Quelle responsabilité des acteurs publics locaux face aux risques naturels ?

Peut on laisser des petites communes aux prises avec des décisions complexes? Les maires doivent concilier impératifs économiques et protection des personnes: ils ne parviennent pas toujours à trouver le bon équilibre. Par Steven Zunz, président de Domaines Publics

Six ans après la terrible tempête Xynthia qui a frappé les côtes vendéennes et causé la mort de 47 personnes, la Cour d'appel de Poitiers a rendu son verdict le 4 avril dernier. À cette occasion, elle a réduit la peine infligée à l'ancien maire de La-Faute-sur-Mer René Marratier, de quatre ans de prison ferme à deux ans avec sursis, et relaxé les autres prévenus. Ce verdict rassure des acteurs publics locaux inquiets par l'étendue de leur responsabilité dans la gestion des risques naturels.

L'édile était poursuivi sous le chef d'homicide involontaire, accusé de ne pas avoir élaboré le cadre réglementaire de prévention que la loi lui intimait, tout en menant une politique d'urbanisation intense dans une zone réputée à risques. Sa lourde condamnation en première instance avait provoqué un réel émoi chez les autres élus, inquiets de voir leur responsabilité engagée pour les dommages causés par un phénomène exceptionnel dont personne ne pouvait prévoir l'ampleur. Le jugement exonérait ainsi quasi totalement les services de la préfecture de toute faute, pour au contraire pointer les résistances du maire à se conformer à ses obligations. La Cour d'appel nuance cette position. Si la négligence et l'imprudence du maire ne sont pas occultées, le juge refuse de faire supporter sur lui la seule responsabilité de la catastrophe.

 Un manque d'information sur les risques pénaux

Les élus et les autres agents publics n'ont pas forcément conscience des obligations qui pèsent sur eux, ni des risques pénaux auxquels ils font face dans l'exercice de leurs fonctions. Malgré les tentatives du législateur en 1996 et en 2000 de limiter le régime de responsabilité pénale des décideurs publics, ceux-ci restent responsables en cas de violation manifestement délibérée de leurs obligations ou en cas de faute caractérisée, qui se détermine par leur degré de connaissance du risque. Un équilibre difficile à trouver entre la nécessaire responsabilité des dépositaires de l'action publique et le caractère parfois limité de leurs connaissances et de leurs moyens. Les maires de petites communes sont souvent des non-professionnels de la politique qui accomplissent leur mission comme un sacerdoce.

 Le procès d'une certaine forme de décentralisation

Mais au-delà des responsabilités de l'élu local, ce procès était aussi celui d'une certaine forme de décentralisation à l'œuvre dans les territoires depuis plusieurs décennies. On touche ici à la question des connaissances et des compétences des mairies rurales, qui ne disposent pas des services juridiques nécessaires au traitement d'une réglementation de plus en plus lourde en matière d'urbanisme et de gestion des risques naturels, des politiques dont l'État s'est lui-même fortement désengagé. Dans leur rapport parlementaire paru en 2015, « Xynthia, 5 ans après : pour une véritable culture du risque dans les territoires » les sénateurs François Calvet et Christian Manable pointaient déjà le manque d'effectifs dédiés à la prévention des risques dans les administrations déconcentrées de l'État, notamment les préfectures. Il n'est pourtant pas envisageable de laisser des communes seules aux prises avec ces enjeux.

 Urbanisation galopante

Vient ensuite la question du risque lui-même. Ces épisodes extrêmes semblent devoir se multiplier avec le changement climatique, chaque année apportant son lot de tempêtes et d'inondations. C'est une donnée fondamentale dans un pays au littoral très étendu, bassin de population et zone d'attractivité touristique majeure. Il s'agit de concilier les impératifs économiques avec la protection des personnes, un équilibre pas toujours respecté par une urbanisation galopante, réalisée au mépris des règles de sécurité. Il convient aussi de développer et une « culture du risque », comme l'appellent François Calvet et Christian Manable, auprès de l'ensemble des acteurs intéressés: État, administrations, élus et citoyens.

 Si des efforts ont été réalisés six ans après, le rapport des sénateurs Calvet et Manable livre un constat en demi-teinte. A La-Faute-sur-Mer, il n'y a toujours pas de Plan de Prévention contre les Risques d'Inondation (PPRI), un document dont l'absence figurait pourtant en bonne place dans l'accusation contre René Marratier...

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