Pour sauver les riches, soulageons les pauvres !

La faiblesse de la demande, effet de de l'anémie des revenus, condamne à terme le système capitaliste. Mettre en place un revenu minimum universel profiterait bien sûr aux pauvres, mais permettrait aussi de sortir de la stagnation séculaire. par Michel Santi, économiste*

Un débat fait rage actuellement, principalement aux Etats-Unis, sur la stagnation séculaire de nos économies. Pourtant, si stagnation séculaire il y a, celle-ci est due - selon moi - à l'extraordinaire productivité du capitalisme. Les taux d'intérêt très bas, voire nuls ou même négatifs, sont tout bonnement la conséquence de la très efficiente productivité du capital. Quant au chômage, il est lui-même le reflet de l'incroyable productivité du travail. En d'autres termes, le travail et le capital sont très faiblement rémunérés car notre économie a besoin de moins en moins de travail et de moins en moins de capital pour livrer ses biens et pour assurer ses services. Le corollaire est donc que nous produisons bien plus que ce que nous pouvons acheter et consommer.

Une demande et une consommation anémiques

La stagnation de nos économies provient donc d'une demande et d'une consommation anémiques, et non d'une offre déficiente. Situation qui ira en s'aggravant davantage année après année, car les progrès conduiront la société et les entreprises à créer et à produire encore et toujours plus avec toujours moins de capitaux et toujours moins de salariés. Un travailleur produit 350 tonnes d'acier en une heure aujourd'hui, alors qu'il n'en produisait qu'une seule tonne par année dans les années 20 !
Pour autant, et contrairement à ce que l'on serait en droit d'attendre de la part d'une société qui produit plus avec moins, l'abondance ne bénéficie qu'à une infime minorité. Ces gains de productivité massifs finiront par détruire l'économie - et le capitalisme - car ils n'ont aucune retombée favorable sur la consommation. Il ne sert en effet à rien au capitalisme de produire avec toujours moins de travailleurs et de salariés s'il y a de moins en moins de consommateurs qui peuvent se permettre d'acheter ses produits et services.

Un impact nul des politiques de "quantitative easing"

Quant aux politiques des banques centrales dites de « quantitative easing », elles n'ont fait qu'enrichir le grand capitalisme à travers le gonflement vertigineux des réserves bancaires et l'ascension contre nature des marchés boursiers. Leur impact a effectivement été nul sur la consommation.
Si les capitalistes ont, pour le moment, largement neutralisé les effets potentiellement désastreux d'une consommation déclinante par des profits pharamineux engrangés grâce aux envolées boursières tout aussi indécentes que schizophrènes, la stagnation séculaire qui finira bien par les rattraper exige de relancer la consommation.

Un remède: le revenu minimum universel

Voilà pourquoi un des remèdes les plus aisés à mettre en place aujourd'hui - qui permettrait à la fois de soulager l'immense masse des citoyens tout en confortant les entreprises - serait le revenu minimum universel. Qui assisterait les plus démunis, qui réduirait les inégalités et qui trouverait des débouchés pour la surproduction se trouvant être un des maux les plus flagrants du capitalisme. Ce capitalisme, qui a formidablement réussi à produire et à multiplier ses richesses, voit aujourd'hui sa prospérité menacée par une demande agrégée ne parvenant plus à suivre le rythme effréné de ses gains en productivité. Il ne pourra pas indéfiniment faire son beurre grâce au tiroir caisse de bourses qui finiront bien elles aussi par être infectées par le monde réel, celui de "l'armée de réserve des travailleurs " (expression de Marx) qui doit toujours lutter et souvent souffrir pour subsister.
En l'absence de mesures fiscales appropriées toujours bloquées par le capitalisme pour des motifs évidents, donner de l'argent à chaque citoyen relancera donc la consommation, stimulera l'économie, insufflera un minimum d'équité au sein de nos sociétés, tout en ayant un impact favorable sur l'emploi. Aujourd'hui, il est dans l'intérêt du capitalisme d'instaurer ce revenu minimum universel: qu'il le fasse au moins pour ça...

 Michel Santi est macro économiste et spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience" et "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique".

Vient de publier "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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Commentaires 12
à écrit le 28/04/2015 à 18:56
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Si capital et travail sont faiblement rémunérés, quel serait ce troisième facteur peu productif qui confisquerait tout le profit? Traditionnellement les dividendes font parti du cout du capital qui ne se résume pas au seul taux d'intérêt. Merci de c...

à écrit le 28/04/2015 à 9:50
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LE RBI c'est tellement évident, rationnel, scientifique, arithmétique, intelligent, pratique, adaptable et finançable (nombreux modes de financement sont possibles -des plus classiques aux plus alternatifs-... c'est évidement possible) et peu coûteu...

à écrit le 27/04/2015 à 21:25
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C'est bien on progresse... ironie. Donc le 27 avril 2015 on se rend compte que "La stagnation de nos économies provient donc d'une demande et d'une consommation anémiques, et non d'une offre déficiente." Vous m'auriez demandé ça il y a 20 ans, alors ...

à écrit le 27/04/2015 à 20:49
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L'inégalité croissante engendrée par le capitalisme s'explique par ces 5 facteurs : 1. Inégalité de détention du capital financier. Les riches avec plus d'argent ont plus de moyens d'accentuer leur richesses par le retour sur capital financier. ...

à écrit le 27/04/2015 à 16:26
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plutôt qu'un rmu, un impôt négatif avec en bonus une grande simplification supprimant les aides sociales.

le 27/04/2015 à 19:38
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Vous proposez donc de mettre 5millions de gens a la rue pour sauver vos dividendes ? Quel humaniste !

le 27/04/2015 à 21:54
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Au contraire je supprime la pauvreté avec un impôt négatif du montant de son seuil . Simplifier au maximum la redistribution n'a rien à voir avec un manque supposé d'humanisme mais plutôt avec un soucis de rationalisation. Tout au plus risque-t-on...

le 29/04/2015 à 9:24
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Je vous fait remarquer qu'en supprimant les aides sociales vous envoyez 5 millions de chômeurs et 1 millions de RMIstes a la mort , votre impot négatif ne va pas beaucoup les aider ! Mais c'est vrai il n' y aura + de clients , ils seront morts de fa...

à écrit le 27/04/2015 à 15:37
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La clé qui explique l'évolution actuelle de l'Economie est, avant la productivité du travail et du capital, la mondialisation du marché qui fait que tant que le cout du transport reste faible on a intérêt à produire des produits à plus faible valeur...

à écrit le 27/04/2015 à 14:19
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Remplacer tout le "social" par de l'argent de poche, est il une solution?

à écrit le 27/04/2015 à 13:38
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A coté de la plaque:il ne faut pas raisonner comme nos gouvernements en Macro économie.Il y a des secteurs plus ou moins productifs,des citoyens plus productifs que d'autres.Aujourd'hui les non productifs captent une part sans cesse plus importante d...

le 13/05/2015 à 20:59
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Y'a jamais eu autant de pauvres, je me demande bien ce qu'ils captent comme part de la richesse, d'autant plus que celle-ci, croissant largement chaque année, est de plus en plus concentrée sur un pourcentage d'individus restreint. De plus citoyen p...

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