Zéro papier : au-delà des discours, la nécessité d'une vraie vision

Pour les entreprises, la dématérialisation des données serait devenue un gage d'efficacité. Avant de se précipiter, il serait préférable de réfléchir afin d'adopter une stratégie et établir un modèle durable et pérenne. Par Serge Galofaro, CEO d’Axiomtec Software SA et expert en processus et organisation.
Le « paperless » aiguise les appétits, proposant des gains d'économie, d'efficacité et de temps qui feraient rêver n'importe quel directeur financier. 300% d'augmentation du retour sur investissement, 50% de rentabilité supplémentaire... Certains acteurs ne cachent pas leur enthousiasme face à cette montée en puissance de la démarche du « tout numérique ».
Le « paperless » aiguise les appétits, proposant des gains d'économie, d'efficacité et de temps qui feraient rêver n'importe quel directeur financier. 300% d'augmentation du retour sur investissement, 50% de rentabilité supplémentaire... Certains acteurs ne cachent pas leur enthousiasme face à cette montée en puissance de la démarche du « tout numérique ». (Crédits : Reuters)

L'efficacité de la gestion des données en entreprises concerne en priorité les directions juridiques, les DSI et, bien entendu, les dirigeants eux-mêmes. Confronté à un contexte légal mouvant, la digitalisation des données est devenue un enjeu stratégique. Ce n'est pas pour rien que la « data gouvernance » a été élue au rang de premier facteur d'inquiétudes des directeurs juridiques, avec la cybersécurité, par le Chief Legal Officer Survey de 2018.

Dans ce nouveau monde gouverné par les data, la dématérialisation des données comme parangon de l'efficacité s'est donc confortablement installée. Dans ces conditions, le « paperless » aiguise les appétits, proposant des gains d'économie, d'efficacité et de temps qui feraient rêver n'importe quel directeur financier. 300% d'augmentation du retour sur investissement, 50% de rentabilité supplémentaire... Certains acteurs ne cachent pas leur enthousiasme face à cette montée en puissance de la démarche du « tout numérique ».

Les acteurs du juridique s'en réjouissent

Mais ce sont principalement les acteurs du juridique qui s'en réjouissent. Les notaires, par exemple, sont sur le pont de la dématérialisation : sur 3,8 millions d'actes authentiques en 2016, 45 % l'ont été électroniquement. Fin 2017, sont également apparues des conférences au titre particulièrement dithyrambiques, à l'image de ce colloque qui a réuni plus de 200 personnes à Edimbourg : « Notariat du XXIe siècle : Enfin le zéro papier ? ».

Pour autant, si la démarche d'une réduction du papier s'entend pour certaines professions, qu'en est-t-il réellement au niveau d'une entreprise ? Car prendre la voie d'une numérisation complète (ardue) ou partielle (plus crédible) est synonyme de gain de temps et de rentabilité, elle pose en creux de nombreuses questions d'ordre stratégique. Tous les domaines d'activité sont-ils concernés ? N'y a-t-il pas des types de documents pour lesquels cette digitalisation nécessite un traitement spécifique ?

Un besoin croissant de traçabilité et de confidentialité

Il s'agit d'une interrogation essentielle pour toutes les entreprises amenées à gérer plusieurs natures de documents, en particulier juridiques : on pense notamment aux baux immobiliers, aux contrats ou aux procès-verbaux. Chacun s'accompagne d'un besoin croissant de traçabilité et de confidentialité, qui, s'il est consistant avec une démarche zéro papier, doit être effectuée dans certaines règles de l'art.

Cette numérisation suppose au moins trois choses. La première, c'est la conformité, par le biais de la mise en place d'une signature numérique attestant de l'authenticité d'un document original. En Suisse, on peut citer l'exemple du SwissID, un dispositif assurant la non altération d'un document original, mais qui n'est néanmoins pas aisément accessible à tous. En France, depuis mai et novembre 2017, des normes de conformité très strictes (NFZ 42-013 et NFZ 42-026) permettent l'élaboration d'un document officiel, agissant comme une preuve numérique.

Protéger son entreprise

La seconde, c'est la sécurité. Car, comme l'ont illustré de nombreuses cyberattaques, la sécurisation des données implique la mise en place d'un système robuste aussi bien au niveau du stockage que de la gestion des transactions, pour protéger son entreprise et son patrimoine.

Enfin, la dernière est certainement le besoin en traçabilité, avec la possibilité de remonter dans le temps et donc de procéder à un véritable archivage numérique.

Tout cela doit être fait dans des conditions de confidentialité et de facilité d'usage qui permettent de garantir aux entreprises le contrôle, le stockage et la maîtrise sur leurs données.

Mes données m'appartiennent ?

La question du stockage des données reste essentielle. Si le système est intégré à l'infrastructure de la société, il y a une certaine maîtrise du lieu de stockage des données. Cependant, lorsque l'on fait appel à un prestataire externe, il est essentiel de se renseigner sur le(s) lieu(x) de stockage et de traitement des données, car selon le lieu de stockage, on peut être soumis à une législation locale et se voir spolié de la propriété de ses propres données.

Une fois ces prérequis établis, l'entreprise doit alors penser à la migration. Si des PME ou encore des start-up peuvent se tourner vers la démarche zéro papier avec une relative flexibilité, il n'en va pas de même pour les entreprises intermédiaires ou les grands groupes. A première vue, la question qu'un dirigeant d'entreprise serait tenté de se poser est celle du sous-traitant. Vers qui se tourner ? Car en effet, si les entreprises fleurissent sur un créneau porteur, rares sont celles qui assurent authentification, sécurité et traçabilité dans une prestation globale. La France compte quelques champions, à l'image de DiliTrust, leader de la gouvernance d'entreprise qui a rapidement pris le train de la numérisation en marche. Pour autant se précipiter vers une migration, est-ce vraiment la marche à suivre ? Car avant même de se laisser tenter par l'aventure du paperless, une stratégie et une vision restent nécessaires. Les technologies restent des outils pour satisfaire des besoins formalisés et aucunement une raison de faire les choses à proprement parler. De plus, il n'y a pas un modèle de gouvernance des données, mais plusieurs.

Dépasser la situation empirique

Il est donc urgent que les organes de direction et les instances officielles se posent les bonnes questions et se coordonnent : quelle est la liste de documents à conserver en version papier - si tant est qu'elle peut être définie ? De quels types et pour quels usages ? Quels documents seront numérisés, pourquoi et comment les compartimenter ?

Il est essentiel de dépasser cette situation empirique pour se mettre d'accord sur des ontologies et des typologies de documents qui devront, malgré leur dématérialisation, être constamment accessibles.

C'est également l'occasion de repenser et valider l'ensemble des processus qui accompagnent le parcours d'une entreprise, tout au long de son existence.

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Commentaires 5
à écrit le 18/03/2018 à 13:38
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En tous cas l'administration française s'y refuse au maximum. Les énarques sont perdus sans leurs secrétaires présentant des signataires à 20h .La signature électronique pourtant réglementaire leur fait peur , ils ont l'impression que tout leur échap...

à écrit le 18/03/2018 à 8:18
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Dans le cas des tiers- déclarations en ligne , obligation ( normal) d’informer les personnes, pour mieux lutter contre les fausses déclarations. Ok pour les banques. Mais les autres ( entreprises) qui font des déclarations sur x y ou z ? L’état a ...

à écrit le 17/03/2018 à 14:56
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C'est l’excès de données inutiles qui pollue et, sa conservation! C'est toujours le même problème, plus il y a de place et plus on entasse de m....!

le 18/03/2018 à 13:41
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J'ai travaillé dans un service de l'état où l'informatique a multiplié par dix la production de papier, au point de ne plus avoir de place pour archiver les documents.

à écrit le 16/03/2018 à 18:36
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J'ai lu comme argument "La sécurité" je me suis arrêté là. Mais qu'est ce qui faut pas lire... En gros vous dites qu'il y a le risque (énorme, même les agences américaines se font pirater alors une boite...) du piratage informatique donc faut pas...

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