Réfugiés : l'Allemagne doit imposer des restrictions

L'Allemagne ne peut accueillir autant de réfugiés que ne le prévoit Mme Merkel. Pour éviter le chaos, le gouvernement doit imposer des restrictions. par Hans-Werner Sinn, président de l'Institut de recherche économique Ifo

Les migrants qui cherchent à échapper à la pauvreté et à la guerre arrivent en Europe par centaines de milliers. Ils sont encore la plupart du temps bien accueillis, mais la capacité des centres d'accueil est en train d'atteindre rapidement ses limites. Pour stopper le flux des migrants sur la route des Balkans, la Hongrie a imposé des contrôles à ses frontières et a été rapidement suivie par l'Allemagne, l'Autriche, la Slovaquie, la Croatie, la Slovénie, la République tchèque, les Pays-Bas et la Pologne.

L'Allemagne, destination préférée

L'Allemagne est la destination préférée des migrants. Jusqu'à présent cette année, la moitié de toutes les demandes d'asile dans l'Union européenne y ont été déposées, bien que ce pays ne représente que 16% de la population de l'UE. En septembre, l'Allemagne avait probablement reçu près de 400 000 demandes ou plus, avec l'augmentation spectaculaire des flux de migration depuis l'été et avant le rétablissement des contrôles aux frontières, ce qui devrait faire monter le nombre de demandeurs d'asile à 800 000 cette année.

Par ailleurs, l'immigration régulière en Allemagne pourrait atteindre à nouveau le seuil des 400 000 personnes, comme en 2014. Le total représenterait une immigration nette de 1,5% de la population résidente : une proportion très élevée selon les normes historiques et internationales.

Le système d'asile le plus libéral

La raison de la forte préférence des migrants pour l'Allemagne, c'est que ce pays, comme la Suède, a le système d'asile le plus libéral de l'Europe et alloue des aides financières particulièrement élevées pour accueillir les nouveaux arrivants. Entre 1 000 euros (1 120 dollars) et 1 200 euros par personne et par mois sont virés aux municipalités pour couvrir leurs frais d'accueil. La valeur des avantages que les migrants reçoivent en Allemagne est un multiple du salaire qu'ils peuvent gagner dans leur pays d'origine (quand ils parviennent à trouver un emploi chez eux).

La Convention de Dublin, selon laquelle le premier pays de l'UE qu'un migrant atteint est obligé d'enregistrer et de traiter la demande du migrant, a été longtemps négligée. La Grèce et l'Italie encouragent simplement les réfugiés à continuer leur route. L'Allemagne a accepté, à grand bruit, un grand nombre de réfugiés non enregistrés de Hongrie et leur a offert un accueil chaleureux. Cette décision a sans doute tenté tant de réfugiés supplémentaires en provenance des pays arabes que peu de temps après, l'Allemagne a été contrainte d'imposer des contrôles aux frontières.

Des camps syriens transférés en Allemagne

Ce que le gouvernement allemand n'avait pas prévu, c'est que tout réfugié qui parvient à se rendre en Allemagne renvoie immédiatement la bonne nouvelle par SMS dans son pays d'origine, ce qui crée alors une nouvelle vague de migrants. Les camps de réfugiés de l'ONU dans les pays entourant la Syrie sont graduellement transférés en Allemagne.

Seule une fraction des demandes d'asile sont finalement approuvées, parce que la plupart des demandeurs ne sont pas politiquement persécutés mais sont simplement des migrants économiques. Au premier semestre de 2015, par exemple, seul un quart des candidats environ sont venus de Syrie et d'Irak, une proportion importante d'entre eux ayant déjà trouvé refuge dans les camps des Nations Unies dans ou autour de ces pays. Mais la proportion de réfugiés syriens a ensuite gonflé rapidement, en partie parce que la nouvelle s'est répandue que l'Allemagne approuvait la plupart des demandes syriennes.

Faire face aux conséquences

Si une demande est acceptée, un réfugié a le droit de faire venir également les membres de sa famille. Des familles arabes envoient fréquemment leurs enfants mineurs en Allemagne dans l'espoir non infondé d'obtenir le droit pour d'autres membres de la famille de le rejoindre plus tard. L'Allemagne devra faire face aux conséquences de cette vague de réfugiés dans les années à venir.

Afin de répartir la charge plus équitablement, l'Allemagne a essayé de faire instituer un système de quotas européens, pour répartir les demandeurs parmi les pays membres de l'UE. Mais les partenaires de l'UE de l'Allemagne ont rejeté cette proposition en lui reprochant son « impérialisme moral ».

L'Allemagne a ainsi échoué à se doter d'un système qui aurait pu lui offrir un certain soulagement. Au lieu de cela, un sommet convoqué à la hâte s'est à présent mis d'accord sur un système de quotas limité qui couvrira à peine 120 000 personnes, en vue de venir en aide à la Hongrie, à l'Italie et la Grèce. Ce système va amener 31 000 réfugiés de plus en Allemagne.

Imposer des restrictions pour éviter le chaos

Afin d'éviter le chaos, l'Allemagne n'a pas d'autre choix que d'imposer des restrictions. L'une des mesures les plus urgentes consiste à apprendre à distinguer rapidement, idéalement à la frontière, entre les réfugiés (qui font face à la persécution politique) et les migrants économiques. L'Office fédéral de l'Allemagne pour la migration et les réfugiés pourrait établir des avant-postes aux frontières pour écarter les demandes d'asile non justifiées et pour renvoyer les demandeurs rejetés, selon la Convention de Dublin, vers le premier pays sûr.

Cela permettra à l'Allemagne de se concentrer sur la tâche à accomplir : fournir à ceux qu'elle a reconnus comme réfugiés légitimes la scolarisation et les cours de langue nécessaires pour leur permettre de trouver le plus vite possible un emploi.

Hans-Werner Sinn, professeur d'économie et de finances publiques à l'Université de Munich, est président de l'Institut de recherche économique Ifo et siège au Conseil consultatif du Ministère allemand de l'économie. Il a publié tout dernièrement The Euro Trap: On Bursting Bubbles, Budgets, and Beliefs.

© Project Syndicate 1995-2015

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Commentaire 1
à écrit le 03/10/2015 à 15:10
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la facture concernant les refugies politiques devrait etre adressee aux auteurs du danger dans le pays d origine, USA en Syrie, etc...cela incluant les fraisde rapatriation lorsque l agresseur a ete neutralise. Des employes publics n ont pas de manda...

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