Loi travail : une timide priorité donnée aux accords collectifs

Deuxième volet de trois articles sur les fausses évolutions libérales de la loi travail: la timide priorité aux accords collectifs « offensifs » sur le contrat de travail. Par Par Bruno Serizay, associé du cabinet Capstan Avocats

Parmi les mesures du projet de « Loi travail », l'une des plus contestées est la possibilité de conclure des accords collectifs dits « offensifs ». Ces accords peuvent, pour préserver ou développer l'emploi, adopter des mesures notamment relatives à la durée du travail et à la rémunération (sous réserve de n'apporter aucune diminution du salaire mensuel) qui, même si elles sont différentes de celles prévues par le contrat de travail, s'imposeront aux salariés. Le salarié qui ne souhaitera pas subir ces modifications pourra être licencié ; son licenciement ne sera pas « économique » ; mais le salarié bénéficiera d'un dispositif d'accompagnement destiné à favoriser son reclassement professionnel.

  • La prévalence de l'accord collectif sur le contrat de travail est légitime, dès lors que son objet est d'organiser la collectivité professionnelle et que son but est de favoriser le développement de cette collectivité (notamment de sauvegarder ou de promouvoir de l'emploi). Seul l'individualisme forcené confinant à l'égoïsme justifie de faire prévaloir l'intérêt personnel sur celui de la collectivité à la vie et au développement de laquelle les salariés concourent ensemble.

  • La prévalence de l'accord collectif sur le contrat de travail doit être maîtrisée et non laissée à l'arbitraire patronal. Le projet de loi précise qu'elle est établie sur la base d'un constat de situation partagé qui légitime des mesures adoptées par des organisations syndicales réunissant au moins 50 % des suffrages aux élections professionnelles les plus récentes. La prévalence est donc l'expression, à ce jour, la plus achevée de l'importance des acteurs syndicaux dans l'entreprise, dès lors que l'on ne circonscrit pas l'action syndicale à la seule défense du conservatisme le plus absolu.

  • La prévalence de l'accord collectif sur le contrat de travail doit tenir compte des réalités économiques individuelles. La loi interdit de toucher au salaire mensuel (le juriste eût apprécié que cette notion soit définie) ; il appartient naturellement au dialogue social au sein de l'entreprise de déterminer les autres mesures utiles à la protection des intérêts des salariés et/ou les contreparties que les salariés sont en droit d'attendre des actionnaires et des dirigeants. L'on sait la vigilance des organisations syndicales qui assument leur volonté de participer à la gestion de l'entreprise pour n'avoir pas à craindre qu'elles se fassent les complices d'une destruction généralisée des acquis sociaux. Plus simplement, l'acquis social n'a de valeur que s'il peut être partagé ; lorsque les circonstances évoluent, son adaptation est le gage de leur pérennité.

Les « accords offensifs », qui constituent une simple extrapolation des accords de sauvegarde de l'emploi prévus par l'accord interprofessionnel du 13 janvier 2013, puis par la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013, aux entreprises non (encore) confrontées à des graves difficultés économiques, procèdent d'une politique de la prévention pour une fois heureuse.

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