Numérique et grandes entreprises : Goliath contre David 3.0

Les grandes entreprises, celles du CAC 40 peuvent se digitaliser. Opter pour les méthodes qui ont fait le succès des start ups ne serait pas la plus mauvaise solution. Par Antoine Gourévitch, Directeur Associé senior au Boston Consulting Group

Les dirigeants que nous rencontrons se posent souvent deux questions simples : qu'est-ce que le digital et comment se digitaliser ? Pour répondre à ces questions, transposons le récit de David et Goliath à l'ère contemporaine : nos géants du CAC 40 pourraient en effet changer tout simplement de méthode et opter pour celles qui ont fait le succès des start-up.

La réussite des start-up digitales, telles Amazon, Waze, Spotify, Valve, Slack ou encore GitHub, repose sur de nouvelles règles du jeu. En deux mots, sur une redéfinition du "quoi" et du "comment".

Concernant le "quoi", les start up excellent dans trois dimensions : l'expérience client, les produits et services digitaux, l'entreprise "data driven" où toutes les décisions sont basées sur les données. En matière d'expérience client, Waze est exemplaire. L'application a accès à l'agenda et aux contacts de l'utilisateur ce qui permet de trouver plus facilement la destination et de prévenir les contacts de l'heure d'arrivée. Par ailleurs, l'application, qui repose sur le principe de gamification, permet de signaler des événements (neige, pluie, accident) et ainsi de faire gagner des points aux utilisateurs. Uber offre un bon exemple de produits et services digitaux : l'entreprise fournit une plateforme multi-pays et une simplicité d'utilisation inégalée. Enfin Amazon est l'archétype de l'entreprise "data driven" : grâce à ses données, le groupe de Seattle adapte ses prix en temps réel.

S'agissant du "comment", les start-up possèdent des caractéristiques communes qui leur ont permis d'adopter la vitesse exponentielle qui a fait leur succès.

Responsable du résultat

D'abord, elles ont un modèle opérationnel agile, une méthode consistant à développer des logiciels rapidement en intégrant constamment les commentaires des utilisateurs et en faisant travailler ensemble des équipes multidisciplinaires. Un excellent exemple est Spotify.
Ensuite, leur gestion des talents est basée sur la responsabilité du résultat. Valve, une société spécialisée dans le développement de jeux, recrute les meilleurs développeurs et leur laisse la liberté de s'auto-organiser en fonction de leur intérêt pour tel ou tel projet. Enfin, elles ont une technologie ouverte et centrée sur les données comme Haier et Apple : Haier procède par innovation ouverte tandis qu'Apple fédère autour de ses plateformes un écosystème pour alimenter en contenus chacun de ses terminaux.

Des Goliath modernes qui veulent devenir agiles

 Rien n'empêche les Goliath modernes d'appliquer ces principes. Certains objecteront que les talents actuels ne permettent pas aux groupes dits traditionnels de se transformer. Nous pensons le contraire. L'enjeu consiste à libérer les énergies de nos talents : pourquoi seraient-ils digitaux la nuit et le week-end et en pilotage automatique la journée ? De nombreux Goliath modernes sont en train de s'inspirer des pratiques digitales pour accélérer et devenir agiles. Voici, cinq initiatives que nous avons observées dans de grands groupes innovants.

En premier lieu, créer un exemple de start-up, un pure player digital, et le laisser se développer sans contrainte, tel Viamichelin, une filiale du Groupe Michelin dédié à la mobilité. En second lieu, créer un espace de liberté au sein du groupe dans une division, tels les départements dédiés au développement de la voiture autonome chez les constructeurs automobile. En troisième lieu, créer des pilotes sur les données non utilisées de l'entreprise pour changer les modes de fonctionnement de 200 à 300 personnes puis plus largement dans le groupe. En quatrième lieu, passer la méthodologie agile à l'échelle de l'entreprise en la mettant d'abord en place dans l'IT puis dans les métiers, comme l'a fait ING avec succès aux Pays-Bas. Enfin, en cinquième lieu, créer un écosystème de partenaires de start-up, comme ce que la SNCF a mis en place à Tel Aviv.

S'inspirer des start up est possible

Ces exemples nous montrent que s'inspirer des start-up est une voie possible. L'approche suppose un changement culturel profond. Il s'agit de passer d'un engagement sur les moyens à un engagement sur les résultats; c'est-à-dire de passer d'un raisonnement basé sur le coût unitaire à un raisonnement basé sur la valeur créée par l'entreprise. La confiance est la clé de voûte de ce changement culturel. Nos groupes ont tout à y gagner.

Antoine Gourévitch
Directeur Associé senior au Boston Consulting Group

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