Un stress test climatique du système financier

La transition énergétique pourrait changer en profondeur la structure de production et la valeur de nombreux actifs financiers. Première évaluation du risque climatique pour le système financier. Par Antoine Mandel, Paris School of Economics – École d'économie de Paris

Du point de vue des sciences physiques, il est évident que le maintien du réchauffement climatique en dessous de 2 °C implique qu'une large part des réserves avérées de combustibles fossiles sont « imbrûlables ». La mise en œuvre d'une politique climatique ambitieuse devrait donc conduire à des dépréciations d'actifs importantes dans le secteur de l'énergie.

Plus généralement, la transition énergétique pourrait induire des changements majeurs dans la structure productive et, corrélativement, dans la valeur d'une large gamme d'actifs financiers. L'incertitude sur l'étendue possible de ces impacts est un sujet de préoccupation pour les autorités de régulation financière, que la crise financière liée aux subprimes a rendu particulièrement attentives aux risques de propagation des chocs.

Évaluer le risque climatique pour les institutions financières européennes

Dans un article récemment paru dans la revue Nature Climate Change nous proposons, avec Stefano Battiston, Irene Monasterolo, Franziska Schütze et Gabriele Visentin, la première évaluation du risque climatique pour le système financier via un « stress-test climatique » réalisé sur les principales institutions financières européennes.

Pour ce faire, nous avons, dans un premier temps, utilisé la base de données Orbis du Bureau van Dijk. Celle-ci décrit le réseau actionnarial global permettant de quantifier l'exposition des institutions financières européennes, via les marchés d'actions, à cinq secteurs potentiellement sensibles à la politique climatique : celui des combustibles fossiles, celui de l'électricité, celui des industries à haute intensité énergétique, celui de l'immobilier et celui du transport.

Une exposition en deux temps, une propagation « maîtrisable »

Un premier constat est que l'exposition du système financier aux seul secteurs des combustibles fossiles est faible, mais que si l'ensemble des secteurs liés est pris en considération l'exposition devient importante (environ 40 % des fonds propres).

Dans un second temps, nous analysons la propagation via les réseaux financiers d'un scénario de dévalorisation massive des actifs dans les secteurs des combustibles fossiles et de l'électricité. Les mécanismes de propagation considérés prennent en compte la dégradation du bilan des institutions financières et celle des actifs financiers qu'elles émettent pour se refinancer suite aux pertes sur les marchés d'action.

Ces processus pourraient amplifier par un facteur 2 les pertes initiales liées à un choc de politique climatique. Cependant, l'effet global serait limité si le choc initial restait cantonné aux secteurs clés dans l'émission de gaz à effet de serre. Une politique climatique forte ne conduirait donc pas à la matérialisation d'un risque financier systémique si elle parvenait à limiter la propagation des risques dans la sphère réelle de l'économie.

Dans cette perspective, il est important de clarifier l'horizon socio-économique de déploiement de la politique climatique afin de réduire les incertitudes auxquels les investisseurs sont confrontés, et leur permettre de discriminer finement entre les secteurs potentiellement exposés à la politique climatique et ceux pour qui elle représenterait une opportunité de croissance.

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Cet article est publié publié en partenariat avec les « 5 articles... en 5 minutes! » de Paris School of Economics. Le titre original de l'article académique est « A Climate Stress-test of the Financial System », publié dans Nature Climate Change 7, 283-288 (2017). Il est co-écrit Avec Stefano Battiston, Irene Monasterolo, Franziska Schütze et Gabriele Visentin.

The Conversation _______

 Par Antoine MandelMaître de conférences en mathématiques appliquées à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre associé à PSE, Paris School of Economics - École d'économie de Paris.

 La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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