Heineken recycle sa friche brassicole dans l'immobilier

Le brasseur veut vendre l'ancien site industriel Fischer à un promoteur immobilier. Les collectivités entendent prélever une partie de la transaction pour financer des équipements publics.
Le site à requalifier comprend plusieurs hangars et bâtiments industriels des années cinquante, qui seront détruits. Il comprend aussi une remarquable malterie, bâtiment massif construit en 1912, que l'élu souhaite conserver pour des raisons patrimoniales.

Heineken a annoncé le 5 mars son projet de cession de la friche (4,35 hectares) de l'ex-brasserie Fischer à Schiltigheim (Bas-Rhin) au profit d'un promoteur immobilier qui pourra y construire jusqu'à 34.000 mètres carrés de logements. La mairie de Schiltigheim, qui a établi ce cahier des charges pour le repreneur, promet de modifier son plan d'occupation des sols afin de rendre le site constructible, en échange d'une taxe locale de 10 % prélevée sur les ventes à l'occupant final. Cette taxe d'aménagement, dont la recette sera partagée entre l'Eurométropole de Strasbourg et la commune de Schiltigheim, permettra de construire une école sur le site. Le cahier des charges prévoit aussi 10.000 mètres carrés de commerces, des activités de loisirs et des voiries vertes.


Naissance d'un nouveau quartier

Heineken a sélectionné six aménageurs potentiels et les a mis en compétition jusqu'au 30 juin. Bouygues, Adim (Vinci), Altarea Cogedim Est, Alprim (Sogeprom), Icade (Caisse des Dépôts) et BPD Marignan soumettront leurs projets, assortis d'une proposition de rachat du terrain. Les bâtiments en friches ont été pillés, partiellement incendiés, parfois utilisés par des artistes urbains. Le site a cessé sa production brassicole en 2009. La fermeture de la brasserie Fischer avait entraîné la suppression de 126 postes.

« La page du Schiltigheim industriel est tournée. Il nous appartient d'en écrire une autre », annonce Jean-Marie Kutner, maire (UDI) de Schiltigheim. « Ce projet va donner naissance à un nouveau quartier, idéalement situé à un kilomètre de la gare TGV de Strasbourg. Les travaux pourront démarrer au quatrième trimestre 2016 », annonce l'élu. Le site à requalifier comprend plusieurs hangars et bâtiments industriels des années cinquante, qui seront détruits. Il comprend aussi une remarquable malterie, bâtiment massif construit en 1912, que l'élu souhaite conserver pour des raisons patrimoniales.

LE PRIX REVU À LA BAISSE ?

L'aménageur aura fort à faire dans ce secteur dédié historiquement à la brasserie, truffé de caves et de galeries, et dont le bâti et le sous-sol pourraient s'avérer problématiques en phase de démolition. Heineken, qui entend valoriser son actif patrimonial, risque d'être confronté à des négociations à la baisse pour cause de nécessaire dépollution. « Nous n'avons pas établi de prix de vente minimal », reconnaît Pascal Sabrié, président d'Heineken France.

Jean-Marie Kutner, qui entame son premier grand chantier d'urbanisme dans la troisième commune de l'agglomération strasbourgeoise (31 600 habitants), a déjà négocié la rétrocession de 5.200 mètres carrés de friche réhabilitée. « En 2018, tout sera inauguré », prévoit-il, optimiste.

« Pour maximiser la recette de la taxe d'aménagement, nous avons intérêt à retenir un aménageur ambitieux sur le prix des logements. L'école mobilisera à elle seule entre 5 et 6 millions d'euros. Elle ne devra pas coûter un centime aux finances publiques », propose Jean-Marie Kutner.

Le marché local de l'immobilier ne permettra pas à l'opérateur retenu par Heineken de vendre des logements au prix fort sur ce site d'entrée de ville, bordé par un échangeur autoroutier. Les prix dans la promotion immobilière haut de gamme se sont envolés depuis trois ans à Strasbourg, dépassant pour la première fois 5.000 euros au mètre carré sur des opérations de prestige en centre-ville ou dans le quartier en vogue des Docks Malraux. A Schiltigheim, ancienne banlieue industrielle, Jean-Marie Kutner reconnaît que la demande porte davantage sur de l'accession à la propriété, autour de 2.500 euros du mètre carré. Un cahier des charges que les promoteurs auront du mal à respecter, pour cause de charges foncières.


Tourner la page

En renonçant à cet emblème de son patrimoine industriel, Schiltigheim tourne une page supplémentaire de son passé brassicole. La commune, qui comptait encore quatre grandes brasseries dans les années 1990 (Fischer, Adelshoffen, Heineken/L'Espérance, Schutzenberger), n'en abrite plus qu'une. Adelshoffen, rachetée par Heineken, a fermé en 2000. Schutzenberger, indépendant, a déposé le bilan en 2005. Marie-Lorraine Muller, propriétaire de la marque Schutzenberger, entend relancer la production sous forme artisanale en 2016, après une décennie de déboires judiciaires et financiers.

Heineken reste présent avec 190 salariés sur le site de l'Espérance (13 hectares), totalement enclavé dans le centre de cette commune dont la densité de population (4.400 habitants au kilomètre carré) tolère peu d'activités industrielles. D'autres industriels (Caddie, Istra) sont également partis. Pascal Sabrié promet qu'Heineken n'a aucune intention de fermer son dernier site alsacien, qui produit 1,1 million d'hectolitres par an, et annonce 10 millions d'euros d'investissement sur les prochaines années.

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