Une crise décisive de la zone euro est inéluctable

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, une crise décisive de la zone euro est inéluctable
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Nous l'avons dit maintes fois, la zone Euro a opté pour le mode de résolution de ses problèmes le plus coûteux en termes de croissance et d'emploi. Il n'en reste pas moins qu'elle a procédé à des ajustements, dont on est en droit d'attendre les dividendes.

Les pays du Sud, dont la consommation et l'investissement résidentiel s'étaient emballés, au mépris des équilibres externes, ont payé au prix cher cette stratégie. C'était tout le but des dévaluations internes. Remettre la demande des ménages en ligne avec la capacité d'offre solvable des différentes économies. Et les résultats sont aujourd'hui bien tangibles.

La dynamique des coûts salariaux a été cassée dans le sud

La divergence des coûts unitaires a pris fin et une partie des écarts a été résorbée. Les parts de marché se sont peu ou prou stabilisées, etc.

Le sous-financement de la protection sociale a été corrigé, notamment en Espagne et en Italie concernant les retraites. Les croissances redémarrent aujourd'hui laissant augurer la possibilité d'une reprise du mouvement de rattrapage de la périphérie sur des bases plus saines et plus soutenable. On pourrait alors s'arrêter à ce simple bilan de la purge douloureuse, mais utile, qui n'aura été qu'une parenthèse dans la jeune histoire déjà houleuse de l'euro. Une sorte de coût d'apprentissage en quelque sorte qui nous permettrait de repartir sur une base assainie.

À cela près, que cette lecture focalisée sur la compétitivité coût fait totalement l'impasse sur les fondements réels de la croissance. Je voudrais mettre ici en avant trois indicateurs clés, pour montrer que l'Europe n'en a pas fini avec les forces de divergence qui menacent son intégrité, et qui tôt ou tard remettront l'euro sous pression.

Regardons d'abord l'effort d'investissement productif et collectif des différentes économies (hors investissement résidentiel donc), rapporté au PIB. Que voyons-nous, que le Sud a décroché et que le mouvement de restauration, encore incomplet, observé en Espagne constitue une exception.

Plus grave encore: le taux de chômage des plus qualifiés

Regardons ensuite les dépenses d'éducation par étudiant, exprimées en parité de pouvoir d'achat ou en proportion du PIB. Là encore le retard du Sud est chronique et entérine un écart permanent de productivité.

Le diplôme protège beaucoup moins du chômage dans les pays du sud. Cet écart est le reflet d'une structure productive à la traine en termes de qualification. Mais il entraîne de surcroît une déqualification des diplômés et un gaspillage considérable des ressources investies dans le capital humain extrêmement préoccupant.

Résultat, la productivité en porte la marque. Certes la productivité horaire semble avoir bondi en Espagne, et dans une moindre mesure au Portugal, sous l'effet des destructions massives d'emploi, notamment dans le secteur à faible productivité de la construction. Mais passé cet épisode d'ajustement brutal de l'emploi, il n'existe pas de vraie dynamique endogène de croissance dans les pays du sud. Si l'on veut s'en convaincre, on peut aussi se référer à la productivité globale, qui synthétise la productivité du capital et du travail. La périphérie n'a pas, répétons-le, de moteur de croissance endogène.

Bref, la machine à diverger est toujours là. Passé l'épisode positif pour tous de la décrue de l'euro et des prix des matières premières, et du rebond mécanique de la croissance après le sur ajustement de la crise, il est à craindre qu'elle réimprime sa marque sur la dynamique européenne. Et la seule chose que propose in fine l'Europe aux pays retardataires, c'est de maintenir leur rang et de rester des zones de faibles coûts qu'internalise le cœur industriel de l'Europe.

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Commentaires 5
à écrit le 07/06/2016 à 21:52
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Quand le Sud n'en pourra plus, le Nord continuera-t-il à se pavaner dans sa morgue froide ? L'Euro en crèvera, de cet égoïsme érigé en principe moral impératif. Ce principe, c'est l'illusion de l'économie coupée de la politique.

à écrit le 07/06/2016 à 14:55
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L'€uros n'a rien a craindre, personne ne veut revenir a son ancienne monnaie et les taux d'interet et d'emprunt qui vont avec, ce qui ferait respirer l'Europe c'est une augmentation du smic de misère allemand (8€50 brut/h) et l'arret des déficits pub...

le 07/06/2016 à 18:39
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Les prix de l'immobilier ont commencés à exploser avec la baisse des taux, depuis 1998 et le commencement de la mise en place de l'euro. Payer 2.5 fois plus cher le même bien immobilier qu'il y a 18 ans avec des taux 2 fois plus bas, c'est juste inté...

le 07/06/2016 à 22:19
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Bonsoir, En mars 1789, personne n'imaginait la suite. En mars 1870, personne ne pensait que .... en mars 1939, on n'imaginait pas la suite de l'année, en mars 40, non plus, en mars 1969, personne n'imaginait le changement de Président, en mars 1...

le 08/06/2016 à 8:26
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Le capital immobilier des propriétaires a doublé et ils ne veulent pas le perdre, le chomage l'inflation les taux d'interet qui grimpe c'était le temps du franc aussi, maintenant c'est la stabilité dans un monde instable et ça on ne peut pas le renie...

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