Réinventer l'Europe et stopper la machine infernale à divergences

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, réinventer l'Europe et stopper la machine infernale à divergences
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Le Brexit appartient à ces évènements dont on mesure mal la portée. Je maintiens comme je l'ai dit dans d'autres vidéos, qu'il ne s'agit ni d'un évènement économique, ni financier, qui changera la face du monde ou de l'Europe, même s'il provoque de grosses turbulences à court terme.  Evitons donc de nous mettre au diapason de l'émoi planétaire des marchés. Évitons surtout de nous noyer dans la liste interminable des problèmes soulevés. Jusqu'à évoquer l'avenir professionnel des fonctionnaires européens britanniques. Il s'agit rappelons-le d'un process qui s'étirera sur 2 à 7 ans. Et où, tous les problèmes, précisément parce que l'on sait les pointer dès à présent, des droits de douane en passant par la circulation des personnes etc., sont solubles.  Encore faut-il éviter le piège de vouloir compresser l'histoire en se plaçant dans le temps des médias ou de la finance.

Oublions donc le bruit du moment

Et venons-en au fond. Le fond c'est quoi. Des peuples qui partout en Europe vont mal. Hier les caméras se focalisaient sur les mouvements sociaux français. Le petit monde des médias, des experts, au profil sociologique bien spécifique, émanation d'une population métropolitaine, diplômée, gagnante de la mondialisation, y voyait unanimement  la trace évidente d'un archaïsme propre à la société française. Or, tout le montre. Ce mal-être socio-politique règne partout, en France, au Royaume-Uni, dans maints pays européens.. sans parler des Etats-Unis. Et le référendum britannique, qui comme tout référendum ne répond pas à la question posée, en porte bien la trace.

Car le oui à l'Europe des grandes métropoles anglaises, de Londres, de Birmingham ou de Manchester, centres culturels et financiers c'est le oui des gagnants de la mondialisation et de l'européanisation, qui contraste avec le non partout ailleurs en Angleterre, des classes moyennes ou populaires et des délaissés des dynamiques métropolitaines. Et, le oui à l'Europe, de l'Écosse ou de l'Irlande, c'est un vote anti-Londres. Bref, le référendum surligne en fait les fractures territoriales et sociales qui ne cessent de s'élargir.

Ainsi, ce à quoi renvoie le référendum britannique, c'est aux forces de divergences, qui désagrègent l'ensemble des sociétés développées et qui crée un divorce entre gagnants, de moins en moins nombreux, et perdants... même lorsque la croissance est au rendez-vous.

Et l'échec de l'Europe est bien là

Le rêve d'harmonie a volé en éclat. Les uns diront que c'est parce qu'elle est devenue néo-libérale. C'est un peu court. C'est peut-être vrai pour un pays comme la France, pour qui le cocktail de l'euro et de l'ouverture à la concurrence met sous pression ses compromis sociaux. C'est faux pour un pays insulaire et périphérique comme le Royaume-Uni. Au contraire, l'objet de toutes les détestations, pour un pays de ce type, c'est  le cahier des charges et des normes uniformes que l'Europe veut imposer à tous, en faisant fi des inégalités de situation, en ignorant que les pays excentrés ont un impérieux besoin de dérogations pour se battre à armes égales avec le cœur continental de l'Europe. En fait, sur les trois voies qu'elle propose pour faire converger les pays : l'euro, l'ouverture à la concurrence, l'harmonisation des règles, l'Europe bâtit à chaque fois des mécaniques infernales de divergence qui fracturent l'Europe et les tissus sociaux nationaux. Là est son échec.

Face à cela deux voies : la pire d'abord, mais malheureusement la plus probable ;  celle où le message adressé par les britanniques serait entendu comme une demande des peuples pour moins d'Europe. Une Europe light, moins intrusive. Moins normative, donnant le prima à la libre circulation des biens et des marchandises. Cette Europe-là, ne résoudra rien aux forces centrifuges qui la menace. Et les Britanniques parachèveront leur rêve d'Europe à minima en en sortant... un comble !

La seconde voie, c'est celle d'une Europe, plus intégrée, qui s'offre les moyens de lutter contre ses forces centrifuges. Par de l'investissement, des transferts et une vision partagée de ce que doit être son eco-système productif. Cela ne veut pas dire une Europe fédérale forcément. Cette Europe peut être intergouvernementale. Mais intelligemment articulée sur des projets fédérateurs. Le défi franco-allemand est là. Dépasser ses divergences et relancer le projet européen, par le haut.

>> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 3
à écrit le 07/07/2016 à 17:50
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L'Europe a commis plusieurs erreurs majeurs. Elle a massivement investi dans les économies émergentes qui finalement ne rapportent pas autant que prévu, tout en privant l'Europe de sa capacité d'investissement. Elle a encouragé le dumping entre les n...

le 08/07/2016 à 17:47
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On aurait voulu torpiller l'Europe qu'on aurai pas pu faire mieux...

à écrit le 07/07/2016 à 16:26
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Ça fait combien de décennies que _tous partis confondus_ on nous la promet, cette Europe différente, plus sociale, plus à l'écoute, bla-bla-bla... On a entendu, on y a cru _au début_ et on n'a toujours rien vu. Que des étoiles sur un drapeau (qui n'...

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