Tous sous l'oeil du drone

L'aéronef sans pilote va devenir de plus en plus fréquent au-dessus de nos têtes. Quels défis pour la sécurité collective, les libertés civiles et la vie privée? Ces questions doivent être traitées rapidement. par Rachel Finn, analyste de principale à Trilateral Research Consulting

Les drones, semble-t-il, ont soudainement envahi le monde. Ils étaient au coeur de l'intrigue de séries télévisées à sensations américaines comme 24 heures chrono et Homeland, ont été présentés comme une option de livraison possible par le géant de la distribution en ligne Amazon, sont intervenus dans les zones sinistrées en Haïti et aux Philippines, et ont survolé de manière menaçante les centrales nucléaires françaises. Cette technologie autrefois secrète est devenue quasiment omniprésente.Alors que les décideurs politiques aux États-Unis et en Europe se sont engagés à ouvrir l'espace aérien civil aux drones non-militaires, l'avion sans pilote va devenir de plus en plus fréquent. Il est donc crucial que les défis sans précédent qu'il présente pour les libertés civiles et la vie privée soient rapidement identifiés et résolus.

Tout d'abord, les drones sont en train de changer significativement la façon dont les données sont collectées. Jusqu'à présent, la plupart des drones civils ont été équipés uniquement avec des caméras haute résolution, offrant aux policiers, équipes de recherche et de sauvetage, journalistes, cinéastes et inspecteurs agricoles et d'infrastructure une vue d'ensemble de leur environnement.

Mais cela est sur le point de changer. Les fabricants font des expériences avec des drones qui peuvent recueillir des images thermiques, fournir des services de télécommunications, prendre des mesures relatives au milieu naturel et même lire et analyser des données biométriques. En outre, certains opérateurs se sont intéressés à la collecte de mégadonnées, en utilisant une gamme de capteurs différents en même temps.

Espionnage industriel, sabotage, terrorisme

En même temps, les drones deviennent plus petits, ce qui leur permet de s'infiltrer dans des espaces qui seraient normalement inaccessibles. Ils peuvent regarder au travers des fenêtres, voler dans les bâtiments et s'asseoir dans un coin ou d'autres petits espaces sans être détectés. Leur taille et leur silence signifient qu'ils peuvent être utilisés pour de la surveillance discrète, soulevant des inquiétudes concernant les possibilités d'espionnage industriel, de sabotage et de terrorisme.

Le prochain drone qui survolera une centrale nucléaire française pourrait être trop petit pour être remarqué. Le prix des drones est lui aussi en chute libre. Un modèle de base peut être d'ores et déjà déployé pour à peine quelques centaines de dollars. Les exploitants commerciaux, qui veulent maintenir de bonnes relations avec la clientèle, ont un intérêt à utiliser les drones de manière responsable. Or, les particuliers sont susceptibles d'avoir moins de scrupules à les utiliser pour espionner les voisins, les membres de la famille ou le grand public.

Il faut agir. Cependant, bien que les implications pour la vie privée de petits drones omniprésents, à bas prix, équipés pour recueillir un large éventail de données, soient évidentes, la réponse appropriée ne l'est pas. Les interdire purement et simplement priverait la société des nombreux avantages que les drones ont à offrir, depuis leur utilisation pour des tâches dangereuses, sales ou abrutissantes, jusqu'à leurs faibles coûts d'exploitation et de maintenance par rapport aux avions habités.

Évaluer les effets au cas par cas

Utiliser des drones pour la pulvérisation des cultures, la surveillance de la pollution ou la plupart des opérations de recherche et de sauvetage ne suscitera probablement pas de graves préoccupations. Mais ce n'est évidemment pas le cas d'autres applications, notamment par la police, des journalistes et des particuliers. Étant donné la grande variété d'applications potentielles de la technologie, il est presque impossible de les réguler au moyen de la seule législation. Au lieu de cela, les parties intéressées à tous les niveaux doivent évaluer l'effet potentiel sur la vie privée, la protection des données et l'éthique, au cas par cas.

Les opérateurs de drones bien intentionnés doivent examiner attentivement la façon dont leurs activités pourraient violer la vie privée et enfreindre des libertés civiles, et ils devraient prendre des mesures pour minimiser ces effets, en utilisant - au maximum de leurs capacités - les outils existants, tels que les évaluations d'effet sur la vie privée. Les autorités de protection des données, les organisations de la société civile et les agents de protection de la vie privée dans les entreprises et les organismes publics devraient publier des directives sur l'utilisation de drones, comme ils l'ont fait pour d'autres technologies existantes et émergentes. Les lignes directrices régissant l'utilisation de la vidéosurveillance pourraient servir de bon point de départ - mais doivent être complétées pour tenir compte des différents types de données qu'un drone peut recueillir.

La traçabilité des engins requise

Les fabricants de drones doivent aussi jouer leur rôle, y compris en fournissant des orientations pour aider les utilisateurs - notamment les particuliers - à exploiter leurs produits dans les limites de la loi. Des numéros de série devraient être prévus, de sorte que les drones soient traçables. Les autorités civiles devraient compléter ces efforts en réfléchissant au fait que la législation existante dans les domaines de la vie privée, de la protection des données, de l'intrusion et du harcèlement pourrait être utilisée pour poursuivre les opérateurs qui enfreignent les droits de l'homme. Enfin, les compagnies d'assurances peuvent fournir les bonnes incitations en explorant le potentiel de marché découlant de la responsabilité en cas de mauvaise utilisation ou d'accidents. Le défi est à la fois urgent et complexe. Les droits des citoyens doivent être protégés avant que le marché, et les drones eux-mêmes, ne décollent vraiment.

  Rachel Finn est  analyste à Trilateral Research Consultingoù elle mène des recherches sur la protection de la vie privée, des données et les questions éthiques liées aux nouvelles technologies. David Wright est associé directeur à Trilateral Research Consulting et est l'auteur de "Surveillance in Europe".

© Project Syndicate

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Commentaires 4
à écrit le 18/03/2015 à 15:27
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Le premier drone qui survole mon espace vital, c'est calibre 12, voire plus si nécessaire.

à écrit le 18/03/2015 à 10:10
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Un monde sans faune, sans flore, sans emploi, où les citoyens sont surveillés par des drones en permanence. les plus terrifiants livres de science fiction commencent à prendre corps. J'ai honte.

à écrit le 17/03/2015 à 18:21
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On demande une période de chasse pendant 9 mois de l'année ou une autorisation libre de survol pendant la période hivernale

le 18/03/2015 à 10:17
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calibre 12 en été et lance-pierre avec boulons de 10 tout le reste de l'année.

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