Pour Lagarde, la fête est finie ! ... La dette aussi ?

CHRONIQUE. « La fête est finie », nous susurre Christine Lagarde. L’argent gratuit c’était hier. Demain, ceinture. Mais la dette alors ? Comment nos gouvernants vont-ils financer leurs promesses, et rembourser celles d’hier ? Par Karl Eychenne, stratégiste et économiste.
(Crédits : Reuters)

Si même la Banque Centrale européenne (BCE) se met à trembler devant l'inflation, alors c'est qu'elle doit vraiment avoir quelque chose d'effrayant. Ainsi donc, Christine Lagarde a craqué, désormais tout est possible :

« La BCE n'exclut pas (plus) de remonter ses taux d'intérêt directeurs en 2022 ».

Aussitôt dit, aussitôt anticipé par les marchés qui voient la BCE remonter ses taux directeurs à... 0% fin 2022 ; oui, car il faut rappeler que les taux directeurs sont encore négatifs à -0,5%.

Mais ce n'est pas le plus important...

Que la BCE durcisse sa politique monétaire, ou la rende moins accommodante, est un sujet bien entendu. Mais ce n'est pas le sujet qui doit nous préoccuper le plus. Le vrai le seul sujet, c'est la dette, la fameuse dette éternelle qui monte au ciel. La dette dont on se prit un moment à imaginer qu'il suffisait de la ranger dans un bilan de Banque Centrale et de ne plus y toucher, voire de la faire disparaitre comme si elle n'avait jamais existé.

Quel avenir pour la dette dans un monde où les taux remontent, et où la BCE achète de moins en moins (plus du tout...) de titres d'États ? Quelle crédibilité accorder aux promesses des gouvernants si elles ne sont plus financées par de la monnaie Banque Centrale ?

« Le réel est étroit, le possible est immense », tenterait de nous rassurait ce bon Lamartine. Certes. Mais avec un tel revirement de la politique monétaire, l'horizon des possibles est quand même bien écorné. Juste 1 constat et 1 calcul de coin de table suffiront à saisir la taille du problème qui se présente.

Un constat : depuis la grande crise de 2008, l'endettement de nos gouvernants a été entièrement financé par les achats de titres de la BCE. Précisément, le ratio de dette sur PIB est passé de 60% à près de 100% fin 2021, pendant que l'encours de titres de la BCE augmentait de 30 à 70% du PIB. Jusqu'à présent, la BCE était donc le principal (seul) bailleur de fonds du gouvernement, à des conditions très avantageuses pour ce dernier. Demain, on peut imaginer que les banques et autres investisseurs zélés prendront le relais, mais on peut aussi imaginer qu'ils ne le feront pas aux mêmes conditions.

Un calcul de coin de table : une hausse des taux de 1% entraine une hausse du ratio de dette sur PIB de 1%, « toute chose égale par ailleurs » selon la formule consacrée. Pas grand-chose donc... Mais toute chose ne restera pas égale par ailleurs. Si on élimine les scénarios les plus fantasques, le moins débile est quand même celui où la croissance et l'inflation reviennent sur terre, passant de près de 5% pour 2021 à au moins 2% en 2023 - 2025. Si vous supposez tout cela, alors vous produisez un double effet négatif de hausse des taux d'intérêt réels (taux nominaux qui montent - inflation qui baisse) et de baisse de la croissance, qui gonflerait le ratio de dette d'au moins 6%.

Qui paiera ?

Pour résumer, le discours de Christine Lagarde est une très mauvaise nouvelle pour nos gouvernants. Mais c'est aussi une très très mauvaise nouvelle pour nos finances... En effet, si nos gouvernants ne peuvent plus financer sans compter les promesses qu'ils nous font, même celles les plus louables telles que le financement de la nécessaire transition énergétique, alors qui paiera ? Les regards se tournent vers l'intéressé : le pékin moyen.

Sauf que le pékin moyen n'est pas complètement benêt. Les économistes appellent cela l'équivalence ricardienne : si le gouvernant aide le gouverné pour x ou y raison, probablement qu'il exigera quelque échange de bons procédés dans un futur proche... une hausse des impôts par exemple. L'équivalence ricardienne nous apprend alors que le gouverné n'utilisera pas l'aide proposée par le gouvernant, puisqu'il sait très bien qu'il devra ensuite le rembourser. Il préfèrerait une aide gratuite, un don.

Certes, il fut un temps pas si éloigné où le don n'était pas une idée complètement farfelue, puisqu'elle pouvait compter sur le soutien inconditionnel des Banques Centrales. C'était le bon temps, et nous en avons bien profité à vrai dire, trop peut-être ? Oserons - nous dire que nous avons bien mérité ce qui nous arrive ?

« Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes », Bossuet

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Commentaires 22
à écrit le 21/02/2022 à 3:16
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L'argent comme une et une catastrophe pour l'épée rue Robert la construction européenne politiquement construite et c'est un suicide pour l' Europe l'euro est menacé c'est plus qu'une histoire de temps voilà les politiciens qu'est-ce qu'ils ont fait ...

à écrit le 13/02/2022 à 13:17
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Ils sont marrants tous ces super économistes qui nous sortent tous des explications plus alambiquées les unes que les autres sans jamais pointer le fait que du moment qu'on déverse du cash sans création de valeur en face on génère de l'inflation, méc...

à écrit le 13/02/2022 à 1:09
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"C'était le bon temps, et nous en avons bien profité " dixit la fin de l'article . Je ne sais pas vous ,mais moi , j'ai fait partie de ceux qui n'ont fait que payer sans jamais profiter de quoi que ce soit, étant de la petite classe moyenne ! J'ente...

à écrit le 07/02/2022 à 6:12
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"tenterait de nous rassurait" ???

à écrit le 07/02/2022 à 1:40
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Elle fait peur cette bonne femme.

à écrit le 06/02/2022 à 12:30
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Le discours ne tient pas la route : ces 10 dernières années le taux de la BCE était certes négatif à -0.5% mais l'inflation était faible à 1% maxi. Donc parler d'écart à 6% qui passerait à 2-3% et que ce serait un désastre.... bof

à écrit le 06/02/2022 à 10:04
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"la nécessaire transition énergétique", où avez-vous vu qu'elle était nécessaire? Oui il y a réchauffement climatique, c'est loin d'être la 1ère fois dans le dernier millénaire. Et personne n'a formellement prouvé qu'il était d'origine anthropique. ...

à écrit le 05/02/2022 à 23:42
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Qui nous gouverne, des guigoles, malheureusement depuis ...

à écrit le 05/02/2022 à 23:41
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Qui nous gouverne, des guigoles, malheureusement depuis ...

à écrit le 05/02/2022 à 19:58
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Voilà où nous a conduit cet endettement massif voulu par Giscard d abord puis par l ' Europe ensuite ! Resultat : création illimitée de monnaie aveugle puis conséquence inflation ...bref , le système est bloqué , les 2 solutions inflation ou ...

à écrit le 05/02/2022 à 17:56
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Je n'ai pas l'impression que l'inflation soit installée durablement, il y a deux phénomènes, la très rapide remontée des mp depuis le creux de 2020 qui accentue "la sensation ou la réalité", le brent et le cuivre en euro sont il est vrai hauts mais o...

à écrit le 05/02/2022 à 16:26
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J.’ai peur à 77 ans et mon époux 79 pour nos enfants (3) , leurs épouses et nos 8 petits-enfants. Est-ce bien de donner 100€ à chaque personne n’ayant pas 2000€ de salaire ou de retraite ? Je pense que c’était de notre devoir de faire attention. Un g...

à écrit le 05/02/2022 à 13:44
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"nos gouvernants ne peuvent plus financer sans compter les promesses qu'ils nous font, même celles les plus louables telles que le financement de la nécessaire transition énergétique" Non non Mr Eychenne, gardez ce genre de conviction pour vous. C'e...

à écrit le 05/02/2022 à 10:11
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Cela sent le sapin (pour reprendre une expression populaire) et la fumée est bine visible (il suffit de regarder l'évolution des taux longs, +0,65% depuis le 20 décembre dernier (et de faire un rapide calcul sur l'impact sur nos finances publiques à ...

à écrit le 05/02/2022 à 10:10
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Un truc nous etonnait bcp mon epouse et moi lors de voyages d'affaires en France et a Paris en particulier. C'etait l'euphorie de l'euro, ca ruissellait, on se disait ils en ont du fric alors que nous en Coree on venait tout juste de sortir d'une sup...

à écrit le 05/02/2022 à 9:37
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Réaction trop tardive. Ces taux auraient dû remonter il y a six mois au moins. La BCE ne pilote pas, elle ne fait que réagir au dernier moment. C'est comme si vous abordiez un virage en ligne droite, et que vous commenciez à sortir le volant que quan...

à écrit le 05/02/2022 à 9:09
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Depuis le temps qu’on envoie notre argent à tout va

à écrit le 05/02/2022 à 8:46
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Soyons honnêtes, sur les trois derniers présidents européistes que nous avons eu,deux, Sarkozy et Macron nous ont prudemment pas promis grand chose et même promis quand on savait lire facilement entre les lignes du sang et de la sueur, ce sont surtou...

le 05/02/2022 à 13:22
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Ha bon? Hollande ne nous a t il pas piqué par l’impôt 50 milliards d'euros dès son élection? Et qu'il a appelé ça "Choc fiscal". Vous avez la mémoire courte.

le 07/02/2022 à 8:56
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En comparaison aux 500 milliards (à peu près) de Sarkozy ET de Macron aussi c'est petits bras oui mais je suppose que la classe dirigeante préfère piller les caisses publiques sous des politiciens de droite en qui ils ont plus confiance par tradition...

à écrit le 05/02/2022 à 8:31
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oui la fete est fini la conclusion est demission de mme lagarde car tout est a revoir et le monde de demain n'a rien a voir avec le vision actuel

le 06/02/2022 à 4:09
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Elle se care de votre sentence. Ses emoluements vont suivre quoiqu'il arrive. Pour vous tous ca va etre des taxes et impots nouveaux afin d'eponger l'argent magique. Bonne annee.

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