Sur l’importance de la juste appréciation de la politique monétaire par les marchés obligataires

OPINION. La mi-décembre va être marquée par des réunions décisives des principales banques centrales, qui vont clore une année historique en termes de durcissement de politique monétaire. Si les marchés obligataires jouent un rôle central dans la transmission de la politique monétaire à l'économie, leurs fluctuations importantes de ces dernières semaines complexifient l'équation. Par Clémentine Gallès, Cheffe Économiste et Stratégiste de Société Générale Private Banking
(Crédits : DR)

Un resserrement historique des politiques monétaires

L'année 2022 aura été marquée par un changement de politique radical des principales banques centrales face aux chocs successifs sur l'inflation : la Réserve fédérale (Fed) a ainsi remonté ses taux de 400 points de base, la Banque d'Angleterre (BoE) de 300 pb et la Banque centrale européenne (BCE) de 200 pb.

Les banques centrales ont en outre ajusté leurs politiques de bilan : la Fed et la BoE ont amorcé une réduction progressive de leur bilan par l'arrêt de rachat de titres arrivant à échéance ou la vente de titres (Quantitative Tightening) et la BCE a mis fin à ses programmes d'achats et encouragé les remboursements anticipés des TLTRO (opérations de financements ciblés proposés aux banques).

Si l'inflation pourrait enfin avoir atteint un pic de part et d'autre de l'Atlantique, les tensions sous-jacentes restent vives et continuent de rendre incertaines les évolutions des politiques monétaires pour 2023.

L'importance des anticipations des marchés

Les marchés obligataires sont un canal majeur de transmission de la politique monétaire. Ils répercutent les changements de taux directeurs des banques centrales aux taux d'intérêt de différentes maturités et de différentes contreparties (États, intermédiaires financiers, entreprises). Ils contribuent ainsi à ce qu'un durcissement de la politique monétaire se matérialise en un durcissement des conditions de financement pour les agents économiques. Ce durcissement freine leur demande (consommation et investissement) et modère les tensions inflationnistes.

Cependant, les marchés obligataires évoluent en fonction des anticipations de politique monétaire et de croissance, avec le risque qu'une mauvaise appréciation brouille la transmission. Car, pour que celle-ci soit efficace, les marchés obligataires doivent intégrer le bon niveau de resserrement en cours et à venir de la politique monétaire. Et depuis plusieurs semaines, les prévisions des marchés ont beaucoup fluctué au gré des publications d'inflation et d'activité.

A ce jour, ils continuent d'anticiper la poursuite du resserrement monétaire en début d'année 2023, mais ils ont largement revu à la baisse leurs anticipations de taux des banques centrales à moyen terme. Cette baisse assez substantielle des anticipations, avec des taux corrigés des anticipations d'inflation qui convergent de nouveau vers zéro, implique une transmission moindre du resserrement de politique monétaire toujours en cours. Faisant courir le risque que les banques centrales doivent aller plus fort dans leur hausse des taux pour s'assurer une meilleure transmission.

Qu'attendre des réunions de décembre ?

Les réunions des banques centrales de mi-décembre (Fed le 14 et BCE et BoE le 15) seront cruciales en termes de message envoyé aux marchés obligataires. À ce stade, il est très probable que les trois banques augmentent chacune leur taux de 50 pb. Toute communication éventuelle sur leur cible de taux terminal ainsi que sur un éventuellement resserrement de leur politique de bilan pourrait impliquer une réappréciation marquée des marchés obligataires, dans un sens souhaité par les banques centrales.

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