Réchauffement climatique et lutte contre la pauvreté : une bataille commune

Les efforts pour électrifier l'Afrique contribuent à la fois à la lutte contre le changement climatique et à celle contre la pauvreté. Par Michel Derdevet, secrétaire général d'ERDF, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, professeur au Collège d'Europe de Bruges

Au « rayon » du changement climatique, les habitants de la Planète ne sont pas tous logés à la même enseigne ! Si la pauvreté concerne 2,2 milliards d'êtres humains dans le monde, le Programme des Nations Unies pour le Développement s'alarme de sa possible augmentation du fait de la multiplication des catastrophes naturelles dues au réchauffement climatique. Une analyse confirmée récemment par la Banque Mondiale. La lutte contre le changement climatique doit donc être aujourd'hui à la fois une priorité globale pour maintenir les grands équilibres physiques qui rendent notre planète habitable, mais aussi un combat singulier pour éviter que la pauvreté n'augmente. Plus que jamais, il faut penser solidarité, partage et juste redistribution.

Le réseau, vecteur de solidarité

Dans cet esprit, les réseaux d'énergie sont un levier essentiel de développement économique et de transition vers un monde bas-carbone. Rappelons qu'en 2015, 1,1 milliard de personnes n'ont pas accès à l'électricité. Or l'énergie signifie accès à l'eau, à la santé, à l'éducation, à l'emploi, à la sécurité, à l'amélioration des conditions de vie et à la lutte contre la pauvreté. Bien que Nelson Mandela, dans les années 1990, ait revendiqué "l'électricité pour tous", le continent africain reste aujourd'hui très dépourvu ... et inégal !

A ce jour, 650 millions de personnes, les deux tiers du continent, n'ont pas accès à l'énergie et à la lumière. En Tanzanie, où seule 14% de la population a accès à l'électricité, la Banque mondiale estime que les carences du secteur électrique font perdre au pays 1,4 point de croissance par an. Si, dans un premier temps, les régions les plus enclavées peuvent recourir à une consommation locale, au travers de panneaux solaires ou de batteries de stockage, un développement massif des réseaux est un impératif pour une énergie abordable et de qualité. Ces derniers permettent en effet de mutualiser les sources d'énergie et favorisent le déploiement des énergies renouvelables.

Ils sont aussi la condition privilégiée pour tirer tout le bénéfice des grands bassins hydrauliques, qui sont transnationaux et supposent une exploitation partagée. Ces énergies renouvelables peuvent permettre à de nombreux pays en développement de s'affranchir des importations de combustibles fossiles qui pèsent sur leurs balances commerciales, tout en générant de l'activité locale pour leur construction, leur fonctionnement ou leur entretien.


Un cadre d'investissement pertinent

Mais comment faire dès lors pour réaliser ce déploiement des réseaux dans des zones reculées et permettre à chacun d'avoir accès à l'énergie ? Encore faut-il que la volonté politique soit matérialisée par des instruments et des moyens appropriés pour mettre en place un cadre légal, réglementaire et fiscal clair, incitatif et adapté. Il n'existe pas de modèle universel, chaque pays tenant compte de son contexte institutionnel, économique, social, et de ses ressources financières et humaines. En France, l'acte politique déterminant a été la création du Fonds d'Amortissement des Charges d'Électrification par le Front Populaire, alimenté par les habitants des zones déjà électrifiées pour financer les travaux d'électrification des zones rurales.

Dans cet esprit, les dirigeants africains ont décidé en juin dernier de créer une Agence africaine d'électrification, chargée de gérer un fonds permettant de sécuriser les 200 milliards de dollars de financements publics et privés nécessaire pour faire passer l'Afrique de 30 à 80% d'accès à l'énergie en moins de dix ans. Ce type de fonds, qui pourrait être constitué rapidement par la communauté internationale, s'avère indubitablement un instrument de solidarité fort, pragmatique et flexible à même de lutter contre la pauvreté et le réchauffement climatique, tout en renforçant les solidarités locales, nationales et internationales.

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L'AUTEUR:

Michel Derdevet,
Secrétaire Général d'ERDF, Maître de Conférences à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, Professeur au Collège d'Europe de Bruges.

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