Médicaments : pour un « new deal » de l’innovation

L’industrie pharmaceutique se caractérise par des cycles de développement particulièrement longs, de l’ordre de dix ans en moyenne. Pourtant, dès lors qu’il s’agit de la santé, le temps de la recherche est confronté à une nécessité de succès : le chercheur ne doit pas seulement chercher, il doit aussi trouver. Trouver de plus en plus vite pour répondre aux besoins médicaux non satisfaits. Par Emmanuelle Quilès, Pdg de Janssen.
Emmanuelle Quilès, Pdg de Janssen France

En permanence, il nous faut réconcilier notre vision sociétale, inscrite sur le long terme, avec la nécessité de nous transformer pour accélérer les progrès en santé. Ces progrès doivent répondre à un double défi : celui de la personnalisation et de l'instantanéité.

Pour le relever, notre secteur a multiplié, ces derniers temps, de nouvelles pistes : la recherche translationnelle ou la médecine personnalisée, le développement d'applications mobiles, l'accès aux big data et la digitalisation...

De nouveaux acteurs émergent avec lesquels nous développons des partenariats pour permettre aux patients non seulement d'accéder à de nouveaux traitements, mais aussi, et de plus en plus, à de nouveaux services autour des médicaments.

Cet équilibre subtil à trouver entre le long terme, qui est le temps de la R&D traditionnelle, et cette accélération bouillonnante questionne le modèle traditionnel de l'industrie pharmaceutique. Car au bout de la chaîne, l'évaluation et l'accès au marché des innovations ne semblent pas prendre en compte ni ces changements qui surviennent côté industrie ni les nouveaux besoins exprimés par les usagers du système de santé.

Nous sommes à la croisée des chemins...

D'un côté, on sent une énergie nouvelle, on anticipe de nouvelles solutions, on se projette dans l'avenir. Ce sont des transformations très stimulantes pour notre industrie, dans le sens où elles nous obligent à travailler différemment, à imaginer la santé de demain, à réfléchir sur la personnalisation du soin, à faire évoluer la notion de risque partagé.

De l'autre, nous constatons que nos interlocuteurs du quotidien, - autorités de santé, gouvernement, associations de patients, organismes payeurs-, ressentent comme nous cette dualité entre temps court et temps long. Mais les systèmes dans lesquels nous opérons ensemble n'obéissent finalement qu'à une logique de court terme. Les débats qui animent notre horizon commun ne dépassent que rarement l'année comptable. Et cela nous empêche d'avoir, pour le système de santé français, une vision ambitieuse, qui permette d'offrir aux innovations qui arrivent toute la place qu'elles méritent.

En cette période propice de l'élaboration du budget de la Sécurité Sociale, je me prends à imaginer comment adapter l'écosystème de la santé en France et quel pourrait être un « new deal » de l'innovation.

Une société qui saurait faire de la place aux innovations qui arrivent à très court terme, en ayant une visibilité claire sur celles qui seront là à plus long terme.

Une société qui ne mettrait pas en permanence la pression sur la valeur de ces innovations, en anticipant davantage sur les réévaluations ou les baisses de prix des médicaments.

Une société dans laquelle les débats qui animent notre horizon commun de citoyens et d'entrepreneurs dépasseraient l'année comptable et les procès d'intention réciproques.

Johnson & Johnson soutient les Entreprises du Médicament (LEEM) qui poussent pour une approche prospective et demandent un « plan quinquennal » de la santé, permettant de mieux anticiper et donc de mieux financer l'innovation de demain.

Ce « new deal » de la santé, c'est aussi une société dans laquelle ses différents acteurs se feraient plus confiance... car c'est ensemble que nous devons relever ce double challenge de la société moderne, instantanéité et personnalisation, en préservant nos capacités à financer l'innovation à long terme. Aujourd'hui, le niveau de risque très important pris par ceux qui font le choix d'investir dans l'industrie pharmaceutique où beaucoup de développement échouent n'est pas reconnu. Pourtant, seule une société qui rémunère l'innovation, en lui accordant budgets adaptés et anticipation, reste une société de progrès, car les revenus des innovations d'aujourd'hui financent les innovations de demain.

Notre industrie doit donc proposer des pistes d'évolution qui répondent aux attentes des Français tout en étant compatibles avec la soutenabilité du modèle de solidarité mis en place dans notre pays. Ceci afin d'éviter le paradoxe qui consiste à se plaindre de « trop d'innovations », alors que l'on devrait purement et simplement s'en réjouir.

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