Macron, licorne de la politique française ?

Emmanuel Macron a redistribué les cartes de la communication politique en se basant sur les codes des digitals natives. Par Fatima Tamlilti Consultante Senior chez Viatys Conseil (Groupe Square

Qu'est-ce qu'une licorne ? Ce terme fantasque et décalé désigne les start-ups valorisées à plus d'un milliard de dollars et qui par leur histoire, signent l'apparition d'un phénomène émotionnel venant briser les codes institutionnels classiques. Selon Aileen Lee, à l'origine du terme, "Le terme romance l'histoire des entreprises technologiques: il les fait passer de quelque chose de lointain et de compliqué à quelque chose de magique et même sympathique, tout en étant rare et puissant". Culture Geek, proximité avec les utilisateurs, émotion et storytelling définissent les licornes du digital. Qu'en est-il de la politique ?

Il va s'en dire que cette campagne a marqué l'émergence de figures nouvelles, en rupture avec le système politique classique scindé entre une droite ruinée par les affaires politiques et une gauche dont le message politique devient inaudible. Au milieu de tout cela, figure un homme, qui a su, au travers l'implantation de nouveaux codes communicationnels, transcender la scène politique et parvenir aux portes de l'Elysée désormais. Peut-on ainsi parler d'une Licorne Macron ou assistons-nous simplement à une évolution de la vie politique française ? Retour sur un phénomène.

Un hacker de la politique dans un univers archaïque

A l'image d'AirBnB venu rabattre les cartes du jeu de l'hôtellerie, Emmanuel Macron et son mouvement En Marche ! , s'imposent comme une start-up venant disrupter les codes de la politique. Sur quels fondements s'appuie cette dynamique ? Tout d'abord, sur une stratégie « bottom-up » caractérisée par une volonté de "refonder par le bas"[1] s'inscrivant en rupture net avec le modèle classique du Top-Down où les institutions concentrent une partie du pouvoir décisionnel laissant peu de place à la société civile. Ensuite, une forte implantation locale, sur le terrain, permettant de mobiliser une communauté de personnes engagées, soit plus de 250 000 citoyens ayant rejoint le mouvement en un an ! Enfin, un storytelling fort, tel Apple et le mythe du garage de Steve Jobs, où l'on assiste à une construction narrative permettant de susciter l'émotion et ainsi, toucher les gens. « Au début on était deux salariés. Avec seulement 10 mois d'existence, on est aujourd'hui plus de 55, avec aussi 400 experts, et 100 référents ». Dixit Julien Denormandie[2], secrétaire général adjoint du mouvement.

Tout comme les collaborateurs innovent au sein des entreprises en hackant les process grâce au digital, le mouvement En Marche ! , vient hacker le système politique classique en rééchelonnant le positionnement de chaque acteur. S'ajoute à cela, une agilité et une souplesse dans la prise de décision reprenant les codes digitaux du Test & Learn. Ainsi, lors de la visite aux ouvriers de Whirpool le candidat a pu leur dire : « Je ferai le maximum, [...] il n'y a pas de recettes miracles, je ne veux pas faire de fausses promesses. » Une volonté d'agir de façon pragmatique en lien avec la réalité du terrain. Notons que cette confrontation fut retransmise sur Facebook Live permettant aux partisans de suivre le débat et soulignant ici l'importance d'un soutien digital fort.

 Une communauté d'influenceurs digitaux au service de du message politique

Une méthode entrepreneuriale qui semble donc faire ses preuves et à laquelle s'ajoute une présence digitale solide venant renforcer la stratégie de la start-up Macron. Car cette ferveur se traduit également en ligne avec des soutiens d'influenceurs issus de l'économie numérique s'engageant en faveur du mouvement et relayant ses messages. Citons Xavier Niel, patron de Free, Frédéric Mazella (Blablacar) ou encore Axelle Tessandier, startupeuse issue de la Silicone Valley, proche du candidat et vue comme la future Fleur Pellerin. Notons surtout le soutien de la journaliste Laurence Haïm, qui après avoir soutenu et suivi la présidence de Barack Obama dès 2008, s'est convertie en porte-parole officielle d'Emmanuelle Macron, lui faisant bénéficier de son influence sur Twitter, plus de 200 000 followers, ainsi que de son réseau international.

A l'instar de Jean-Luc Mélenchon et de la méthode hologramme, Emmanuel Macron semble avoir compris l'importance de fédérer une communauté de pairs en ligne afin de renforcer sa présence digitale. Son compte Twitter, crée en 2013, rassemble ainsi plus de 723 000 abonnés. A titre comparatif, Barack Obama, dont le compte est le 4ème plus suivi au monde rassemble plus de 15 millions de followers. Des influenceurs et une présence digitale représentant une force de frappe inestimable pour renforcer son socle électoral.

Des soutiens resserrés, une communauté d'internautes, un storytelling efficace tout semble indiquer la mise en place de nouveaux codes politiques. Reste à étudier l'évolution du mouvement et ses impacts au sein de la vie politique française.

En marche, vers une disruption de la scène

Au final, partisan ou non, il va sans dire qu'Emmanuel Macron a redistribué les cartes de la communication politique en se basant sur les codes des digitals natives obligeant ainsi à repenser la classe politique en l'état et à casser les silos. Volonté d'entreprendre, goût pour l'innovation, liberté de pensée et quête d'idéal sont des valeurs communes à ces deux courants dont Emmanuel Macron a su se servir pour séduire un électorat en quête de sens.

Reste à savoir quelle vision long-terme cela peut engendrer. Tout comme les start-ups, ce sont les retours d'expériences qui permettront, de déterminer les grandes tendances de fond de ce renouveau de la classe politique.

[1] https://en-marche.fr/le-mouvement

[2] https://www.lesechos.fr/elections/emmanuel-macron/0211761751962-emmanuel-macron-qui-sont-les-quinze-de-sa-garde-rapprochee-2062222.php

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Commentaires 2
à écrit le 23/05/2017 à 11:14
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Bof faut voir les têtes de son gouvernement pour conclure que rien n'a changé. #payetonhack. D'un côté feindre le renouvellement en ne renouvelant pas certaine nomination et de l'autre maintenir la mm classe politique.=>François Bayrou. Quel foutage ...

à écrit le 09/05/2017 à 14:30
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Déjà que l'on avait du mal à distinguer une "licorne" d'une bulle spéculative si en plus vous assimilez le terme à macron nous n'avons plus de doute à avoir.

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