Rendre sa grandeur à l'Europe

Comment l'Union pourrait répondre à l'administration Trump. Par Joachim Fels, Managing Director et conseiller économique international au bureau de Newport Beach, PIMCO

Il est difficile de comprendre pourquoi la promesse de campagne de Donald Trump, « Make America Great Again » (Rendre sa grandeur à l'Amérique), a trouvé autant d'écho. Il est certes vrai que la menace terroriste, la hausse des inégalités et la numérisation destructrice d'emplois suscitent l'inquiétude depuis un certain temps déjà. Toutefois, une majorité d'indicateurs révèlent que l'économie américaine se porte très bien, et certainement mieux que l'Europe.

Si le revenu réel médian des ménages américains reste inférieur au pic de la fin des années 1990, il a nettement progressé au cours des quatre dernières années et atteindra bientôt de nouveaux plus hauts. Les Américains continuent de vivre dans les plus grandes maisons, de conduire les plus belles voitures et de manger les plus gros steaks. Le niveau de vie aux Etats-Unis, mesuré par le PIB par habitant, est l'un des plus élevés au monde (à l'exception de quelques cas particuliers tels que le Luxembourg, la Norvège et la Suisse), il est supérieur de 50% à ceux de l'Europe et du Japon. La technologie, la musique et les films américains rythment les jours et nuits des individus du monde entier. L'industrie financière américaine repose sur des bases plus solides et plus rentables, les secteurs du logement et des services sont les plus dynamiques et ses principales universités n'ont pas d'égal. On est donc bien loin d'un scénario catastrophe.

Une décennie perdue pour l'Europe

S'il y a une grande économie mondiale qui doit retrouver sa grandeur, c'est bien l'Europe. Après avoir signé une performance économique correcte entre la création de l'euro et la crise financière mondiale, l'Europe a trébuché et perdu une décennie. La croissance économique de l'Union européenne a globalement stagné depuis 2008 et le taux de chômage reste deux fois plus élevé qu'aux Etats-Unis. La crise de l'euro a entraîné une balkanisation du secteur bancaire et une fragmentation des marchés financiers. L'évolution vers une « union toujours plus étroite » s'est arrêtée et le séparatisme ainsi qu'un nouveau nationalisme progressent. Le Brexit semble être un avant-goût de ce qui nous attend plutôt qu'un événement spécifique isolé.

Ironiquement, la promesse de Donald Trump de privilégier l'Amérique pourrait bien aider l'Europe à retrouver sa grandeur.

 Menaces sur l'Allemagne

Tout d'abord, bien que la nouvelle administration américaine cherche à décourager les importations vers les Etats-Unis et à doper la production domestique, les exportateurs européens devraient tout de même être en mesure d'accroître leur part de marché aux Etats-Unis pendant un certain temps. En effet, le dollar s'est apprécié et l'euro a reculé depuis l'élection présidentielle outre-Atlantique, renforçant la compétitivité des exportateurs européens. Si la Fed procède bien à trois relèvements de taux, comme envisagé par les prévisions du FOMC, et si la Banque centrale européenne continue d'augmenter son bilan et de taxer les réserves excédentaires des banques, le dollar pourrait même se raffermir davantage.

Par ailleurs, la plus grande confiance des ménages et des entreprises, ainsi que la hausse des cours des actions pourraient stimuler la demande américaine en produits nationaux et étrangers. La transition de la demande en faveur de produits étrangers vers des produits nationaux pourrait porter ses fruits, mais, à court terme, le secteur manufacturier américain ne dispose tout simplement pas des capacités suffisantes pour combler l'écart tout en garantissant la qualité. La majorité des chapeaux « Make America Great Again » portés par les partisans de Donald Trump lors de son investiture ont été fabriqués en Chine ou au Vietnam et il faudra un certain temps et une évolution importante des prix pour que les Américains les plus aisés privilégient Chevrolet, Lincoln, Chrysler et Jeep à BMW, Mercedes, Lexus et Range Rover.

Deuxièmement, la perspective d'une administration américaine plus protectionniste ainsi que les pressions des mouvements populistes au niveau local susciteront probablement des réponses politiques en Europe en vue de favoriser la demande intérieure et la croissance potentielle. La menace externe pesant sur le modèle de croissance de l'Allemagne, alimenté par les exportations, est désormais réelle, ce qui aidera la Chancelière Angela Merkel à balayer l'opposition de son parti pour mener une politique budgétaire plus expansionniste. En outre, si le discours d'austérité visant la Grèce ne devrait probablement pas évoluer de manière significative, une plus grande clémence pourrait être accordée aux politiques budgétaires davantage orientées vers la croissance adoptées dans d'autres pays de la zone euro.

 De bonnes surprises à attendre en Europe

Enfin, une politique étrangère et de défense plus isolationniste aux Etats-Unis pourrait donner lieu à une nouvelle initiative de défense commune au sein de l'Union européenne. L'engagement en faveur d'un budget de défense commun financé par des émissions conjointes afin de contrer les menaces externes réelles ou perçues est beaucoup plus facile à défendre que toute autre forme d'union budgétaire.

Au vu de tous ces éléments, de l'optimisme à l'égard des Etats-Unis et du pessimisme pour l'Europe actuellement intégrés par les marchés, l'Europe semble présenter le plus grand potentiel de bonnes surprises.

Tout compte fait, Donald Trump pourrait bien parvenir à rendre de la grandeur à une Amérique qui en fait déjà preuve. Mais il est fort probable que dans quatre ou huit ans, les Européens seront plus nombreux que les Américains à pouvoir dire « Merci, M. le Président ! »

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Commentaires 2
à écrit le 23/02/2017 à 15:52
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Si on est optimiste, on peut considérer que les crises sont des accélérateurs de réformes en Europe. Il reste que pour l'Europe de la défense, le Brexit constitue un handicap objectif, vu les capacités britanniques en la matière.

à écrit le 16/02/2017 à 17:01
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"Rendre sa grandeur à l'Europe" "Make america great again" Hum hum... Beaucoup de prédictions et un rapport à la réalité bien éloigné alors que dans les faits l'Europe impose des politiques d'austérité permanentes à ses citoyens afin de ne s...

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