Recherche sécurité désespérément

Nos économies se retrouvent ainsi dans une posture critique: les investisseurs préférent acheter des obligations à même à rendement négatif, car elles sont réputées sûres, plutôt que de financer des acteurs économiques considérés, eux, comme à risque. Par Michel Santi, économiste

Le monde manque cruellement d'investissements considérés comme sécuritaires : tel est en fait le principal écueil à la reprise économique globale depuis une dizaine d'années. En effet, depuis l'implosion des subprimes - un temps considérés comme des placements sûrs et de qualité -, l'investisseur global est désespérément en quête de destinations sûres pour son argent. Le choc de ces titrisations de prêts hypothécaires (affublées de la meilleure notation par les agences spécialisées) mais qui se sont révélées pourries et zombies, fut d'une telle violence que la confiance est - depuis - devenue une denrée rarissime et estimée au prix fort.

Voilà pourquoi les liquidités mondiales s'agglutinent frénétiquement vers les obligations d'Etat des pays occidentaux, considérées par l'investisseur global comme la valeur refuge suprême. C'est donc à cette recherche permanente de sécurité - et à son pendant qui est la déficience de l'investissement dans les secteurs productifs de l'économie - que l'on doit le niveau actuel inédit des taux d'intérêt nuls.

Une posture critique

En réalité, la situation est encore pire. Comme la ruée vers cet actif sécuritaire par excellence qu'est la dette publique comprime les taux d'intérêt, les banques centrales sont dès lors confrontées à un contexte où elles ne sont désormais plus en mesure de réduire davantage leurs taux directeurs. Nos économies se retrouvent ainsi dans une posture critique où les émissions obligataires sont sur-souscrites et, ce, en dépit des rendements négatifs, sous la pression d'une ruée d'investissements préférant payer de telles pénalités que de profiter à des acteurs économiques considérés, eux, comme à risque.

Du fait d'une demande intense et mondiale en faveur des obligations d'Etat des pays occidentaux, les Trésoreries sont donc contraintes d'en émettre à des prix toujours plus bas. Dès lors, les banques centrales sont dans une impossibilité quasiment physique de stimuler les économies du fait de taux parvenus au plancher du zéro absolu. Conjoncture nauséabonde et cercle vicieux qui ralentissent la production, qui pèsent sur la consommation et qui neutralisent la croissance.

C'est donc cette raréfaction stupéfiante d'actifs sécuritaires à travers le monde - qui va assurément aller en s'amplifiant - qui caractérise les fondamentaux économiques de cette deuxième décennie du XXI ème siècle et qui alimente « mécaniquement » la récession et le chômage.

Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est conseiller en investissements sur le marché de l'art et Directeur Général d'Art Trading & Finance. Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence".

A paraître en septembre chez « Lignes de repères » : « Plus de Capital au XXI è siècle », préfacé par Philippe Bilger.

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Commentaires 4
à écrit le 27/08/2016 à 14:07
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J'ai écrit plus bas "Beaucoup d'assistés voudraient bien travailler mais ils ne sont pas assez compétitifs". Ils ne sont pas assez performants, mais ils ont des besoins que nous pouvons satisfaire. Or c'est de demande que nous manquons ! Il y a un m...

à écrit le 26/08/2016 à 18:11
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Ces mesures mettraient à égalité les consommateurs et les salariés, les 1ers ne pouvant plus vouloir des prix et des emplois, le beurre et l'argent du beurre. Ce serait très favorable aux économies d'énergie, on achèterait plus près, les porte-conta...

à écrit le 26/08/2016 à 17:52
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Nous sommes dans une société de consommation - la preuve: la publicité qui nous harcèle ! - mais pour avoir assez d'argent pour en profiter il faut travailler. Beaucoup d'assistés voudraient bien travailler mais ils ne sont pas assez compétitifs. Il ...

à écrit le 23/08/2016 à 9:31
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La virtualisation de l'économie c'est le fait que l'on compte sur la confiance des autres pour être confiant!

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