle et de l'expérience collective. Mutations citoyennes, épreuves sociales et inquiétudes identitaires, il y a la compréhension progressive que les politiques, les gouvernants, y compris locaux, sont en panne, eux-mêmes sans repères, sans vision, pire, sans pouvoir face aux fruits amers d'une mondialisation. L'avenir, sans défense, s'obscurcit encore.
Nous n'avons pas nos Podemos ou Ciudadanos à nous et notre pays continue de crier son désespoir encore en silence. Des pans entiers de notre société s'éloignent en continu du contexte de représentation, Front National compris.

Une profonde versatilité du corps électoral

Deuxième enseignement qui émerge, la minorité du pays qui s'est présentée dans les bureaux de vote confirme de son côté la profonde versatilité du corps électoral. Certes on peut gagner ces élections dites intermédiaires - municipales, départementales, régionales et européennes - quand on est au pouvoir surtout si ces élections ont lieu quelques mois après un scrutin national. Lionel Jospin premier ministre de cohabitation et une gauche plurielle qui s'imposa aux cantonales de 2001 ou le tandem Nicolas Sarkozy et François Fillon en 2009 avec les élections européennes.

Mais la plupart des élections dites intermédiaires, en particulier depuis l'arrivée du quinquennat et l'incapacité d'utiliser politiquement les législatives pour sanctionner un gouvernement en place, sont perdues par les majorités nationales au pouvoir. Oui Nicolas Sarkozy, l'UMP et ses alliés centristes on remporté une très belle victoire électorale mais on gagne presque mécaniquement ces scrutins quand on est dans l'opposition. Dans des proportions variables selon les quinquennats mais le plus souvent le vote vient décrire un mécontentement qui frappe gouvernement après gouvernement.

Une crise de confiance intense

L'abstention politique, la versatilité électorale ne sont que deux des visages d'une évasion citoyenne. Un divorce profond et plus large poursuit sa progression entre la république des citoyens et celle des élites quelles qu'elles soient. Les deux premières certitudes de cette élection confirment que la crise de confiance est intense et que nous sommes au bord d'un vrai précipice. La rupture se rapproche, élection après élection.

La montée en puissance du FN, vers un scrutin régional plus efficace pour le parti de Marine le Pen


Pendant ce temps et c'est le troisième enseignement de ce dimanche, et là encore une confirmation, la stratégie de Marine Le Pen d'implantation en profondeur, dans le local qui a remplacé au Front National, celle de son Père faite de coups et de spectacle médiatique, marque encore des points. Pas de victoire départementale mais la montée en puissance du FN se poursuit. Son maillage territorial se densifie. Hier un seul conseiller général, plus de 60 binômes départementaux aujourd'hui ! Et la réalité du volume de suffrage est nettement plus impressionnante et prédictive de la suite politique pour ce parti que le résultat en sièges. Souvent en tête ou en deuxième position des votes exprimés, au delà de la difficulté de gagner seul au second tour du scrutin majoritaire, la suite s'annonce plus efficace car la proportionnelle des régionales lui ouvre déjà d'autres performances électorales.

Gagne terrain de légitimation politique et citoyenne, après une année 2014 et des municipales et un 3e tour intercommunal qui ont déjà boosté le nombre d'élus locaux, la présence de candidats FN dans chaque canton a continué de mobiliser des équipes existantes, et fabrique de nouvelles vocations, évangélisées notamment par la capacité de réussite électorale.
Le FN constitue désormais une évidence électorale. Entité politique hybride certes tiraillée entre plusieurs sociologies géographiques et politiques mais entité autonome qui peut déjà atteindre le second tour du scrutin majoritaire à deux tours face aux deux unions des gauches et des droites et qui attends maintenant les prochaines régionales, ultime étape de conquête avent son grand soir ... législatif en 2017 ou en 2022 ?

Jean Christophe Gallien
Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals

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Commentaires 7
à écrit le 31/03/2015 à 17:50
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Tu peux déjà développer les certitudes que tu as mises de côté : 1. l'impossibilité annoncée pour la gauche de faire l'union, si ce n'est au mieux un énième rapprochement, d'ailleurs sans bénéfice, des chapelles PS, pour le temps éphémère des roses....

à écrit le 31/03/2015 à 9:05
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Ces élections départementales ont aussi permis de vérifier une énième fois : que le FN ne peut pas dépasser son plafond de verre de 13% à 14% des inscrits ; tous les sociologues politiques le savent depuis 30 ans et c'est une nouvelle fois con...

à écrit le 31/03/2015 à 8:13
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Oui a tout ce qu'écrit M.Gallien, et il est pathétique de voir dans les médias, sur nos écrans, les journalistes, les experts, occulter cette problématique de l'abstention qui est une forme de contestation de la situation actuelle quand il n'y a plus...

à écrit le 31/03/2015 à 6:24
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Oui le RU n'est pas un paradis non plus. Mais avoir l'espoir de trouver du travail, pouvoir penser ameliorer sa condition par soi meme plutot qu'attendre presque tout de la solidarite nationale n'est pas mal? Avoir une politique d'amenagement du terr...

à écrit le 30/03/2015 à 17:08
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Nous n'avons pas nos Podemos ou Ciudadanos à nous et notre pays continue de crier son désespoir encore en silence Certains pays frontaliers de la France vivent très bien sans ces crypto marxistes populistes. En Allemagne, ce genre de parti ne remp...

le 30/03/2015 à 20:56
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les frais de scolarité dans les universités au royaume unis viennent d'etre multiplié par 4 pour atteindre 12000 £/an je fais le paris que votre cabine téléphonique va exploser !!!!!!!!!!!

le 31/03/2015 à 10:14
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Si j'ai utilisé l'exemple de l'Allemagne, c'est à dessein, car la scolarité à l'université est gratuite, même pour les étrangers. Pour ce qui est de l'Angleterre l'école franco anglaise croule sous les inscriptions et est obligée se refuser du monde...

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