Macron : comment renouer la confiance ?

La moralisation de la vie publique a avancé, mais des faiblesses persistent, notamment dans le domaine de la santé. Par Steven Zunz, Président de Domaines Publics

Fraude fiscale de Jérôme Cahuzac, phobie administrative de Thomas Thévenoud, « imprudences » de François Fillon et de Bruno Le Roux,  longue est la liste des scandales qui ont émaillé la vie politique durant les 5 dernières années. Leurs premières secousses avaient débouché sur des réformes destinées, selon François Hollande, à hisser la France au même rang que les démocraties les plus avancées dans le domaine de la transparence de la vie publique. Quel bilan peut-on tirer trois ans après ?

 Rappelons que la France accusait à l'époque un retard considérable sur le traitement des conflits d'intérêts. Les affaires Bettencourt et Médiator avaient déjà mis le sujet sur le devant de la scène, en révélant les liens parfois équivoques entre décideurs et milieux économiques. Dans la foulée, Martin Hirsch publiait un livre témoignage, Pour en finir avec les conflits d'intérêts, pointant du doigt les insuffisances françaises. Un ouvrage plutôt mal reçu par un monde politico-administratif qui semblait découvrir la notion. Alors que les pays scandinaves ou anglo-saxons avaient développé depuis longtemps des législations rigoureuses et que l'OCDE produisait des recommandations strictes, la conception française de l'exercice du pouvoir refusait que l'on puisse suspecter ses détenteurs de partialité. Voire pire.

 Des progrès

Les progrès réalisés depuis sont notables. Le rapport de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, intitulé Pour une nouvelle déontologie de la vie publique, a posé des premiers jalons de réforme. Deux lois d'ampleur, publiées en 2013, ont ensuite  fait entrer la notion de conflit d'intérêts dans le corpus juridique français, tout en organisant un régime d'incompatibilité entre fonctions et de déport pour certaines décisions. Elles ont également fixé de nouvelles exigences de publication des intérêts et du patrimoine des élus. La récente Haute Autorité pour la transparence de la vie publique,  fait désormais respecter ce nouvel arsenal juridique.

 Faiblesses persistantes

Ces indéniables avancées ne doivent pas masquer des faiblesses. Dans son dernier rapport relatif à la France, le Groupe d'Etats contre la Corruption déplore que seules les déclarations d'intérêts et d'activités des élus soient rendues publiques et que leurs déclarations de patrimoine soient consultables en préfecture. Comme il le rappelle, « les obligations de transparence qui s'imposent aux élus, du fait de leur position publique, doivent dépasser celles de simples citoyens ». S'il salue la réforme de la réserve parlementaire de 2012, qui oblige les parlementaires à publier la liste des bénéficiaires, il regrette l'absence de critères d'attributions pour limiter les risques de clientélisme. Difficile de savoir si ces nouvelles dispositions ont fait reculer les conflits d'intérêts et évoluer les pratiques. De même que rien n'indique que les mécanismes de prévention fonctionnent avec efficacité. Une des premières priorités du nouveau président sera donc d'en dresser le bilan.

 Situation préoccupante dans le domaine de la santé

Dans le domaine de la santé, la situation est toujours préoccupante. Un rapport de la Cour des comptes du 23 septembre dernier déplorait que la loi Bertrand de 2011 ne permette « toujours pas de rendre compte de façon simple et directe des liens entre les professionnels de santé et l'industrie et, dès lors, de garantir l'absence de tout conflit d'intérêts susceptible d'affaiblir la décision sanitaire ». Martin Hirsch, désormais directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, a donc repris son cheval de bataille.

 Car c'est bien d'une bataille dont il s'agit,  cruciale dans un pays où la confiance se délite. Comment ? En interdisant le « pantouflage », c'est-à-dire la possibilité pour de hauts-fonctionnaires de rejoindre le secteur privé ; en étendant la compétence de la Haute autorité à d'autres fonctions comme celles de préfet, d'ambassadeur, de responsable syndical, de membre d'autorité administrative indépendante ou de conseil de l'ordre ; en obligeant les élus à déclarer tout cadeau ou avantage en nature supérieur à un montant (réaliste) à définir,  etc. Loin de s'apparenter à du voyeurisme, la transparence semble être  une condition sine qua non du renouveau démocratique. Sera-t-elle suffisante ?

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Commentaire 1
à écrit le 11/05/2017 à 13:16
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Merci pour cet article progressiste, intelligent, juste et censé. "« les obligations de transparence qui s'imposent aux élus, du fait de leur position publique, doivent dépasser celles de simples citoyens »" Cela semble logique, ces gens là é...

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