Suppression de la taxe d'habitation : le cadeau empoisonné du gouvernement

La réforme de la taxe d'habitation constituait l'une des mesures « phares » du programme d'Emmanuel Macron à l'élection présidentielle : elle devrait être actée dans le Projet de Loi de Finances de 2018 publié le 27 septembre prochain. Pourtant, si l'annonce séduit déjà la majorité des contribuables, en persévérant dans cette volonté démagogique, Emmanuel Macron commet en réalité plusieurs erreurs majeures qui risquent de transformer la réforme en un cadeau empoisonné. Par Manon Laporte, Avocate Fiscaliste et Docteure en Droit et Conseillère Régionale Ile-de-France ; et Corentin Le Fur, Adjoint au Maire d’Eaubonne chargé des Finances et du Développement Economique

Au 1er janvier 2018, 80% des redevables devraient bénéficier d'un allègement d'un tiers du montant de la taxe, jusqu'à une sortie totale de l'impôt en 2020, à raison d'un tiers par an donc.

Pour rappel, cet impôt local concerne plus de 30 millions de foyers fiscaux et s'applique aux logements, y compris aux résidences secondaires, aux habitations non occupées, ainsi qu'à leurs dépendances. La taxe est due par tous, locataires comme propriétaires, qui pour ces derniers, doivent - sauf cas d'exonération - s'acquitter en plus d'une taxe foncière. Quelle que soit leur situation, la plupart des étudiants en sont aussi redevables. Son mode de calcul la rend « injuste » : sa base d'imposition prend en compte la valeur locative cadastrale nette (et jusqu'à présent, obsolète) de l'habitation. Son montant est lui, déterminé après avoir été multiplié par les taux fixés unilatéralement par les communes.

Complexifier plutôt que réformer

Alors, d'une ville à l'autre, et sans égard pour les capacités contributrices des habitants ou la valeur réelle de leur bien, les écarts peuvent être énormes, car l'équation budgétaire varie beaucoup d'un territoire à l'autre : ces derniers peuvent compter ou non sur certains facteurs qui deviennent discriminants tels que la densité, la composition sociale de la population, le niveau de revenu des habitants et la richesse du tissu d'entreprises.

Une superbe annonce donc que cette réforme! Le hic ? La taxe d'habitation est une source essentielle du financement du secteur communal : 35% de sa rentrée fiscale en 2016 pour financer les services publics locaux, un manque à gagner de plus de 9 milliards d'euros.

En supprimant la taxe d'habitation, envisage-t-on d'avoir des citoyens qui bénéficieraient des services publics sans contribuer à leur financement via l'impôt ? De recourir au contraire à des augmentations d'impôts que l'État redistribuera de façon centralisée en fonction des pertes enregistrées par les communes (CGS, CRDS...) ? De faire peser la différence sur les propriétaires redevables de la taxe foncière ?

Les propriétaires bailleurs, eux, subiront déjà la hausse de 1,7 point de la CSG sur leurs revenus fonciers alors que la transformation de l'ISF (« Impôt sur la Fortune) en « IFI » (Impôt sur la Fortune Immobilière ») fera que leur patrimoine immobilier restera taxable. De créer un nouvel impôt local dont les collectivités pourront moduler le taux ?

Sans doute possible, la suppression de la taxe d'habitation nous dirige tout droit vers une complexification de l'imposition là où l'urgence est à la refonte de la méthode de calcul en fonction des capacités contributrices de chacun pour davantage de justice fiscale.

Vers une re-centralisation des collectivités ?

Le gouvernement commet en outre une erreur que l'on pourrait qualifier de constitutionnelle. En effet, l'article 72-2 de la Constitution sanctuarise le principe de libre administration des collectivités territoriales en garantissant à ces dernières leur autonomie financière. Emmanuel Macron, en s'engageant à compenser à l'euro près la perte de recettes que représentera la suppression de la taxe pour les collectivités, tout en jouant de l'ambiguïté entre autonomie financière - la seule étant désignée comme composante juridique du principe constitutionnel - et autonomie fiscale, cherche à protéger sa mesure d'un retoquage du Conseil Constitutionnel.

Néanmoins, les élus locaux, habitués des promesses non tenues de l'État, savent bien que la compensation choisie ne comblera qu'en partie le manque à gagner. Le « Conseil des Sages » ne décidera-t-il alors pas que ladite réforme n'a « pour effet ni de restreindre la part [des] recettes ni de diminuer les ressources globales des collectivités concernées au point d'entraver leur libre administration » (C.Const., 28 déc.2000, 2000-442 DC) ? Le futur nous le dira, mais le constat est déjà là : l'autorité centrale, avec l'aide précieuse de Bercy, met doucement sous tutelle les collectivités locales en pratiquant un jacobinisme caricatural, à l'heure où notre pays nécessité une décentralisation profonde !

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Commentaires 16
à écrit le 27/11/2017 à 5:11
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Pour un appartement à Vence (06140) en résidence secondaire de deux pièces en Rez de jardin, sombre et humide, je dois payer pour 2017, € 1294,- de taxe d'habitation, redevances Audiovisuelle incluses (ma résidence principale est en Allemagne où je p...

le 13/12/2017 à 6:57
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En plus de cette taxe d'habitation il y a l'impôt foncier, l'assurance, l'entretien. Cela fait cher de venir voir les siens quelques semaines ou quelques mois par an!

à écrit le 27/09/2017 à 23:22
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seul deux impots vont progresez t v a et c s g,?JE CONTINUE A DIRE QUE L ON Y VERRAS PLUS CLAIR DANS TROIS ANS???

à écrit le 27/09/2017 à 16:39
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Supprimer une usine a gaz dont la base d imposition date des annees 70 est une bonne idee. Il aurait valu le faire pour tous et non pour 80 % histoire d eviter les effets de seuil (pour un gain de 100 € de plus par an, vous allez payer 3000€ de taxe ...

à écrit le 26/09/2017 à 18:17
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Début 2018,Macron reviendra sur sa promesse.pourquoi?Parce que les finances du pays exigent un effort important de la part des contribuables.Les cadeaux fiscaux ne sont hélas plus possibles.C'est de la real politique

le 27/09/2017 à 8:52
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@élu ps: "les finances du pays exigent un effort important de la part des contribuables", mais plus de 50% ne paient pas et votent pour celui qui promet d'augmenter leurs allocations diverses et variées. Tu veux donc certainement dire qu'il faut ache...

à écrit le 26/09/2017 à 11:19
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Mesure démagogique de suppression d'un impôt, qui va fragiliser davantage les finances des collectivités. La décentralisation se trouve de plus en plus dénaturée. On connait le discours ambiant sur le gaspillage financier des collectivités qui vise à...

le 26/09/2017 à 14:33
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@Albert le contractuel qui croyait que la vie était belle: ne t'inquiètes pas, la taxe d'habitation sera remplacée par une autre taxe ou impôt que l'on appellera autrement :-)

à écrit le 26/09/2017 à 9:52
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cette refome vas dans le bon sens chacun doit vivre suivent ses moyens c est a dire sans dettes???

à écrit le 26/09/2017 à 2:34
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Bof, donc ! La réforme de la taxe d'habitation est tellement complexe et si sensible politiquement qu'elle n'a jamais eu lieu. La décision prise par Macron ressemble un peu à la manière dont on "dénoua" le noeud gordien, mais compte tenu du bazar inj...

à écrit le 25/09/2017 à 19:31
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Le gouvernement a prévu de laisser les communes décider du montant des amendes routières (en tout cas au moins celles concernant le stationnement) pour renflouer leur trésorerie. Ainsi, en Poitou Charentes, l'amende pour ticket horodateur non conform...

à écrit le 25/09/2017 à 15:28
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Enlever des ressources indépendantes aux municipalités pour mieux les manipuler et les contraindre alors que l'on parle sans cesse de décentralisation! Comme pour les États que l'on veut morcelé afin de mieux les centraliser au niveau de Bruxelles!...

à écrit le 25/09/2017 à 12:09
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Exactement comme cette usine a gaz de Junker et Macron qui veulent nous faire croire avec leur effet de levier, qu'ils vont multiplier les milliards par deux, cela sent l'arnaque, comme d'hab !!!!

à écrit le 25/09/2017 à 10:24
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Merci beaucoup, cela ressemble fortement en effet à une recentralisation du pouvoir, mais c'est logique, les actionnaires milliardaires ont les politiciens nationaux dans la poche mais ils ne peuvent soudoyer la totalité des élus, qui sont également ...

le 27/09/2017 à 12:47
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bien dit!

à écrit le 25/09/2017 à 10:20
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Tout ce qui rend les gens irresponsables est une ânerie..

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