Quel bilan peut-on faire des réponses économiques au coronavirus ?

OPINION. Un outil recense l’intensité des mesures mises en place par les différents pays à l’échelle mondiale. Les interventions ont été particulièrement fortes en Europe, mais moins qu’aux États-Unis. Par Simon Porcher, IAE Paris – Sorbonne Business School et Oriane Maille-Lefranc, IAE Paris – Sorbonne Business School (*)
(Crédits : DR)

Les différentes mesures sanitaires mises en place en réponse à l'épidémie de Covid-19 ont eu un effet dramatique sur l'activité économique globale, dont les conséquences restent encore difficilement chiffrables. En restreignant les interactions sociales, la mobilité et l'accès aux lieux considérés comme non essentiels, elles ont fait peser un poids lourd sur les commerces et les activités marchandes dans leur ensemble. C'est pourquoi un grand nombre de pays a mis en place des mesures économiques, ayant pour but de soutenir les ménages, les commerces ou encore certains secteurs ciblés, afin de pouvoir compenser les effets économiques liés à la pandémie.

Dans la base Response2covid19, accessible en ligne de façon interactive, nous recensons l'ensemble des mesures économiques et sanitaires mises en place dans plus de 200 pays depuis le 1er janvier 2020. Nous étudions 13 mesures sanitaires et 7 mesures économiques qui comprennent le soutien aux exportations et aux importations, la baisse du taux directeur de la banque centrale, la baisse d'impôts, le report d'impôts, les transferts monétaires directs vers les ménages, le support salarial (par exemple le chômage partiel) et la mise en place de lignes de crédit exceptionnelles pour les entreprises.

En fonction des mesures mises en place, nous avons créé un score d'intervention économique compris entre 0 et 1 pour chaque jour et chaque pays. Un score de 1 indique que le pays a mis en place les différents instruments ; un score de 0 indique à l'inverse qu'aucune des mesures n'a été mise en place.

Intensité des mesures de restriction (au 1ᵉʳ octobre)

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Intensité des mesures de soutien économique (au 1ᵉʳ octobre)

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(Sources Response2covid19)

Les données sont actualisées de façon quotidienne, ce qui signifie que l'on peut suivre les politiques mises en place depuis le 1er janvier 2020. Pour le moment, la base ne permet pas de comparer les pays en fonction du montant des différentes mesures mises en place, la prochaine version de la base donnera accès à ces données.

Interventionnisme fort

De façon globale, c'est en Europe que l'on trouve les pays avec des scores d'intervention économique parmi les plus élevés, en particulier en Europe de l'Ouest. Plusieurs facteurs sont à l'origine de cet interventionnisme. Tout d'abord, un nombre de cas élevé. En effet, il existe une corrélation forte entre le nombre de nouveaux cas de Covid-19 et les mesures sanitaires mises en place au sein d'un pays. Or, ce sont justement ces mesures sanitaires strictes qui amènent les gouvernements à soutenir économiquement les ménages et les entreprises.

Quand on regarde l'évolution des indices de rigidité sanitaire et d'interventionnisme économique au niveau mondial, on voit que la rigidité sanitaire suit une courbe en U inversé, elle augmente rapidement avant de diminuer. L'indice d'interventionnisme économique augmente lui de façon continue : les mesures économiques arrivent plus tard, mais deviennent permanentes une fois mises en place.

Notons que tous les pays, y compris les plus libéraux, par exemple les États-Unis ou le Royaume-Uni, ont pratiqué un interventionnisme économique fort pour limiter les effets de la crise.

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La rigidité sanitaire suit une courbe en U inversé tandis que l'interventionnisme économique augmente de façon continue. Response2covid19

Si l'on regarde les dépenses économiques mises en avant par les gouvernements, les lignes de crédits aux entreprises constituent souvent la principale dépense économique. La France a mis en place des lignes de crédits aux entreprises qui représentent quasiment 15 % du PIB. C'est le même niveau qu'en Allemagne et qu'au Royaume-Uni. Pourtant, la France fait partie des pays les plus touchés avec une baisse du PIB estimée à 11 % en 2020, devant ses voisins allemands (5,4 %) et britanniques (8,25 %), qui ont mis en place des mesures sanitaires dont l'intensité fut moins stricte au printemps.

Aux États-Unis, le soutien aux entreprises a été encore plus fort avec des lignes de crédits qui représentent 20 % du PIB américain. Les pays en développement sont eux beaucoup moins interventionnistes, en raison de recettes fiscales moins stables. Il n'y a quasiment aucun pays africain qui n'a injecté plus de 5 % du PIB pour relancer son économie. Idem en Amérique latine. Les pays en développement ont en revanche largement utilisé le canal monétaire - des diminutions des taux directeurs des banques centrales - pour soutenir l'activité économique.

Une relance à cibler

Une étude récente publiée dans la revue Nature Human Behavior montre que la sécurité économique offerte par les gouvernements a permis de diminuer le taux d'infection relatif à la Covid-19. Les mesures de soutiens économiques incitent en effet les individus à s'isoler s'ils sont atteints de la Covid-19, et à ne pas aller au travail alors qu'ils ont certains symptômes de la maladie. Une prochaine étude devrait mettre en lien les ressources investies et leur impact sur les contaminations.

S'il est trop tôt pour juger de l'efficacité des réponses prises, une relance économique massive pourra dans les prochains mois fournir aux individus la possibilité de consommer, avec à la clef un redémarrage de l'économie réelle. Cependant, la question reste évidemment le ciblage des mesures prises pour éviter les effets d'aubaine : par exemple, certains individus peuvent avoir des revenus stables ou en hausse pendant la crise (les plus qualifiés notamment), quand d'autres connaissent des chutes de revenus importantes (les moins qualifiés).

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La situation des travailleurs les plus qualifiés est quasiment revenue à la normale, contrairement à celle des plus précaires. Opportunity Insights

Aux États-Unis, le site Opportunity Insights traque l'évolution de la consommation des plus hauts et bas revenus, et l'évolution du taux de chômage des qualifiés et des non qualifiés. Les chiffres montrent que, si la consommation des plus bas revenus est revenue au niveau d'avant-crise, quand celle des plus hauts revenus est toujours plus basse (les dépenses de loisirs sont plus contraintes).

Le taux de chômage des qualifiés n'a pas changé depuis janvier 2020, quand celui des moins qualifiés a augmenté de 20 %. C'est en partie lié au fait que le télétravail n'est pas applicable pour de nombreux emplois peu qualifiés, dont la présence physique sur le lieu de travail est obligatoire. À l'inverse, ceux qui télétravaillent sont aussi plus productifs... et s'ils ne sont pas payés pour ce surplus de productivité, sécurisent leurs emplois.

The Conversation _______

(*) Par Simon PorcherMaitre de conférences HDR, IAE Paris - Sorbonne Business School et Oriane Maille-LefrancGraduate Research Assistant, Chaire EPPP, IAE Paris - Sorbonne Business School.

 La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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Commentaires 2
à écrit le 18/12/2020 à 17:45
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Transformer la société en intermittents du spectacle est une initiative curieuse . Les pertes sont colossales et cela pourrait bien mal finir . On se souviendra longtemps de cette gripette promue au rang d'une peste par des conseils de guerre mêlant ...

à écrit le 18/12/2020 à 8:32
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Le poids mort qu'est l'oligarchie européenne nous fait couler comme une pierre.

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