Sarkozy, Trump : le populisme climatosceptique comme stratégie de campagne ?

En désignant la limitation de la population mondiale comme une priorité politique par rapport au changement climatique, le candidat à la présidentielle 2017 nous abuse et corrompt notre sens moral. Par Pierre André, Doctorant en philosophie, Centre international de philosophie politique appliquée, Université Paris-Sorbonne – Sorbonne Universités.

« Cela fait 4 milliards d'années que le climat change. Le Sahara est devenu un désert, ce n'est pas à cause de l'industrie. Il faut être arrogant comme l'Homme pour penser que c'est nous qui avons changé le climat... »

Ce sont là les mots, rapportés par Marianne, de l'ancien président de la République française et candidat à la primaire de droite, Nicolas Sarkozy, lors d'une réunion organisée par l'Institut de l'entreprise, le 14 septembre 2016.

En adoptant de tels propos - atypiques dans le discours politique en Europe continentale - l'ancien chef de l'État français fait sienne la rhétorique climatosceptique déjà à l'œuvre chez certains responsables politiques américains, à l'image de Donald Trump. On se rappelle que l'une des promesses du candidat à la présidentielle outre-Atlantique consiste à annuler l'accord de Paris sur le climat.

Nicolas Sarkozy nous enjoint donc, plutôt que de nous inquiéter du changement climatique, à nous préoccuper « d'un sujet plus important : le choc démographique. »

>> VIDEO Revoir Yann Barthes épinglé Nicolas Sarkozy sur le programme écologique des Républicains (Mai 2016 - Canal+)

Un changement climatique massif et rapide

Affirmer que le changement climatique n'est qu'un problème de second ordre et que l'homme n'en est pas le seul responsable, c'est s'inscrire dans la droite ligne des climatosceptiques.

Certes, les modifications du climat ont toujours existé sur Terre. Mais le changement climatique auquel nous faisons face se démarque par deux caractéristiques essentielles : son ampleur et sa vitesse.

Ce dérèglement est en effet loin d'être bénin. Dans son cinquième rapport, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) - qui réalise la synthèse des travaux des climatologues et représente une forme indéniable de consensus scientifique - projette dans certains de ses scénarios une augmentation de la température moyenne à la surface du globe de plus de 5 °C d'ici à la fin du siècle.

Le changement est, d'autre part, si rapide que la faune, la flore et même probablement l'humanité ne pourront s'y adapter à temps sans une vague d'extinction majeure. Le GIEC a de plus réaffirmé qu'il était « extrêmement probable » que les émissions anthropiques de gaz à effet de serre couplées à d'autres facteurs humains soient « la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle. » La science discrédite donc les propos de Nicolas Sarkozy comme de Donald Trump.

>> VIDEO Donald Trump sur l'Accord de Paris de 2015 (The Guardian, mai 2016).

Les plus vulnérables en première ligne

Or le changement climatique menace d'avoir des conséquences humaines désastreuses, en particulier pour les populations les plus vulnérables. Ce sont ainsi leur santé (paludisme, dengue, choléra), leur sécurité alimentaire (sécheresses, inondations, élévation du niveau des mers) et leur existence même (vagues de chaleur, ouragans) qui sont directement menacées.

Mais ce sont aussi l'économie mondiale, la faune et la flore, et même la culture (on pense ici à la disparition des États insulaires confrontés à la montée des eaux), que le changement climatique met en péril.

La croissance démographique n'est qu'une seule facette de ce problème. Les émissions mondiales de gaz à effet de serre, ainsi que d'autres problèmes environnementaux, dépendent certes du paramètre de la population - et il serait absurde de le nier. Mais un autre facteur joue un rôle essentiel : celui de la consommation des populations.

Il y a ainsi, en raison de niveaux et de modes de consommation différents, de profondes inégalités dans la répartition mondiale des émissions de CO2, comme le rappelle une étude de Thomas Piketty.

Dans les régions à la plus forte croissance démographique (Asie du Sud et Afrique), les émissions moyennes par habitant sont ainsi de 2,4 tonnes de CO2 contre 20 tonnes pour les Américains et 9 pour les habitants des pays d'Europe de l'Ouest.

Pour cette raison, on ne compte parmi les 10 % des plus grands émetteurs mondiaux, représentant 45 % des émissions mondiales, que 1 % d'Indiens contre 40 % de Nord-Américains et 19 % d'Européens. Plus que le poids démographique, c'est la consommation qui importe.


- Répartition géographique des émetteurs de CO2e

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Un déni de science et de responsabilité

Il apparaît donc malhonnête de nier la gravité du changement climatique en la dissimulant sous la menace d'une population grandissante.

Ce n'est en rien une coïncidence si certains candidats politiques en campagne se livrent peu scrupuleusement à ce jeu mensonger. Il s'agit d'une manœuvre populiste cherchant à gagner la faveur de l'électorat à travers un discours complaisant.

Le changement climatique a notamment pour effet d'attribuer aux pays développés une responsabilité éthique majeure, en raison de leurs contributions historique et présente aux émissions de gaz à effet de serre et de leur plus grande capacité technologique et financière à y faire face.

Il revient donc aux responsables politiques et aux citoyens des pays les plus riches de jouer un rôle de leader dans la transformation de leur infrastructure énergétique et de leurs modes de consommation ; ils se doivent aussi d'aider les plus vulnérables à s'adapter aux effets néfastes du changement climatique.

Un tel discours n'est cependant pas recevable pour ceux qui affirment que leur mode de vie « n'est pas négociable », pour reprendre une expression employée en 1992 par Georges Bush lors du Sommet de la Terre à Rio. C'est ici qu'entre en jeu le populisme et son discours de complaisance : en niant les vérités scientifiques, il caresse l'électorat dans le sens du poil. Pire, il le corrompt moralement.

Les implications morales du climatoscepticisme

La corruption morale, théorisée par le philosophe américain Stephen Gardiner, consiste à subvertir le langage de l'éthique afin de dissimuler et de défendre des intérêts particuliers immoraux. Ce phénomène est particulièrement menaçant dans le contexte de « tempête morale » où nous plonge le changement climatique.

C'est bien à une tentative de corruption notre sens moral que se livre Nicolas Sarkozy dans son récent discours : en empruntant le vocabulaire de la responsabilité (« sujet plus important ») pour désigner la limitation de la population mondiale comme une priorité politique par rapport au changement climatique, il donne à des intérêts égoïstes immoraux les atours de l'éthique afin de justifier le statu quo.

De plus, il repousse la responsabilité morale sur les pays en développement, accusés de laisser leur population se multiplier. Ce refus des responsabilités transfère injustement les coûts liés au changement climatique sur les plus vulnérables et les générations futures.

Il ne faut ainsi pas se laisser abuser par ces discours populistes qui, en période électorale, cherchent à corrompre notre sens moral en niant la vérité scientifique du changement climatique et en détournant notre attention vers d'autres sujets. La vigilance ainsi qu'une certaine éthique du discours s'imposent.

The Conversation_________

Par Pierre André, Doctorant en philosophie, Centre international de philosophie politique appliquée, Université Paris-Sorbonne - Sorbonne Universités.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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Commentaires 17
à écrit le 18/09/2016 à 8:24
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La démographie, comme l'énergie et le capital humain a une action sur l'économie et le climat. Mais nous ne savons pas agir sur la démographie, alors que nous le savons pour l'énergie et le climat.

le 19/09/2016 à 12:49
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"nous ne savons pas agir sur la démographie" c'est vite dit. que la télévision publique commence par diffuser du vrai contenu le samedi soir.

à écrit le 18/09/2016 à 8:23
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et voile m sarko devenus sans relechir une segonde un nazi oui c'est comme cela que ce regime immatriculer les personnes et le pire est que pas une mise au banc et encore moins des medias a croire que ce personnages peut se permettre toute les de...

à écrit le 17/09/2016 à 10:08
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Il est indispensable de changer notre façon de consommer. Tout doit-être mise en œuvre pour diminuer les émissions carbonées. L'énergie solaire doit être massivement développée ainsi que d'autres énergies pérennes comme l'utilisation de la houle. C...

à écrit le 17/09/2016 à 0:24
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Honteux de la part de Sarkozy de critiquer le travail de dizaines de milliers de scientifiques bien plus qualifiés et de valeur que lui qui ont travaillé depuis plus de 40 ans sur le sujet et fait un travail remarquable dont les prévisions s'avèrent ...

le 17/09/2016 à 8:13
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"dizaines de milliers de scientifiques bien plus qualifiés et de valeur que lui" En fait pour l'essentiel des activistes incompétents qui ne sauraient gérer une quincaillerie et devraient retourner les burgers s'ils n'étaient pas employés comme cl...

le 18/09/2016 à 0:36
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@ "corrector" : vous racontez n'importe quoi sans avoir travaillé sur le sujet, c'est déplorable. Il s'agit bien de dizaines de milliers de scientifiques de plusieurs disciplines parfaitement qualifiés qui se sont succédés sur le sujet depuis plus de...

le 19/09/2016 à 8:58
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@Corrector Votre argumentation est lamentable et je vous mets au défi de prouver ce que vous avancez.

à écrit le 16/09/2016 à 19:11
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Je pense également que Sarkozy a tort, mais l'auteur devrait faire attention à la logique de base de son discours : la rectitude morale c'est moi, la corruption morale les autres. L'expérience montre que les critiques de ce type contre n'ont pas de g...

à écrit le 16/09/2016 à 14:15
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Suite. C'est une loi générale de l'économie mise en évidence dans la note n°6 du CAE. La proposition de Jean Tirole de mettre une taxe sur l'énergie pour protéger le climat correspond à cette loi. Elle serait favorable au climat et à l'économie. C'e...

à écrit le 16/09/2016 à 14:03
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Il doit exister un équilibre entre le cout du travail et le prix de l'énergie. Ce qui implique de réduire le cout du travail en augmentant le prix de l'énergie progressivement et jusqu'à un point d'équilibre propre à chaque pays.

le 16/09/2016 à 19:07
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Pas d'inquiétude, beaucoup partage votre passion pour ce sujet et cela mérite d'en faire une pétition, je serais le premier a la signer!

le 17/09/2016 à 8:00
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N'importe quoi, ce que vous écrivez n'a aucun sens.

à écrit le 16/09/2016 à 14:02
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Sarkozy a evidement tort de nier le changement climatique et le role d el homme dedans. Mais a sa decharge, il faut bien reconnaitre qu on s en sortira pas si la population de la terre continue a exploser. En 100 ans on est passe de 1.5 milliard a pr...

à écrit le 16/09/2016 à 13:03
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Bientôt Sarkozy va souscrire aux thèses de Daech si çà peut lui faire gagner des voix ! Il ferait mieux d'être vendeur d'émissions de télé-achat plutôt que vouloir tenter une grosse manip pour tenter de revenir quand plus de 74% des français(es) n'e...

à écrit le 16/09/2016 à 11:56
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Vu l'été que nous venons de passer il faut en effet être complètement à côté de la plaque pour nier le changement climatique mais il y a beaucoup de lobbys qui y ont intérêt donc leurs serviteurs politiciens obéissent car en besoin constant de financ...

à écrit le 16/09/2016 à 11:52
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Arrêtez de comparer un "parasite" avec un "idéaliste"!

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