Quand la technologie du bitcoin essaime

La monnaie électronique bien connue est fondée sur une technologie originale qui pourrait être utile dans d'autres secteurs. Par Thibaud Chabrelié, Senior Manager Telecom, Media, Technology chez EY

En 2008, un programmeur du nom de Satoshi Nakamoto - qui reste toujours non identifié - a publié un livre blanc posant les bases d'une monnaie électronique décentralisée, sécurisée et anonyme : le Bitcoin. Ce modèle s'affranchit du processus traditionnel consistant à impliquer un tiers de confiance dans chaque transaction au moyen d'une technologie conjuguant connexion peer-to-peer et cryptographie : la blockchain.

La blockchain est une sorte de grand livre de comptes crypté contenant l'ensemble des transactions effectuées. Chaque transaction y est chiffrée par les clefs publiques et privées de chaque utilisateur, ainsi que par une fonction mathématique virtuellement irréversible - la fonction de hachage - rendant la transaction infalsifiable une fois validée. Pour qu'une transaction soit validée, elle doit en effet être « hachée » par un nœud du réseau, puis acceptée a minima par 50% des nœuds existants. Ce procédé garantit la cohérence globale de la blockchain, car deux versions différentes ne peuvent cohabiter, et permet d'établir un modèle décentralisé, car chaque nœud du réseau est capable de traiter des transactions individuellement.

Absence d'intermédiaires

Le Bitcoin a connu une adoption rapide du fait de son instantanéité : en effet, les transactions sont validées et effectuées en moins de 10 minutes, quel que soit le lieu d'envoi et de réception dans le monde. Mais il est également estimé pour sa résilience, liée à son architecture décentralisée et son faible coût, du fait de l'absence d'intermédiaires. Cependant, le Bitcoin soulève plusieurs questions qui rendent sa massification complexe, notamment du point de vue de la sécurité, à cause du stockage des clefs privées sur des plateformes tierces (comme MtGox, piratée en 2014), de l'illiquidité et de la volatilité des échanges, mais aussi de l'irréversibilité des transactions (il n'est pas possible de les annuler). Quant à l'anonymat, s'il peut être perçu de prime abord comme une opportunité, il pose aussi des problèmes de transparence, comme l'ont successivement montré le succès, puis la fermeture de Silkroad en 2013, plaque tournante de la contrebande mondiale, sur laquelle les paiements étaient réalisés en Bitcoins.

 Une technologie prometteuse

Néanmoins, en permettant la réalisation quasi-instantanée de transactions sécurisées, décentralisées, et à faible coût, tout en mettant à disposition de l'ensemble des utilisateurs l'historique complet et infalsifiable des transactions effectuées, la technologie de la blockchain se révèle prometteuse pour de nombreux cas d'usage. Plusieurs initiatives ont ainsi émergé pour répondre à des problématiques financières spécifiques, comme le transfert d'argent à l'international ou la traçabilité des transactions internes par les institutions financières, mais aussi à une multitude de problématiques non financières, comme la certification des emails/documents, l'identification d'œuvres d'art, la traçabilité des médicaments, la gestion des identités numériques, de la contrefaçon ou des royalties, voire la gestion d'un réseau d'objets connectés.

En s'appuyant sur l'inscription dans une blockchain de numéros de série, d'identités numériques ou de codes-barres, ces solutions permettront de garantir leur véracité et/ou leur propriété.
Comment prédire les secteurs ou cas d'usage dans lesquels la blockchain pourrait se développer ? Une grille de lecture synthétique permettrait l'analyse de ces cas selon deux axes :

1. Le tiers de confiance est-il indispensable au secteur considéré ? Quel est son coût rapporté à la valeur de la transaction ?

2. Le secteur concerné est-il faiblement ou fortement régulé ?

La question de la règlementation

Quel que soit le degré de dépendance à une tierce partie, les secteurs fortement réglementés ne connaîtront l'émergence de solutions de blockchain qu'en cas de forte volonté de la part d'une instance réglementaire (comme par exemple les transferts d'argent nationaux ou internationaux, les actes notariés ou l'industrie pharmaceutique). A contrario, pour les secteurs à faibles coûts de transaction, le retour sur investissement d'une solution de blockchain devra être prouvé pour susciter une adoption massive des utilisateurs.

Plusieurs initiatives menées dans des secteurs peu réglementés et fortement dépendants de tiers de confiance sont susceptibles de se généraliser, particulièrement dans les secteurs dans lesquels le coût d'opération de la transaction est de l'ordre du dixième de pourcent de la valeur échangée. C'est dans ce segment que se trouveront les initiatives liées à l'Internet des objets (identification et sécurisation des objets connectés), et dans une moindre mesure, les initiatives liées aux échanges électroniques (certification d'emails, de documents, etc.).

En conclusion, si le potentiel du Bitcoin en tant que monnaie reste à prouver, la blockchain paraît en revanche posséder tout le potentiel pour devenir une technologie de rupture. La suppression de la notion de tiers de confiance, l'abaissement substantiel des coûts de transactions et la suppression des contraintes géographiques en feront peut-être même la prochaine technologie de rupture du monde financier.


Thibaud Chabrelié
Senior Manager Telecom, Media, Technology chez EY



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Commentaire 1
à écrit le 06/01/2016 à 20:06
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Intéressant, en effet un des cas d'usage les plus prometteurs se trouve autour des actes notariés : le gouvernement du honduras a annoncé un partenariat avec Factom pour développer une solution basée sur la blockchain afin de lutter contre la corrupt...

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