Sommes-nous si sûrs de vouloir une médecine étatisée  ?

Justifiée par la maîtrise des coûts, l'action menée par le gouvernement en matière de politique de la santé risque pourtant d'alourdir sa gestion et de diminuer la qualité des soins, comme le montre l'exemple canadien. D'autres pistes sont possibles, et un débat public est nécessaire. Par Cécile Philippe, Institut économique Molinari.
Marisol Touraine, ministre de la Santé.

Depuis la mise en place en 1996 de l'Ondam , l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie, le système de santé français s'étatise au nom de la maîtrise des coûts. Ce processus est relativement lent et graduel, il semble donc indolore. Pas complètement puisque les médecins ont quand même du mal à avaler la réforme de la ministre de la Santé Marisol Touraine. La généralisation du tiers payant, du contrat responsable, en passant par le rôle accru des Agences régionales de santé, les réformes se multiplient et conduisent de facto à placer de plus en plus l'organisation du système de santé sous contrôle public.

Vers au rationnement des soins

Le 24 mars, un décret a été publié visant à limiter l'inscription sur la « liste en sus » de certains médicaments innovants et chers utilisés à l'hôpital et jusqu'alors intégralement remboursés par l'Assurance maladie. Quoi de plus normal que de vouloir faire des économies ! Cependant, toutes les méthodes pour en faire ne se valent pas et celle qui passe par un processus réglementaire public de plus en plus restrictif est dangereux. Il va conduire - comme dans le système étatisé de santé canadien - au rationnement des soins et dans le cas des médicaments à des retards dans l'accès aux nouveaux traitements.

Les files d'attente persistent ainsi au Canada.  Elles sont aussi considérablement plus longues qu'il y a une vingtaine d'années, et ce en dépit des ressources croissantes dont le système étatisé bénéficie. Selon les estimations de l'institut Fraser au Canada, les temps d'attente pour subir un traitement à l'hôpital sont passés en moyenne de 7,3 semaines en 1993 à 18,3 semaines en 2015.

En ce qui concerne les médicaments de prescription, la grande majorité des Canadiens est couverte par une assurance privée. Mais les patients qui dépendent des régimes publics - soit 44,5% de toutes les dépenses pour ce type de médicaments en 2012 selon le gouvernement canadien - sont également soumis à une politique sévère de rationnement et de maîtrise comptable des coûts.

Un retard de 2 ans

Cette politique prend plusieurs formes. Tout d'abord, l'accès aux nouveaux traitements est retardé, pour cause de procédures administratives d'inscription sur les listes de médicaments remboursables par les régimes publics. Selon les derniers chiffres disponibles, ce retard a été estimé à environ 2 ans, temps pendant lequel les assurés de ces régimes n'ont pas pu bénéficier de leur prise en charge. Ensuite, en dépit de ces délais, la plupart des nouveaux médicaments ont été rejetés, et n'ont donc pas été couverts par les régimes publics. En 2012, en moyenne 23 % seulement des nouveaux médicaments, lancés entre 2004 et 2010, ont été admis pour remboursement par les régimes publics provinciaux.

Des pénuries de médecins, un accès bureaucratisé aux nouveaux traitements et des délais d'attente signifient que des patients en souffrance perdent du temps et doivent déployer beaucoup d'efforts pour obtenir les soins nécessaires, risquant une détérioration de leur état de santé. Dans certains cas, ils sont dans l'incapacité de poursuivre leur vie professionnelle et subissent une détérioration supplémentaire de leur qualité de vie. Tous ces aspects représentent de multiples coûts économiques et humains difficilement chiffrables, mais bien réels typique du système canadien au sein duquel le contrôle étatique est quasi-total.

En France - où le patient est encore habitué à avoir accès à des services de santé de qualité -, la situation change et pourrait bien un jour ressembler à celle du patient canadien. Car au fur et à mesure que les contraintes budgétaires se durcissent, il faut trouver des moyens de faire des économies. Cependant, pour que celles-ci soient rationnelles, encore faudrait-il qu'elles soient mises en œuvre par des acteurs capables de réaliser un calcul économique. Or, dans un monopole public, ce calcul est presque impossible. Choisir la voie de l'étatisation croissante pour pouvoir y parvenir est tout simplement contreproductif.

Revenir vers plus de concurrence

C'est, au contraire, en revenant vers plus de concurrence dans le système, en se fondant sur les piliers libéraux qui existent déjà et en acceptant d'aller plus loin par la mise en concurrence des CPAM qu'il sera possible d'envisager une rationalisation intelligente des dépenses et par voie de conséquence de la prise en charge de l'innovation. Car si celle-ci est réelle, il y a fort à parier qu'elle sera prise en charge par des assureurs soucieux du bien-être de leurs assurés et des économies que l'innovation peut faire réaliser en termes de coût total d'un traitement. Les Néerlandais y croient et en constatent les bienfaits depuis leur réforme de l'assurance maladie en 2006. Il est temps de commencer un vrai débat citoyen sur le sujet si on veut pouvoir continuer à bien se soigner en France.

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Commentaires 23
à écrit le 11/05/2016 à 14:39
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uhm ... cité l'institut Fraser comme source en dit long sur l'objectif et la partialité de cet article. Et, en outre, c'est faux. Le temps d'attente le plus long est au Québec, et la cause, le privé qui handicape le système public et qui le parasite.

à écrit le 10/05/2016 à 17:24
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@ozarmes le 08/05/2016 à 14:46 Quand sur un salaire, il y plus de 20% de cotisations sécu maladie (cotisation salarié + CSG non déductible + CRDS + cotisation patronale), c'est un impôt. Les concurrents potentiels (compagnies d'assurances) ne pour...

à écrit le 09/05/2016 à 14:40
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Mais pourquoi réagir si tard ??? depuis 2012, l'UFML (Union française pour une médecine libre) alerte et résiste à cette loi de santé destructrice et désespérante. Nous en avons décrypté les dangers très tôt mais les médias ont été d'une inertie con...

à écrit le 09/05/2016 à 1:28
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Amusant de voir que la seule chose que savent opposer les étatistes à une médecine plus libérale en France, c'est le modèle américain défaillant (quoique pas si défaillant, juste cher). Si la seule chose qui permet à ces mêmes étatistes de défendr...

à écrit le 08/05/2016 à 13:02
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Voir les espérances de vie à la naissance au Canada et en France. http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=98&ref_id=CMPTEF02216 L'article de madame Cécile Philippe n'a aucun sens. Je cite: "Selon les estimations de l'institut Fraser au...

le 08/05/2016 à 14:46
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La Sécurité Sociale n'est autre qu'une compagnie d'assurance en situation de monopole. Donnons lui des concurrents, pour la challenger et faire baisser ses coûts. Prendre en charge les personnes disposant de peu de moyens est une décision purement po...

à écrit le 07/05/2016 à 13:30
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Les médecins et pharmaciens sont complètement dépendants de la sécurité sociale, ils sont par conséquents assimilés fonctionnaires, ils se doivent donc d'en respecter l'équilibre ou de la quitter !

le 09/05/2016 à 14:45
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beaucoup d'inexactitudes dans vos propos, sans doute connaissez-vous mal le sujet : les médecins libéraux et les pharmaciens sont des entreprises libérales, aux horaires libérales..(on fait les 35 h en 3 jours, bien loin des 32 h hebdomadaires des fo...

à écrit le 07/05/2016 à 10:05
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Je coincide avec Gringo et j'apprécierais plus de rigueur de ce journal pour tenter de dissimuler ces campagnes de communication, que le lecteur ne s'en rende pas compte au moins. L'Espagne a fermé dans la région de Madrid des centres publics pour...

à écrit le 07/05/2016 à 5:02
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L'auteur de ce texte est un lobbyiste qui agit auprès des instances bruxelloise pour défendre un idéal d'ultra libéralisme (institut Molinari) Cet article n'est pas celui d'un scientifique, mais celui d'un militant. C'est important de le savoir...

à écrit le 06/05/2016 à 19:15
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A coup de "consensus" et de confusion entre "moyen" et "but", on démolit, au grand profit d'intérêt particulier, ce qui était une œuvre collective!

à écrit le 06/05/2016 à 18:09
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La maitrise médicalisée qui rationalise est le faux nez d'une maitrise comptable non assumée. Les outils performants et justes existent, la transparence via le Big Data est possible, leur pilotage est dé-médicalisé, reste opaque, spirale infernale de...

à écrit le 06/05/2016 à 16:28
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Quand il n'y a plus de concurrence public/privé, combien coûte un accouchement, une consultation, un bras cassé, etc.? On compare au patient canadien, comparons au patient américain! Là, ce serait un vrai travail de journaliste mais on comprend qu'i...

à écrit le 06/05/2016 à 16:13
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fin du numerus clausus et remboursement des études pour qui veut exercer en mèdecine privée; deux actions qui à terme devraient assainir le secteur de la santé

le 06/05/2016 à 17:19
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Mais bien sûr les médecins vont rembourser leurs études ... Faisons de même pour tout le monde alors, fac, bts et iut payant! La démagogie dans toute sa splendeur! Faisons payer aux hôpitaux les heures des étudiants qui font tourner l'hôpital :)

à écrit le 06/05/2016 à 15:46
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Il y a quand doute des choses à revoir dans la médecine libérale française qui n'a de "libérale" que le nom. Mais la voie sur laquelle nous engagent les socialistes est une calamité. L'administration française nous prouve chaque jour son incapacité à...

à écrit le 06/05/2016 à 14:54
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Si notre système de santé tend à se dégrader il faut aussi prendre en compte les archaïsmes de l'ensemble des intervenants : administrations, hôpital , syndicats de médecins, ordre etc...et là vous constatez que ceux qui sont à la tête de tous ces o...

le 07/05/2016 à 9:19
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Certes, mais malheureusement c'est comme ça que tout fonctionne. Chacun défend son beurre, et c'est normal on ne peut pas imaginer les gens fonctionner autrement. Le système n'a de représentants que ceux que vous élisez. La critique est aisée, mais s...

à écrit le 06/05/2016 à 14:33
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Vivement qu'on puisse prendre une mutuelle pour les 100%... Vu se que la Sécu nous coûte et le peu qu'elle nous rend...

le 06/05/2016 à 19:20
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Désolé, mais vous n'êtes plus en France, mais dans l'UE de Bruxelles!

le 06/05/2016 à 21:41
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Oui mais avant de faire ça il faudra clarifier le système c'est à dire ne pas confondre une allocation universelle de santé qui conduit à un taux d'imposition de 12% pour un montant de moins de 250 euros par personne assurée à la CPAM versé chaque mo...

le 07/05/2016 à 9:26
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Ah oui tout à fait d'accord à vous. Vivement la fin de cette pseudo solidarité nationale. Tout ces gens faibles et irresponsables qui nous coûtent cher. Oh et puis les vieux et les cancéreux, y en a marre, on ne paye que pour eux. Moi je rêve d'un pa...

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