Pourquoi cette peur française du traité transatlantique ?

En cette semaine ouvrant le 13e round de négociations autour du TTIP, la France continue d'afficher ses réserves. Pourquoi? Par Hervé Guyader Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International

 Depuis 2013, la France ne réserve pas l'accueil le plus chaleureux au TTIP. Nous avons déjà eu maintes occasions de déplorer les raisons de cette frilosité.

Elles sont techniques s'articulant autour de la question des normes, des appellations d'origine, de l'arbitrage, des marchés publics... L'on comprend, aux réserves formulées par le gouvernement, que celui-ci semble découvrir, un peu tard, l'ultra-protectionnisme américain contre lequel il eut fallu se dresser dès le début afin d'entamer des négociations utiles. Mais elles sont surtout idéologiques tant il est vrai que le TTIP est un acte géopolitique qui vise à proposer une nouvelle configuration du monde.

Un marché commun unique avec les Etats-Unis?

La question fondamentale revient finalement à celle de savoir si l'Europe veut constituer un marché commun unique avec les Etats-Unis. Le contexte n'est guère propice, chaque recoin européen voit monter ses populismes, discours favorisant le repli sur soi et la défiance sur l'extérieur, l'étranger. La crise de migrants, formidable terreau de ces dangereuses expressions, n'a pourtant rien à voir avec la mondialisation ou le traité transatlantique.

S'y ajoute la position inconfortable du Président Hollande qui, en peine de présenter un bilan économique, commence déjà à distiller les éléments de langage d'un « bilan social ». Le traité transatlantique y est foncièrement indifférent, mais peut servir à le consolider. Quel formidable argument à présenter à un électorat de gauche que celui de refuser un traité commercial de libre-échange avec les américains.

Un débat biaisé

L'ensemble des marqueurs de gauche sont réunis. Le commerce (a fortiori international), le libre-échange ainsi que les Etats-Unis représentent tout ce contre quoi un militant peut vouloir se dresser debout.

Les discussions autour du TTIP montrent ainsi malheureusement à quel point la présentation des termes du débat est biaisée, fallacieuse ; les mots de démocratie et de libéralisme étant utilisés à tort et à travers. Au-delà se pose la question de la capacité de l'Europe dans cette négociation. L'on pourrait déplorer l'absence de cohésion, l'impossible cohérence et l'incomplétude de sa construction ou, tout au contraire, trouver là l'occasion formidable de se rassembler enfin pour présenter une Europe forte et unie et proposer des alternatives.

Critique de l'arbitrage

Il est sûr qu'en l'état, feindre l'optimisme serait bien exagéré. La question de l'arbitrage, par exemple, est diversement appréciée de chaque côté du Rhin. Les Allemands sont contre car leur pratique arbitrale est pour le moins balbutiante, voire inexistante. Les Français sont, en revanche, des spécialistes reconnus dans le monde entier de l'arbitrage. Fort malheureusement, ils se rejoignent dans la critique d'un mode de règlement des conflits qu'ils jugent occulte, privé, anti-démocratique alors pourtant qu'il existe depuis plus d'un siècle sans que personne n'ait jamais trouvé à y redire.

La France isolée?

La France est confrontée à un choix déterminant de son avenir économique comme de sa place dans le monde. Car si elle refuse le traité transatlantique, nul doute qu'elle s'isolera non seulement dans le monde mais également dans le cadre européen. Rien n'empêchera certains Etats européens de conclure des accords commerciaux bilatéraux avec les Etats-Unis.

Comment, de plus, justifier que la France rejoigne le commandement intégré de l'OTAN, mais refuse la dimension économique de cet atlantisme ?

L'exemple récent du traité transpacifique devrait conduire à une forme de Realpolitik, les Etats-Unis n'étant finalement pas moins fréquentables que d'autres avec lesquels le partage culturel est moindre.

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Commentaires 20
à écrit le 01/05/2016 à 15:00
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Pas de doute : Corruption, ça passe mieux en anglais (lobbying). Pondre un accord dans le secret, annoncer qu'on le fera valider par des pantins qui ont légalisé l'évasion fiscale et s'étonner que ça gronde... Nos technocrates ont une chance phénomé...

à écrit le 01/05/2016 à 7:57
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Combien avez vous été payé pour pondre cet article? Même pas une ligne du contenu de ce traité. Juste que les français sont des coqs mouillés. Bref je ne suis pas français mais si je constate que ce traité est non seulement rédigé dans le plus grand...

à écrit le 30/04/2016 à 14:05
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Monsieur Guyader je vous ai écouté sur "ITV" et je viens de lire votre article Je n'accepte pas les termes de votre argumentation pour nous faire digérer ce traité de libre échange avec les U.S.A. Qui a été à l'initiative de ce projet de libre échan...

à écrit le 29/04/2016 à 11:49
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Les citoyens acceptent de voir juger leurs affaires par des juridictions crées par la loi qu'ils ont votée et au regard de la loi qu'ils ont votée : c'est le principe de la démocratie. C'est le passage de justice privée à la justice publique. L'arbi...

à écrit le 28/04/2016 à 17:08
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L' Idée de ce traité , vient du non moins fantastique Barroso ....sorte de valet Us . Bon et puis on a eu la mondialisation....la planète est à l' arrêt , avec ses millions de chômeurs . Il faut que ces gens arrêtent de réfléchir ...à moins que tout...

à écrit le 28/04/2016 à 15:08
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je suis heureux de constater que les commentaires vont tous dans le même sens, et le point commun est que l'Europe, dans son système de fonctionnement actuel, n'est pas en mesure de négocier équitablement avec les USA. Ce qui nous pend au nez est don...

à écrit le 28/04/2016 à 14:52
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Cet Hevé Guyader me semble bien "léger" dans son jugement. Il ne fait pas avancer le débat d'un mm, se contentant de parler de nos peurs, comme si elles étaient infondées. La véritable question est bien en effet : voulons-nous créer une grande zone ...

à écrit le 28/04/2016 à 14:41
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Encore un article de commande ? Si les normes doivent s'aligner, à quoi bon l'acquis européen ? Quid de l'arbitrage face au non respect d'une règle de sécurité alimentaire européenne (poulet lavé au chlore, maïs OGM, bœuf aux hormones, ...) ? Quan...

à écrit le 28/04/2016 à 14:03
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Tiens, c'est un munichois qui a rédigé cet article.

à écrit le 28/04/2016 à 13:00
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Hollande sacrifie une partie de notre agriculture en sanctionnant la Russie et se fait huer en retour au salon de l'agriculture. Ce n'est pas en en mettant une 2ème couche avec cet accord transatlantique, qui va favoriser la vente des produits alimen...

le 30/04/2016 à 18:35
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Enfin un fil de moins à la patte : l'Assemblée nationale ne vient-elle pas de voter, contre l'avis du gouvernement, la levée des sanctions misent en place contre la Russie au grand dam de cette majorité " Socialiste" Ces sanctions avaient été demandé...

à écrit le 28/04/2016 à 12:19
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Ce traité porte en lui les germes d'un drame économique et social pour la France. Il passera dans le dos des peuples, sans l'aval des parlements nationaux, bref, dans la plus grande tradition démocratique bruxelloise. Les gouvernements n'avaient d'ai...

à écrit le 28/04/2016 à 10:48
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Créer une zone de libre échange entre l'UE et les USA se fera-t-il en sacrifiant la démocratie? Non, il n'en est rien. Pour en savoir plus lisez l'article "Le mythe d’un TTIP non démocratique" sur Trop Libre (http://www.trop-libre.fr/?p=20732)

à écrit le 28/04/2016 à 10:15
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Tous les points de vue doivent se faire entendre mais vous éludez complètement les arguments concrets qui sont opposés au TTIP. Vous passez en une phrase sur ce qui cristallise toutes les peurs autour de cet accord : "Elles sont techniques s'articula...

à écrit le 28/04/2016 à 9:42
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Cette peur pas que française parce que nous avons assez a digérer avec l'Europe avant de s'agrandir encore plus, en même temps on choisi ce qu'on achète donc pas besoin d'avoir peur si on choisi la qualité bien française qui pourrait enfin s'exporter...

à écrit le 28/04/2016 à 9:21
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Vous avez raison: "a question fondamentale revient finalement à celle de savoir si l'Europe veut constituer un marché commun unique avec les Etats-Unis." Ma réponse est NON: -Nous avons dispersé l'Europe depuis des années dans une grande zone de l...

à écrit le 28/04/2016 à 9:05
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C'est le deuxième article sur ce site qui, à défaut d'évoquer les réels écueils réglementaires et économiques du traité, se contente de traiter les opposants de poules mouillées, sur des bases pseudo culturelles. Par ailleurs, dans le monde multipol...

à écrit le 28/04/2016 à 8:57
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Qu'est-ce que c'est que cet enfumage anti-Francais ? Demandez donc aux Allemands ou aux Belges !!! Ils n'ont pas peur, ils n'en veulent pas. Personne n'en voit l'intérêt puisque desormais les droits de douane sont au plus bas et que cela concerne ess...

à écrit le 28/04/2016 à 8:46
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"Rien n'empêchera certains Etats européens de conclure des accords commerciaux bilatéraux avec les Etats-Unis." Les USA ne veulent surtout pas d'accord bilatéraux plutôt complexe mais des colonies avec a leur tête une commission bruxelloise faisant l...

à écrit le 28/04/2016 à 8:36
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Avoir peur est concevable après la désillusion apporté par l'UE et sa fuite en avant! Mais c'est surtout que nous sommes persuadé qu’éliminer les concurrences entre pays pour les mettre uniquement au niveau des entreprises, n'est pas une bonne polit...

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