Mais quand arrêtera-t-on de sanctionner les entreprises françaises ?

La proposition de loi imposant des normes très strictes aux entreprises en matière de responsabilité sociale et environnementale est à l'opposé de tout le discours gouvernemental pro-entreprise. Par Hervé Morin, ancien Ministre de la Défense, Président du Nouveau Centre et des Bâtisseurs de l'UDI

Ceux qui ont vraiment pensé que nos gouvernants avaient pris un réel tournant libéral ou qui ont cru au « J'aime l'entreprise » de Manuel Valls, je les invite à lire la proposition de loi sur le devoir de vigilance des maisons-mères qui sera présentée à l'Assemblée Nationale aujourd'hui. Les socialistes semblent souffrir au mieux d'une schizophrénie aiguë. Au moment même où le Sénat va examiner la loi dite « Macron » qui dit vouloir libérer l'entreprise et l'économie des contraintes freinant l'activité économique, l'Assemblée Nationale va examiner un texte qui va créer une insécurité juridique nouvelle de grande ampleur pour toutes les entreprises françaises.

 L'obligation d'un plan de vigilance pour éviter les atteintes... aux droits de l'homme

 De quoi s'agit-il ? Ce texte vise à introduire une obligation pour les sociétés françaises de plus de 5 000 salariés en France ou d'au moins 10 000 salariés en France et à l'international d'établir et de mettre en œuvre de façon effective un plan de vigilance destiné à prévenir les atteintes aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, aux risques de dommages corporels ou environnementaux ainsi qu'à la corruption chez leurs sous-traitants ou fournisseurs. Le non-respect de cette obligation fera peser sur les sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre trois sanctions : une amende civile pouvant atteindre 10 millions d'euros, une responsabilité civile pour faute, une publicité sanction.
Bien sûr, la France, pays des droits de l'homme et des Lumières, pourrait s'enorgueillir d'un tel texte. Qui ne souhaite pas que les entreprises du monde entier, à commencer par celles installées en France, soient respectueuses des droits de la personne et préservent la nature ? Quelle fierté d'être à l'avant-garde en matière de lutte contre la corruption et de protection environnementale ! Mais est-ce vraiment une fois de plus le texte dont notre pays a besoin ?

Seule la France prévoit un tel niveau de contraintes

Cette loi va faire de la France le seul pays à avoir un tel niveau de contraintes couvrant tous les droits fondamentaux. D'autres pays ont prévu des dispositifs (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Finlande, mais sur une atteinte précise (esclavage, traite humaine par exemple).
La portée extrêmement large du texte va générer une insécurité juridique considérable et un nouvel handicap compétitif. Ni les atteintes ni les dommages ne sont définis. De quel droit parle-t-on : international, local, français ? Le périmètre lui-même est incertain : jusqu'où va-t-on en matière de fournisseurs et sous-traitants de la société-mère et de ses filiales ? Prenons le cas d'Airbus, par exemple, qui fait appel à des pièces construites dans de nombreux pays dont les producteurs eux-mêmes font appel à une multiplicité de sous-traitants.
Une telle loi multipliera les recours, les contentieux, voire les « coup bas » instrumentalisés par les concurrents utilisant des lanceurs d'alerte. Le magistrat sera le juge de l'activité économique. L'entreprise fera face à des procédures longues, incertaines et coûteuses.

Les entreprises étrangères pas concernées, une véritable distorsion de concurrence

L'une des conséquences les plus préoccupantes de cette loi est en outre, faute de prévoir l'extra-territorialité, que sur le marché français les entreprises nationales seront soumises à un droit auquel les entreprises étrangères ne le seront pas ! Tant d'efforts produits par la nation pour restaurer notre compétitivité sont ainsi affaiblis par une telle distorsion de concurrence. On ne saurait justifier qu'un constructeur français qui vend des voitures sur le marché national soit soumis à des contraintes juridiques incertaines auxquelles un constructeur étranger ne sera lui pas soumis. Comment aussi ne pas être surpris dans un tel contexte de voir nos jeunes entreprises et start-ups faire le choix en fin de compte de la délocalisation ?

Les entreprises font déjà de réels efforts


Penser que les autres États suivront notre exemple par la seule adoption de cette loi tient du miracle. On aurait pu, par exemple, demander à l'Europe de légiférer. Les principes de cette loi s'appliquent par ailleurs aux entreprises du monde entier. L'Organisation des Nations Unies, qui a initié des démarches en matière de gouvernance des entreprises, n'est-elle pas compétente ?
Il ne s'agit pas de laisser penser qu'il n'existe pas des abus commis par les entreprises françaises, ni de les relativiser. S'ils sont avérés, il faut les combattre. Mais cela ne nécessite pas à travers cette loi de pointer les entreprises françaises du doigt, alors qu'à notre connaissance elles font de réels efforts en matière de Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE). Une autre façon de procéder, si ce sujet est important pour la majorité actuelle, aurait été de proposer aux entreprises de s'engager sous forme de « soft law » par exemple à travers une charte de bonne de conduite et d'initier avec elles un dialogue en ce sens. Les premières preuves de l'amour, Monsieur le Premier Ministre, sont la constance et de se faire confiance....
Hervé Morin,
Ancien Ministre de la Défense
Président du Nouveau Centre et des Bâtisseurs de l'UDI
Député de l'Eure

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 30/03/2015 à 18:44
Signaler
Mais vous le savez bien depuis quand monsieur Morin,c'est sous votre gouvernement que la taxe professionnelle a disparu et a été remplacée par la CFE parfois trois fois plus importante que la défunte taxe pro.Les petits entrepreneurs vous disent merc...

à écrit le 30/03/2015 à 11:33
Signaler
N'ayant plus aucune audience dans les media, l'auteur tente de se recycler; sur des sites où on n'est pas trop regardant ! J'espère qu'on les fait payer...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.