Quand les taux d'intérêt négatifs ébranlent notre tissu économique

Les taux d'intérêt négatifs jouent négativement sur le secteur financier. C'est pourtant la seule arme de politique économique disponible, gauche et droite s'entendant pour refuser une politique de relance budgétaire. Alors que celle-ci serait à l'évidence la solution. Par Michel Santi, économiste

Les taux négatifs ne semblent pas compatibles avec notre système bancaire actuel. Les établissements bancaires ayant effectivement le plus grand mal à faire des bénéfices dans un environnement de taux d'intérêt négatifs, c'est donc l'ensemble de notre tissu économique qui se retrouve ébranlé alors que notre monde s'enfonce jour après jour davantage dans ce paradigme nouveau de taux crevant un plancher jadis réputé infranchissable.

Et pour cause car les taux négatifs sont en fait une taxe prélevée sur les banques qui doivent s'en acquitter dès lors qu'elles placent leurs liquidités auprès de leur banque centrale. Comme pour des motifs évidents, les banques ne peuvent répercuter l'ensemble de cette taxation sur leurs clients, elles doivent donc se résoudre à encaisser une perte sévèrement sanctionnée ces dernières semaines par les marchés financiers.

La seule et unique arme contre la déflation

Pour autant, l'instauration de taux d'intérêt négatifs (défendus et invoqués maintes fois par moi au fil de multiples articles) est la seule et unique arme encore à disposition de nos banques centrales pour lutter contre la paralysie économique induite par la déflation. Les taux négatifs étant la seule réponse à la crise en matière de politique monétaire, la relation de cause à effets semble évidente entre austérité et taux négatifs. Nos politiques comptent intégralement sur des banques centrales à bout de souffle pour relancer nos économies car ils n'ont eux-mêmes pas le cran - ou plus le pouvoir ? - d'instaurer des politiques publiques à même de soutenir l'activité économique.

La gauche et la droite contre les déficits

La gauche et la droite étant désormais unies dans un même combat aberrant contre les déficits, les gouvernements divers et variés qui se succèdent se défilent de leurs responsabilités en refusant de gérer la patate chaude de la croissance dans un contexte où les banques centrales parviennent désormais au bout de leur dynamique de création monétaire.

Nos brillants responsables politiques - qui excellent en déclarations d'intention creuses et stériles - devraient pourtant se rendre compte que le public n'a que faire de ces débats sur les taux d'intérêt négatifs qui ne concernent qu'une infime minorité de spécialistes quand les citoyens attendent d'authentiques mesures de relance de la dépense et de la demande agrégées. Le coût de cette austérité débile - jusque là payé par le citoyen - est dorénavant également assumé par le système bancaire par taux négatifs interposés. Travailleurs, épargnants, actionnaires, intermédiaires financiers : c'est toute la chaîne et c'est tous les acteurs économiques qui paient donc aujourd'hui le prix de cette folle rigueur budgétaire qui entame les profits des institutions bancaires après avoir paralysé la consommation.

Pourquoi défendre l'austérité?

Et pourtant, la dénonciation de l'austérité reste très mal perçue par les médias comme par les gens de pouvoir, les rares économistes (comme votre serviteur) stigmatisant cette politique autodestructrice étant par ailleurs qualifiés de dangereux gauchistes... Question aux confins de la philosophe en réalité, car pourquoi diable les gens, les banquiers, les consommateurs et les politiques s'obstinent-ils à combattre une politique expansionniste qui aurait pourtant 100% d'effets bénéfiques sur leur propre activité et accessoirement pour l'économie ? Pourquoi laisse-t-on à l'extrême gauche le monopole de la dénonciation de politiques austéritaires qui s'avèrent pourtant létales pour toutes et pour tous ?

Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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Commentaires 16
à écrit le 16/02/2016 à 21:45
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La déflation c'est l'arme des masses consommatrices pour purger l'économie. Une crise sans purge sur les prix ce n'est pas une crise et plus on la récuse plus elle sera longue

à écrit le 16/02/2016 à 20:11
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Quand on commence par la fin en adaptant les moyens, c'est un dogme qui se met en place! Le dogme n'est que du virtuel!

à écrit le 16/02/2016 à 18:37
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"L'Esprit souffle où il veut" ! Il n'est pas nécessaire d'être "gauchiste" pour constater que l'austérité et l'obsession des déficits encalaminent l'économie réelle et plongent l'économie mondiale dans un marasme croissant, sans issue.

à écrit le 16/02/2016 à 16:15
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Les banques ont quand même un moyen d'échapper à la taxation que constitue le dépôt de leurs excès de liquidités à la banque centrale, c'est de faire en sorte qu'au delà des réserves obligatoires elles n'aient rien à déposer en banque centrale. Et po...

à écrit le 16/02/2016 à 15:44
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Le problème est qu'au cours des décennies passées la France a usé et abusé des déficits budgétaires pour différer les ajustements structurels indispensables comme les réformes des retraites ou les effectifs de la fonction publique. Alors que c'est l'...

le 16/02/2016 à 16:17
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Ce n'est pas tant le plan de relance de 2009 qui est responsable de la dette. C'est de ne pas avoir profité, contrairement aux Allemands, de la forte croissance entre 2005 et 2008, pour abaisser la dette. Déficit public FRANCE 2008 v= 3.3 % du PIB ...

à écrit le 16/02/2016 à 15:16
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Santi est sur un quai de gare regardant les trains qui passent, ne pouvant se décider ou n'ayant la volonté d'en prendre un, ils les dénigre tous, pensant avoir ainsi une "conscience de gauche". En réalité, il ne comprend rien au monde mais veut simp...

le 16/02/2016 à 15:40
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Sinon auriez vous des arguments à lui opposer ? En tout cas il est bien sympa de vous laisser passer vos commentaires particulièrement stériles et ennuyeux hein, vous feriez mieux de le remercier plutôt hein, franchement même... Par ailleurs ...

à écrit le 16/02/2016 à 13:29
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"Nos politiques comptent intégralement sur des banques centrales à bout de souffle pour relancer nos économies car ils n'ont eux-mêmes pas le cran - ou plus le pouvoir ? - d'instaurer des politiques publiques à même de soutenir l'activité économique"...

le 16/02/2016 à 16:18
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Il y a des moyens de relancer l'économie qui ne passent pas forcément par plus de dépenses publiques et plus de déficit. Par exemple l'ouverture des professions réglementées, la réforme du marché du travail et de l'indemnisation du chômage.

le 16/02/2016 à 16:44
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Non, sans consommation et donc achats de biens de consommations afin d’alimenter le commerce il n'y a pas de moyen de relancer l'économie. Si les gens qui achètent et donc injectent de l'argent dans l'économie ne le font plus il n'y aura plus d'a...

le 17/02/2016 à 7:05
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@Bernardo Zorro : toute distribution de pouvoir d'achat artificielle, c'est à dire non basée sur une hausse préalable de production nationale, c'est à dire avant tout sur une amélioration significative de la compétitivité qui permettrait des relocali...

le 17/02/2016 à 9:45
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Non puisque en 1981 nous découvrions la mondialisation de l'économie, nous savons parfaitement la maîtriser aujourd'hui car étant la norme actuelle et de toute façon c'est à l'échelle mondiale que doit être gérée l'économie. Au cas où vous ne l'a...

à écrit le 16/02/2016 à 12:41
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Y'a un truc que je ne comprends pas dans la relance keynesienne Ok on finance par les déficits. Mais le grand Keynes n'a t il pas dit lui même que ces années de déficits seraient compensées par des années de surplus pendant les périodes de croissa...

le 16/02/2016 à 15:49
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C'est effectivement tout le problème de la France. Le keynesienisme n'est tenable dans la durée que si on "recharge" les capacités d'intervention publiques pendant les hauts de cycle économique. Or ça n'a jamais été fait. Même sur la période 1998-20...

le 16/02/2016 à 21:59
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Keynes a été remplacé en France par une caricature poussant en permanence aux déficits et à l'inflation. Sa pensée était bien plus complexe.

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