"Paradise Papers" : et si la France devenait un paradis fiscal ?

Qu'y a-t-il d'immoral à vouloir payer le moins d'impôts possible ? Et à l'inverse, en quoi est-il moral de vouloir imposer à des contribuables de payer le plus possible d'impôts ? Par Rémi Martial, économiste, maire de Lèves, conseiller départemental d'Eure-et-Loir.
Rémi Martial, économiste, maire de Lèves, conseiller départemental d'Eure-et-Loir.

Face à un système fiscal qui s'essouffle de trop taxer les plus hauts revenus, nous pourrions modifier en profondeur notre philosophie en la matière afin d'attirer les investisseurs et de redorer notre économie, tout en respectant la propriété privée et le secret fiscal. Et si, d'enfer fiscal, la France avait intérêt à devenir un paradis fiscal ?

"Le Monde" vient de publier les résultats d'une enquête internationale, fruit d'un an de travail en collaboration avec une centaine de médias, révélant des documents confidentiels émanant essentiellement d'Appleby, « prestigieux cabinet d'avocats au service des fortunes cachées », selon le quotidien. Un peu plus d'un an après le scandale des « Panama Papers » et la chute de Mossack Fonseca, le sujet de l'évasion fiscale pointe à nouveau le bout de son nez. Les commentaires forcément condamnatoires ne se sont pas fait attendre, jetant en pâture un certain nombre de citoyens et d'entreprises.

Renforcer la législation fiscale : une fausse bonne idée

Une précision liminaire - et fondamentale - doit ici être posée. Il est important de distinguer ce qui relève de la fraude fiscale, pratique illégale et qu'il est légitime de vouloir sanctionner, et ce qui relève de l'optimisation fiscale, manœuvre tout à fait légale quant à elle. L'évasion fiscale peut définir l'une comme l'autre. Le Monde rappelle d'ailleurs que les « Paradise Papers » se situent majoritairement dans le champ de l'optimisation légale qui, exercée à titre privé ou professionnel, vise à réduire son niveau de prélèvements obligatoires. En un sens, l'irrespect de la propriété privée et du secret fiscal est bien plus condamnable que la pratique de l'optimisation fiscale.

Où se situe, par conséquent, le problème en l'espèce ? Selon le quotidien, les paradis fiscaux « coûtent aujourd'hui 20 milliards d'euros à la France ». Une remarque qui s'inscrit dans un mode de réflexion très franco-français, consistant à penser que tout impôt non payé devient une recette perdue pour l'État. Comme si ce dernier était automatiquement propriétaire de l'argent des citoyens et des entreprises. Après tout, qu'y a-t-il d'immoral à vouloir payer le moins d'impôts possible ? Et à l'inverse, en quoi est-il moral de vouloir imposer à des contribuables de payer le plus possible d'impôts ?

Comment l'enseignement de l'économie formate les esprits

L'argument est bien connu : une fois cette manne « égarée » pour l'État, c'est le financement des sacrosaints services publics qui se retrouve amputé injustement, et la solidarité nationale qui est mise à mal. C'est oublier un peu vite qu'en dehors de l'État-providence, d'autres formes de solidarité existent, et que ce dernier est à bout de souffle, devenu aussi coûteux qu'inefficace. Nous sommes dans une impasse, la situation nous impose d'inventer un nouveau modèle. Mais, à voir comment l'économie est enseignée en France depuis des décennies, on comprend mieux pourquoi la conscience collective n'en attend toujours que de l'État, dans un esprit collectif d'irresponsabilité.

Une grande partie des acteurs publics appelle au renforcement des sanctions contre l'évasion fiscale. Sanctionnons les méchants riches, plutôt que de comprendre leurs comportements et plutôt que de vouloir traiter le mal à la racine. Une ineptie économique partagée par une partie de la classe politique, à gauche comme à droite, dont les réactions aux « Paradise Papers » étaient attendues. « Après cet énième scandale fiscal, renforçons pour de bon la loi, et demandons à l'Europe d'en être le garant » entend-on déjà un peu partout. Plutôt que de favoriser la concurrence fiscale, saine pour le citoyen, les défenseurs d'une harmonisation fiscale trouvent un nouvel argument. Evidemment, ils oublient de dire que cette harmonisation se fera par le haut... et aura pour conséquence de renforcer encore plus l'évasion fiscale...

« Trop d'impôt tue l'impôt »

La logique, au contraire, voudrait que le système fiscal français soit fortement allégé. A la place, regrettent certains, il favorise les « super-riches », qui ont les moyens de s'entourer des meilleurs conseillers fiscaux afin de jouer de la complexité de notre système. Résultat : « les autres », ceux qui ne disposent pas des mêmes ressources, se retrouvent doublement pénalisés, puisque non contents de ne pouvoir optimiser efficacement, ils subissent par ailleurs une fiscalité sans cesse alourdie.

La pression sur les classes moyennes dites « supérieures » ne s'atténuera pas de sitôt, au vu du premier budget de l'ère Macron. Au menu : remplacement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) ; augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) ; maintien de la taxe d'habitation pour les 20 % des ménages les plus aisés. Autant de symboles d'une politique qui divisera à coup sûr les Français, qui ne se retrouvent pas sur le pied d'égalité qu'ils souhaiteraient.

La vérité, c'est que si la pression fiscale était moins forte dans l'Hexagone, l'évasion fiscale serait bien moindre. C'est là-dessus que le ministre de l'Economie Bruno Le Maire fait fausse route. Lundi dernier, il déclarait en réaction aux « Paradise Papers » que « l'évasion fiscale ruine le consentement à l'impôt ». Mais n'est-ce pas plutôt l'inégalité devant les taxes et la lourdeur de celles-ci qui fragilise ce consentement ? Avec des impôts trop élevés, la chose est entendue : non seulement nous perdons une recette fiscale importante, mais les investisseurs rebroussent chemin et engagent leur argent autre part, pesant négativement sur notre économie. Une double sanction qu'avait très bien démontrée l'économiste américain Arthur Laffer avec sa fameuse courbe : « Trop d'impôt tue l'impôt » avait-il déduit.

Citoyen-responsable et solidarité nationale retrouvée

C'est en fin de compte toute une philosophie fiscale qui est à revoir. Alors que le nombre de Français ne s'acquittant pas de taxes directes va augmenter, que 2% payent 40% des impôts, ne faudrait-il pas réfléchir à la mise en place d'un prélèvement type « flat-tax », où tout citoyen paierait un impôt direct local et national, mais le plus faible possible ? Chacun serait ainsi citoyen-responsable et participerait concrètement à une solidarité nationale retrouvée. Plutôt que d'être un enfer fiscal, complexe, injuste et confiscatoire, la France devrait penser à devenir un paradis fiscal.

Nous avons besoin de retrouver une situation économique saine, d'attirer les capitaux et les intelligences, et de retrouver la confiance perdue entre les citoyens et le pouvoir politique. Après les "40 Piteuses", symboles de dette, de déficit et de chômage de masse, il est temps de changer de logiciel.

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Commentaires 20
à écrit le 04/10/2021 à 7:17
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Ce Mr Martial est effectivement assez comique. Au delà de ses titres de général mexicain, il doit avoir du succès dans son village :) La courbe de Laffer! Le dada de Trump, pondue en 3 minutes sur une nappe de restaurant. Même les américaines n'y cr...

à écrit le 23/11/2017 à 16:24
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Sachant que 10% des gens payent 70% de l’impôt et le 1% le plus fortuné en acquitte plus du tiers, à part plumer les classes moyennes, dont les fonctionnaires, que peut faire d’autre le gouvernement, à part un big-bang fiscal ? Rémi Martial fait de...

à écrit le 23/11/2017 à 16:19
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Sachant que 10% des gens payent 70% de l’impôt et le 1% le plus fortuné en acquitte plus du tiers, à part plumer les classes moyennes, dont les fonctionnaires, que peut faire d’autre le gouvernement, à part un big-bang fiscal ? Rémi Martial fait de...

à écrit le 14/11/2017 à 12:54
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Ce que le commun des contribuables semble commodément oublier est que c’est la minorité des « riches » qui payent la majorité des taxes en France. Est ceci suscite bien moins de sentiment d’injustice que l’inverse sous prétexte qu’ils sont riches et ...

à écrit le 13/11/2017 à 14:32
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Tout est dit, bravo monsieur ! Car oui quand sortira-t-on enfin de inepties socialisantes qui n'aboutit qu'à partager la pauvreté à force de ne plus avoir de richesses quand il faudrait au contraire attirer entrepreneurs et fortunes pour partager les...

à écrit le 12/11/2017 à 18:29
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« Trop d'impôt tue l'impôt » : Le fait est que pour ces braves, il y aura toujours trop d'impôt... Au fait, ça se passe comment dans les pays qui ne sont pas réputé être des enfers fiscaux? Trump est arrivé au pouvoir car tout va bien aux USA? Les d...

à écrit le 11/11/2017 à 21:03
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On l'a déjà dit : L'optimisation fiscale est certes légale, mais profondément égoïste et injuste. Chacun doit contribuer au fonctionnement de la collectivité à hauteur de ses moyens, pas se défiler lorsque sa fortune permet de se payer des av...

le 12/11/2017 à 11:13
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"L'optimisation fiscale est certes légale" Depuis quand la fraude fiscale est légale ? Depuis quand planquer son argent dans les paradis fiscaux est légal ? Il existe des niches fiscales c'est un fait mais tout amalgamer pour nous dire que l'...

à écrit le 11/11/2017 à 19:05
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Mais dans quelle planète vivez vous ? inversons donc la formule: si ces milliards- perdus dans les nébuleuses de la dite "optimisation fiscale" et autres distorsions s'inspirant largement des lessiveuses mafieuses... étaient récupérés, il ne serait p...

le 11/11/2017 à 22:25
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Si la France change la fiscalité pour les riches c’est sûrement à cause du Brexit et de Trump , la France va profiter de garder quelques riches , bien que la majorité va vivre en Suisse. Il y a sûrement anguille sous roche , depuis 2002 c’est une po...

à écrit le 11/11/2017 à 18:19
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Le retour a une jungle ou a un désert inhabitable ne sollicite plus d'impôt!

à écrit le 11/11/2017 à 18:14
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Comme le monde entier pourra baisser ses impôts , faire de l’emploi et la France deviendra un pays où la misère atteindra 70% .... encore un qui est déconnecté , mais peut on lui en vouloir d’être l’esclave de l’argent et du luxe ? Tout est il à ven...

à écrit le 11/11/2017 à 17:46
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"économiste, maire de Lèves, conseiller départemental d'Eure-et-Loir" Et avec la photo en plus, désolé c'est trop gros pour ne pas exploser de rire. On se demande comment on peut encore diffuser ce genre de messe carrément en latin, de la pure pr...

le 11/11/2017 à 19:54
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Excellent commentaire. Comment les néolibéraux se permettent-ils de se contredire dans un journal aussi sérieux que La Tribune. "économiste, maire de Lèves, conseiller départemental d'Eure-et-Loir" et quoi d'autre encore !

le 12/11/2017 à 0:50
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Bon commentaire ! Ce sermon néo-libéral est un gag assez risible...

le 12/11/2017 à 11:11
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Merci mais avouons que c'est quand même franchement inquiétant étant donné que les propriétaires de capitaux et des outils de production pensent cela dans leur grande majorité. "Oui il y a bien une lutte des classes mais c'est ma classe celle des...

à écrit le 11/11/2017 à 13:05
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encore une diatribe néo libérale avec des poncifs du style "trop d'impots tue l'impot".la réalité est heureusement autre.la France est admirée pour la qualité de son administration ,la gratuité de son système de santé,l'excellence de son système éduc...

le 12/11/2017 à 14:03
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La france est admirée pour la qualité de son administration . "A lever l'impôt sans doute .." . Les poncifs comme vous dites , votre commentaire en est un condensé , Quant à la citation "trop d'impôt tue l'impôt" , elle est le reflet de votre inc...

à écrit le 11/11/2017 à 1:47
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Quel serait selon vous le niveau d une juste imposition: 0% parce qu' à plus je crains bien que vous fassiez toujours face à l'optimisation fiscale.

à écrit le 10/11/2017 à 23:41
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Qu'y a t il d'immoral à ce que les plus forts se renforcent, quitte à écraser les plus faibles pour cela? Qu'y a t-il de stupide à écrire de telles ignominie? Je ne sais pas, y 'a du pour et y'a du contre: vous avez sans doute raison, "monsieur", i...

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