Strasbourg déroule le tapis rouge pour les start-up techmeds

Les pépinières d'entreprises spécialisées se multiplient, en plein centre de l'agglomération strasbourgeoise, au bénéfice d'inventeurs d'équipements médicaux et des sciences de la vie. La collectivité investit aux côtés des industriels pour s'inscrire, au niveau mondial, parmi les pôles d'excellence.
Ces anciens haras, ensemble patrimonial classé du XVIIIe siècle réaménagé en hôtel d'entreprises, accueilleront dès le mois d'octobre les chirurgiens de passage à Strasbourg, stagiaires de l'Institut de recherche contre les cancers de l'appareil digestif (Ircad). / DR

Les chirurgiens sont invités à dîner dans l'Écurie royale ! Le chantier de réhabilitation des anciens haras de Strasbourg, ensemble patrimonial classé du XVIIIe siècle, est en voie d'achèvement. Sur 8 000 m2, dans cet écrin en pierres de taille et à portée de vue de la cathédrale, les inventeurs viendront dès le mois d'octobre développer des start-up « techmeds ».

L'aile gauche du haras, un ancien manège équestre, sera aménagée en hôtel d'entreprises, un biocluster prévu pour accueillir une vingtaine de PME. Au centre, derrière une façade en pierres de taille, les praticiens franchiront un portail monumental pour se restaurer et se reposer dans un environnement luxueux, décoré de cuir sellier et de bois. En cuisine, le chef étoilé Marc Haeberlin animera une brasserie de 160 places. Cinquante-cinq chambres d'un hôtel 4 étoiles accueilleront les chirurgiens de passage à Strasbourg, stagiaires de l'Institut de recherche contre les cancers de l'appareil digestif (Ircad).

Transformer en business les acquis universitaires

Ce projet à 25 millions d'euros, financé par l'Ircad sur fonds privés et par endettement, doit beaucoup au soutien politique de la collectivité. « Grâce à cet institut, on a la chance d'être en avance dans la recherche médicale, reconnaît Roland Ries, sénateur et maire (PS) de Strasbourg. Il y a 4 000 chirurgiens de haut niveau qui viennent chaque année se former aux techniques de chirurgie mini-invasive. Ces gens-là, on ne les fait pas dormir dans un deux-étoiles ! »

Craignant de voir l'Ircad se développer dans des filiales à Taïwan et à São Paulo, au détriment de Strasbourg, Roland Ries a écarté toutes les propositions concurrentes de réaffectation des haras, à l'abandon depuis plus de dix ans.
Des défenseurs du patrimoine se sont élevés contre cette privatisation. Des amateurs de chevaux et de poneys rêvaient de réintroduire des clubs d'équitation en centre-ville. L'Ircad, porteur d'un projet de développement économique en ligne avec les stratégies d'innovation des collectivités, proposait d'encaisser une partie des bénéfices de l'hôtel et du restaurant pour rembourser son emprunt. Banco : Roland Ries a accordé un bail emphytéotique de cinquante-deux ans à l'institut de recherche. « L'enjeu est d'assurer la traduction économique de ce développement universitaire largement reconnu, comme en témoigne le prix Nobel de médecine obtenu par Jules Hoffmann en 2011 », explique le maire. Le chirurgien et fondateur de l'Ircad, Jacques Marescaux promet 150 emplois, dès l'ouverture en octobre.

Fourni par les spécialistes allemands Karl Storz et Siemens en équipements hybrides pour des opérations robotisées mini-invasives et guidées par l'image, l'Ircad est devenue la référence mondiale dans les développements high-tech de la chirurgie laparoscopique, une spécialité née en France, déjà, en 1988. Jacques Marescaux veut faire éclore à Strasbourg des nuées de jeunes champions, comme Insimo, start-up incubée à l'hôpital, porteuse d'un projet de simulation du corps humain en 3D, ou Protip, inventeur strasbourgeois d'un larynx artificiel en titane poreux.

Les jeunes pousses jouxteront des géants

À quelques centaines de mètres des haras, sur le site de l'hôpital civil, le chirurgien-businessman porte depuis avril 2011 le projet de l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) dédié à la chirurgie mini-invasive guidée par l'image.
Ce bâtiment, une construction neuve sur 10 500 m2 (26 millions d'euros de financements publics), sera prêt en 2015, doté par Karl Storz et Siemens de sept salles d'opération expérimentales. Un étage sera réservé à l'hébergement de trente autres start-up. « Les jeunes pousses vont se retrouver parmi des géants. Quand un projet est bon, il ne rencontre pas de problème de financement », estime Jacques Marescaux, écartant les critiques récurrentes sur la faiblesse des structures de capital-développement en Alsace.

Des fonds régionaux consolidés

Le volet financier de l'accompagnement des start-up biotech et médicales posait en effet un problème dans la région, malgré la labellisation en 2005 du pôle de compétitivité « Innovations thérapeutiques », devenu « Alsace Biovalley », et ses 2 000 emplois déjà créés. La Sodiv, société de diversification de l'ex-bassin potassique dans la périphérie de Mulhouse, et le fonds régional Alsace Création n'ont jamais investi massivement dans ce secteur jugé trop risqué.

La création en 2011 de Conectus, structure de maturation et de valorisation au sein des universités, pose de nouvelles bases dans le financement de l'innovation. « La santé, dans nos opérations, représente les deux tiers des brevets, contrats et licences, calcule Nicolas Carboni, président de Conectus. La faille entre la recherche publique et l'entreprise va être comblée à la fin de 2013 avec la restructuration et la consolidation de différents fonds régionaux d'innovation, autour d'une structure de gestion dédiée. »

Pour éviter l'embouteillage à la sortie des labos, la ville de Strasbourg participe à la création d'autres lieux d'accueil des startup. Le bâtiment pH8, un immeuble loué précédemment à l'École nationale d'administration, a été requalifié en pépinière d'entreprises, pour 1 million d'euros, divisé en cellules d'une vingtaine de mètres carrés occupées par des jeunes pousses techmed et des sociétés de recherche.

Cet hiver, la communauté urbaine a négocié le rachat, pour 18 millions d'euros, d'une friche médicale, sur trois hectares, dans l'enceinte des hôpitaux universitaires. En 2017, elle promet d'y construire un technoparc qui offrira, à terme, 30 000 m2 à des centres de recherche dans les technologies médicales.
« Quand les créateurs ne sont pas accompagnés, ils peuvent être aspirés ailleurs. Le danger, c'est la fuite des cerveaux. Il faut se battre pour les garder », martèle Roland Ries.

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Commentaire 1
à écrit le 08/06/2013 à 21:07
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Strasbourg tient enfin la bonne stratégie sur ce secteur porteur. Cette ville est jumelée avec Boston, un grand centre biotech/médical (ne pas oublier la présence d' Harvard à proximité) sans oublier la proximité/alliance avec la région de Bâle dans...

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