Vers les "smart cities"

Certaines villes européennes comme Barcelone ou Mannheim, ont déjà pris des initiatives en matière de "ville intelligente" et sont sur la voie de la numérisation. L'Allemagne de son côté a depuis longtemps investi dans les savoir-faire numériques industriels. Et la France? Par Bruno Alomar, économiste, ancien membre du cabinet du Commissaire européen à l'énergie

Qu'y a-t-il de commun entre les producteurs d'énergie, les gestionnaires de réseau de transport, et les plateformes en ligne et fournisseurs d'accès internet ? Les villes intelligentes ou smart cities ! Leur développement est porteur d'enjeux fondamentaux et ce, à plusieurs niveaux.

Au niveau mondial, rien ne semble en effet pouvoir interrompre le développement amorcé et parfois anarchique de mégalopoles plus ou moins tentaculaires, en particulier dans les régions à forte croissance d'Asie, d'Amérique latine ou d'Afrique. D'environ 50% aujourd'hui, la part de la population urbaine dans la population mondiale atteindra 75% d'ici à 2050. Ce développement urbain charrie évidemment son lot de difficultés en termes d'énergie, d'habitat, de sécurité.

Urbanisation galopante

En Europe également, la tendance est à une urbanisation importante et à l'adaptation des villes aux nouvelles réalités. Pour faire face à cette croissance tendancielle de la population urbaine, les villes sont obligées d'adapter leur offre de services aux réalités du XXIe siècle. Jusqu'à présent, les modifications dans les régimes urbains ont eu lieu à la marge (tri sélectif, retour des tramways, etc.).

La révolution urbaine qui s'esquisse sous nos yeux est d'une toute autre ampleur. Pour faire face aux impératifs d'une gestion plus harmonieuse des ressources dans un monde soumis aux aléas climatiques et à la raréfaction, cette révolution de l'urbanité porte un nom : la numérisation.

Défi territorial

Il s'agit ainsi d'allier la numérisation et la gestion des systèmes de données de type big data avec les services traditionnels des agrégats urbains (électricité, eau, déchets, transports, chauffage, etc.) pour délivrer au plus près les services nécessaires. La gestion des réseaux superposés de ces services doit être maintenant interconnectée pour éviter les gaspillages, mais aussi offrir de meilleures prestations aux habitants (propreté, sécurité, efficience). L'irruption de nouvelles habitudes et de nouvelles technologies - les voitures électriques voire dans un futur pas si lointain, les voitures autonomes - doit être pensée en amont (bornes de recharge, système de gestion du trafic urbain, péages, stationnement, etc.).

La transformation des villes traditionnelles en villes connectées est ainsi un véritable défi territorial qui doit être pensé à plusieurs niveaux.

Il s'agit en premier lieu d'un enjeu de politiques publiques. Les municipalités et établissement publics municipaux sont évidemment en première ligne : c'est au niveau des réseaux locaux que la première pierre est posée. Le niveau national n'est cependant pas en reste : l'intégration de plus d'énergies renouvelables dans les mix énergétiques est largement pensée au niveau national et la mise en place de nouvelles normes technologiques unifiées, nécessaires à l'incorporation de toutes les technologies dans un système unique, se décide à un niveau plus macro que celui des conseils municipaux. L'Europe, pour sa part, soutient financièrement les projets de smart cities au travers du 7em Programme-cadre de recherche et développement technologique de la Commission Européenne 2014-2020 (PCRD).

Enjeu pour les entreprises

Il s'agit en second lieu d'un important enjeu entrepreneurial. Le développement des smart cities est à l'évidence un enjeu considérable pour les entreprises. C'est le cas des entreprises de services aux collectivités, domaine dans lequel la France disposent d'atouts non-négligeables (EDF, Engie, Suez, Veolia, etc.). Les acteurs des réseaux énergétiques (RTE, Enedis), sont également au cœur de ces enjeux. Que l'on songe ici au déploiement du smart grid français, dont la première brique technologique est le compteur Linky, prévu pour être intégralement déployé d'ici à 2021 en Métropole.

En définitive, la France est à la croisée des chemins. Certaines villes européennes comme Barcelone ou Mannheim, ont déjà pris des initiatives et sont sur la voie de la numérisation, soutenues par les fonds européens. L'Allemagne de son côté a depuis longtemps investi dans les savoir-faire numériques industriels et les systèmes Siemens de gestion automatisée se retrouvent dans tous les secteurs. Le défi de la défense de l'environnement, n'en déplaise à certains, est loin d'être incompatible avec la promotion des entreprises ; rien ne pouvant se faire sans elles. La France, s'appuyant sur son énergie nucléaire, a depuis longtemps une position de pays vertueux en Europe, combinant faiblesses émissions de gaz à effet de serre et prix raisonnables de l'électricité pour les particuliers. La poursuite de ce modèle passe aujourd'hui par la transformation numérique de nos villes.

Bruno Alomar, économiste, est ancien membre du cabinet du Commissaire européen à l'énergie

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