Vers un marché unique du digital en Europe ?

L'Europe a été à la pointe de la mondialisation au XXe siècle. Elle doit maintenant s'adapter au plus vite pour rester compétitive dans cette nouvelle ère du numérique.

Alimentée depuis les années 1990 par la croissance rapide du commerce et des flux financiers internationaux, la mondialisation semblait une machine lancée à pleine vitesse. À ce titre, l'Europe représentait le symbole de ces économies capables de se projeter bien au-delà des frontières nationales. Le paysage se présente aujourd'hui sous un jour bien différent : les moteurs historiques de la mondialisation s'essoufflent, et les États membres de l'UE continuent de se heurter à des barrières au sein même de l'espace communautaire.

En dépit du net ralentissement des échanges mondiaux de marchandises et surtout des flux transfrontaliers de capitaux consécutifs à la crise, rien ne permet d'annoncer une panne de la mondialisation. Le changement à l'oeuvre est en réalité une évolution profonde de la nature de la mondialisation, qui est entrée de plain-pied dans l'ère numérique.

Selon les estimations du McKinsey Global Institute (MGI), 211 téraoctets de données traversent les frontières chaque seconde, ce qui représente 8.500 fois l'intégralité des contenus de Wikipédia. Ces volumes de données ont été multipliés par 45 au cours des dix dernières années, et nous anticipons qu'ils seront à nouveau multipliés par 9 d'ici à 2020.

Internet densifie, fluidifie et accélère les connexions entre les économies mondiales : la moitié des services échangés dans le monde sont d'ores et déjà numériques, tandis que 12% des transactions transfrontalières de biens de consommation se font à travers des plateformes digitales. De même, Skype totalise aujourd'hui 46% des communications internationales.

Vers la « démocratisation » de la mondialisation

La mondialisation, qui constituait autrefois une opportunité essentiellement pour les multinationales, peut désormais bénéficier à des acteurs de toutes tailles : des dizaines de millions d'entreprises petites et moyennes se trouvent connectées au marché mondial, notamment grâce aux plateformes numériques comme Alibaba et Amazon.

Le nombre de TPE et PME présentes sur Facebook est passé de 25 millions en 2013 à 40 millions aujourd'hui. Dans la plupart des pays, près de la totalité des vendeurs sur eBay exportent, alors que seule une PME sur dix parvient à exporter via des canaux physiques. Internet permet aux acteurs, même de petite taille, d'élargir leur portée géographique bien au-delà de leurs périmètres géographiques existants : où qu'ils se trouvent, acheteurs et vendeurs ne sont plus séparés que par quelques clics. Mais les flux numériques ne se limitent pas aux transactions : ils incluent également les informations, la connaissance et la communication.

Rio Tinto, par exemple, transmet en permanence des données collectées dans ses mines, ses usines de transformation et auprès de sa flotte de véhicules, à des « centres d'excellence » basés en Australie, où des analystes suivent l'évolution de l'efficacité opérationnelle en temps réel et sont capables d'anticiper et de prévenir d'éventuels ralentissements de la production. Des géants de l'énergie comme BP ou Shell utilisent les technologies de l'Internet des objets afin d'optimiser et affiner leurs outils d'exploration et de surveillance de la production de leurs puits dans le monde entier.

Les pays européens en perte de vitesse

De récents travaux de recherche du McKinsey Global Institute établissent qu'au cours de la dernière décennie, l'ensemble des flux échangés dans le monde a représenté un surcroît de croissance du PIB mondial de 10,1%. Pour la seule année 2014, cette valeur s'est élevée à 7.800 milliards de dollars. À eux seuls, les flux de données ont représenté des milliards de dollars, contribuant désormais plus fortement à la croissance du PIB mondial que les exportations de biens physiques.

L'Europe pourrait encore fortement renforcer sa connectivité mondiale et, partant, dynamiser ses économies. En effet, les pays de l'UE occupent 19 des 25 premières places du classement de l'indice de connectivité numérique développé par le McKinsey Global Institute, qui mesure leur contribution aux flux transfrontaliers de données. Mais en dehors des Pays-Bas, les autres pays européens ont en effet perdu du terrain.

En dépit de ses infrastructures numériques, l'Europe ne lutte pas encore à armes égales avec les États-Unis dans le domaine de la production de contenus, du développement de plateformes majeures, ou comme incubateur de champions mondiaux du digital.

Elle ne peut non plus se prévaloir du dynamisme asiatique : Hong Kong est devenu un hub majeur de transit des données entre l'Asie, l'Europe, l'Australie et les États-Unis, tandis que plus de 18% des échanges en Chine ont lieu sur des plateformes numériques, soit environ le double des chiffres européens. Dans leurs transactions, les Chinois ont adopté les usages mobiles à un rythme bien plus soutenu que les Européens ou même les Américains.

Des opportunités, mais... le temps presse !

Au sein même de l'Europe, les opportunités d'intensifier le commerce électronique transfrontalier demeurent considérables. Aujourd'hui, seuls 15 % des consommateurs de l'UE font des achats en ligne en provenance d'autres États membres, freinés par un déficit de confiance, de praticité et par des frais de livraison encore élevés, et seules 7 % des PME européennes vendent hors de leurs frontières.

À travers le projet de marché unique numérique, la Commission européenne souhaite renforcer la protection du consommateur, harmoniser et améliorer la logistique, et simplifier la gestion de la TVA. Elle propose également de mettre fin au blocage de l'utilisation de sites Internet en fonction de la localisation des utilisateurs, de mieux intégrer les réseaux à très haut débit, et de faire converger les réglementations sur la protection de la vie privée et de la sécurité informatique, qui représentent autant de chantiers prioritaires.

Le temps presse pour donner corps à ce marché unique du digital : les entreprises doivent s'insérer au plus vite dans les nouveaux écosystèmes numériques mondiaux, non seulement en matière d'e-commerce, mais aussi s'agissant des flux de données de R&D. Dans ce contexte se pose également la question de l'émergence de puissantes plateformes européennes.

L'Europe a été à la pointe de la mondialisation au xxe siècle. Mais elle doit s'adapter au plus vite pour rester compétitive dans cette nouvelle ère de mondialisation numérique. Les États membres de l'UE se doivent d'adopter sans tarder une perspective globale et concertée sur le cyberespace.

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Commentaires 2
à écrit le 04/07/2016 à 10:39
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Pour la 14ème fois en moins d'une semaine et sur plusieurs articles : on traduit le "digital" anglais par NU-ME-Ri-QUE en français. Sinon, cela signifie que vous parlez du marché unique du... doigt... Merci d'apporter la nécessaire correction :...

à écrit le 03/07/2016 à 19:51
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Les blocages de site par pays sont le fruit des mesures sécuritaires (terrorisme + pédophilie) et des protections des droits d'auteur ou de diffusion. Ces blocages sont illusoires car ils peuvent être contournés aisément par les réseaux privés virtue...

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