Sur le marché des professionnels, l’assurance doit penser « digital first »

Le World Insurance Report que publie chaque année Capgemini montre que seuls 33.3% des clients issus de la génération Y en Europe sont satisfaits de leur relation avec leur assureur. Ces clients de la génération Y, désormais quadragénaire, ne se retrouvent pas dans le modèle relationnel proposé par les assureurs et leur insatisfaction porte en particulier sur le digital. Pourtant, la profession investit massivement dans ce domaine mais, selon nous, l'erreur est de ne pas penser « digital first », notamment sur le segment délicat des professionnels. Par Eric Mignot, CEO & Co-founder de PlusSimple.fr

À ne pas confondre avec le « digital only » de certaines banques en ligne, par exemple, le « digital first » ne consiste pas à supprimer les interventions humaines. Celles-ci demeurant souvent nécessaires pour clarifier, expliquer ou rassurer, il s'agit d'offrir aux consommateurs le choix de leurs interactions à un moment donné de leur parcours client. Ainsi, l'environnement digital doit leur donner tout autant la possibilité de mener seuls ce parcours de bout en bout que de faire appel s'ils le souhaitent à l'assistance d'un conseiller. Or, dans l'assurance, la digitalisation a trop souvent consisté à superposer de nouveaux points de contact en ligne aux processus existants, débouchant généralement sur l'obligation d'être rappelé par un agent ou de finaliser la souscription via un interlocuteur « physique ». Pour les clients, ce « faux » digital est extrêmement décevant et très mal vécu.

Ceci est particulièrement dommageable sur le segment des professionnels, qui souffrent d'autant plus d'une mauvaise expérience digitale que leurs attentes en la matière sont élevées. Demandeurs de davantage de simplicité, de commodité et de qualité de service, les artisans, commerçants, professions libérales, indépendants, dirigeants de TPE, etc. ont parfois l'impression d'être négligés par leurs assureurs. Tantôt géré comme des particuliers, tantôt comme des entreprises, leur situation est trop complexe pour les uns et les revenus qu'ils générèrent trop insuffisants pour les autres, si bien qu'ils ne sont guère rentables pour personne et que l'organisation qui en hérite ne leur consacre qu'un investissement limité. Le résultat est que les pros se retrouvent souvent avec une multitude de contrats (5 à 10 !) différents, soit en général près d'un millier de pages d'une documentation indigeste et absconse qu'ils n'ont ni le temps ni les compétences d'éplucher. Ils choisissent leurs garanties à l'aveuglette, ne les réévaluent jamais et en constatent amèrement les limites au moment de la gestion des sinistres.

Les exigences du "digital first"

En leur apportant à la fois liberté, souplesse et qualité de l'expérience, une approche digital first constituerait une opportunité unique de répondre enfin comme il se doit à leurs besoins. Mais cela nécessite bien plus que développer un site web ou une application mobile. Le digital first exige de revoir les parcours clients, d'intégrer les canaux, de redéfinir le rôle et les compétences des agents, de réviser l'offre et sa présentation...

Une telle transformation est difficile à mener en interne à plus forte raison, pour les grands groupes. Les projets d'Open Innovation classiques mis en place se heurtent ainsi à des problématiques structurelles : remise en cause des organisations informatiques, évolution des modèles opérationnels, bouleversement de l'organisation du travail et du management des équipes jusqu'à l'évolution nécessaire de la modélisation des risques et de la gestion des sinistres. Bref, il s'agit d'un investissement conséquent. Or, le marché en question, on l'a vu, est rarement prioritaire.

Pourtant, en nouant des partenariats stratégiques avec des startups de l'AssurTech, les groupes de gagneraient en agilité tout en s'adaptant plus rapidement aux nouveaux enjeux du marché de la distribution assurantielle. Une solution en particulier consiste à travailler en collaboration avec une plateforme digitale conçue en l'état, pour donner le choix au client « assuré », entre un parcours en mode « self-service » ou bien un parcours avec un accompagnement par un expert. Cette approche digital first permet aux assureurs d'une part, de déléguer cette relation complexe et peu rémunératrice et d'autre part, de se focaliser sur la conception d'offres plus adaptées en réduisant drastiquement leurs coûts de gestion et en mutualisant leurs investissements techniques.

Grâce à la portée d'une telle plateforme, les assureurs sont en mesure de toucher à moindre coût et efficacement une population amenée à croître et à se diversifier avec l'essor du travail indépendant et de la « gig economy ». Parallèlement, les professionnels bénéficient enfin de la simplicité d'un point de contact unique, d'une expérience digitale en phase avec leurs usages et leurs besoins de garanties sur mesure et évolutives, et surtout d'un partenaire attentif, capable de les épauler face aux aléas de leur profession. Modèle réputé gagnant-gagnant, l'économie de plateforme le démontre ici de façon exemplaire.

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