« La santé pour tous » vise à donner à chaque français la capacité financière à payer ses dépenses de soins. « Les soins pour tous » répond à la vraie question pratique à laquelle tout français est désormais confronté, à savoir de pouvoir trouver un médecin compétent, rapidement disponible et proche géographiquement.
L'assurance maladie évite deux sujets tabou
A force de vouloir répondre à des objectifs contradictoires, notre système de santé est devenu en réalité largement inéquitable. L'écart d'espérance de vie (évaluée entre 6 et 7 années) entre un non-cadre et un cadre ne s'explique pas que par le caractère généralement plus dur physiquement du travail exercé ; il correspond malheureusement aussi à une inégalité dans l'accès au système de soins.
En limitant le coût de la consultation d'un médecin généraliste conventionné (secteur 1) à 23 euros, la Sécurité Sociale répond à un objectif économique de maîtrise des dépenses de soins au plan national. Ce faisant, l'Assurance Maladie met deux côtés deux sujets tabous :
1°) Vouloir payer une consultation le même montant France entière n'a aucun sens. Le coût de la vie, le coût des loyers, les conditions d'exercice n'ont rien à voir entre un généraliste installé en région parisienne et celui implanté dans une moyenne ville de province. Pourquoi ne pourrions-nous pas instaurer plusieurs prix de consultation en fonction du coût local de la vie et d'installation du médecin ? Ne pas le faire aujourd'hui revient à accepter des déserts médicaux de médecins conventionnés demain (en particulier dans les grandes villes).
2°) Pour s'en sortir financièrement avec 23 euros par consultation, un médecin généraliste n'a pas d'autre choix que de prendre désormais quatre patients par heure (voire cinq). Peut-on alors encore parler de médecine dans ces conditions ? Rappelons que l'écoute et l'auscultation font partie des soins.
Un médecin en région parisienne ne peut vivre avec le remboursement sécu
Sauf à faire preuve d'un altruisme aigu, un médecin généraliste conventionné en région parisienne ne peut pas (plus) s'en sortir financièrement. A titre de comparaison, l'heure de main d'œuvre automobile à Paris est souvent facturée 100 euros TTC. Prenant conscience de cette situation et des risques qu'elle comporte, la Mairie de Paris a d'ailleurs lancé le plan « Paris Med' » permettant à des médecins généralistes de bénéficier d'une aide à l'installation pouvant aller jusqu'à 15 000 euros.
L'autre grand sujet d'accès aux soins concerne l'obtention d'un rendez-vous auprès d'un « bon » spécialiste, dans un délai de deux à trois semaines et pas trop loin de chez soi. Face à cette question, notre pays est rentré dans une logique de « passe-droits ». Celui qui a un médecin dans ses connaissances peut s'en sortir. Si tel n'est pas le cas, il faudra généralement attendre entre 3 et 6 mois. Est-ce réellement la santé pour tous ?
En région parisienne, il y a facilement un délai d'attente de 3 mois pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste. Mieux vaut ne pas avoir une vue qui évolue trop rapidement !
Face à une situation de « désertification », le département de l'Allier propose à des étudiants en médecine une bourse d'études de 38 400 euros (au global) pour leur période d'internat, la contrepartie étant un engagement à s'installer dans une partie « désertique » en médecin du département.
Tout un chacun a le droit d'être bien soigné, pour un coût raisonnable, par un praticien compétent et qui gagne correctement sa vie. Ne pourrait-on pas (enfin) poser les vraies questions et les instruire plutôt que de tenir des discours souvent trop velléitaires et déconnectés des réalités ?
Cyrille Chartier-Kastler
Fondateur de GoodValueforMoney.eu
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