Hollywood investit massivement en Île-de-France et les Français vont produire à l'étranger.

L'Île-de-France c'est 90% des emplois du cinéma français. La croissance est revenue, les coproductions internationales explosent, mais les délocalisations massives de productions françaises comme Astérix et le dumping fiscal belge assombrissent le paysage.
Le Lorax s'annonce comme le prochain carton d'Universal et Mac Guff

En décembre 2012, la liquidation du laboratoire photo chimique LTC a ému tous les producteurs  de cinéma français . Ils sont même allés demander à Nicolas Sarkozy d'intervenir pour les films dont la sortie était menacée (dont surtout «La Vérité si je mens 3»). Dans le même temps, sur l'année 2011, les studios français de prestation numérique à forte valeur ajoutée (effets spéciaux, relief, 3D) ont créé plus d'emplois que LTC en a détruits. Passage d'une technologie à l'autre, la théorie de la destruction créatrice d'emplois de Joseph Schumpeter en temps réel! Parmi les créateurs d'emploi, Mac Guff. La firme du 15ème arrondissement de Paris a vu sa masse salariale exploser de 61% en un an. Certaines de ses productions comme «Moi, moche et méchant» ont amassé  plus de 500 millions de dollars de recettes dans le monde. La dernière «The Lorax» a, elle, domine le marché américain en mars ( près de 200 millions de dollars) et remboursé en un week end, ses coûts de production. Du coup «Moi, moche et méchant 2» est déjà en tournage et The Lorax 2 suivra probablement. Mac Guff est l'une des sociétés d'animation qui, avec Buf («Un monstre à Paris») et Mikros (la pub Dior avec Charlize Theron à Versailles) ont transformé Paris en capitale mondiale de l'animation, du relief et de la 3D.

Universal a préféré Paris à Bollywood

«Moi, Moche et Méchant» c'est 300 ou 350 personnes embauchées pour un budget de 20 millions, explique l'un des fondateurs de Mac Guff, Philippe Sonrier. Pratiquement tous sont intermittents. C'est l'une des forces de Paris : être capable, sur un projet, de mobiliser des centaines de personnes sortant d'écoles d'excellence, avec un talent de créateur. Chez nos concurrents, en Inde par exemple, les salaires sont moins élevés, mais le travail est hyper taylorisé sans véritable ajout créatif. La facilité des français à s'adapter, leur souplesse, c'est leur force. Le plus dur pour nous a été d'encaisser le modèle américain lorsqu' Universal nous a passé ses premières commandes. On est entré dans des processus industriels extrêmement fouillés avec une dizaine de cost trackers à demeure. La puissance de feu des américains est énorme, ils veulent tout contrôler, mais, bon, on s'y fait». Mais c'est réussi. En fait c'est même une première dans l'histoire d'Hollywood : le pays de Walt Dysney confie la quasi totalité de ses films d'animation, en relief ou non, à l'étranger. Et pour l'instant c'est l'Ile de France qui tire les marrons du feu. Et il y a clairement eu une stratégique de l'Etat et du Conseil régional d'Ile de France qui, depuis des années, a compris que d'un côté les emplois dans les labos photochimiques (LTC en est le meilleur exemple) étaient condamnés, et que, de l'autre, « l'éco-système francilien avec ces formations remarquables et reconnue comme telles, était favorable à la création de grands poles numériques à condition qu'il le soit sur le plan économique » explique Olivier René Veillon, le patron de la Commission du film d'Ile de France. Le Crédit d'impot international en 2009 a été décisif sur ce marché : la moitié des films qui en ont bénéficié depuis sont des films d'animation.  Avec le Fonds de soutien de la Région Ile de France, ils ont été déterminants.

 

La délocalisation massive d'Asterix

Mais le cinéma est en train de vivre un paradoxe étonnant : le secteur a retrouvé en 2011 la croissance perdue en 2009 (60 millions d'euros pour la seule animation) et les emplois y sont aussi nombreux qu'en 2008. La crise est résorbée mais les producteurs français n'y sont pour rien. Ce sont les étrangers qui assurent la croissance (70% d'augmentation de leurs production en Ile de France en 2011), les Français partent, eux, à l'étranger. Un exemple parfait avec «Astérix et Obelix au service de sa majesté» (60 millions d'euros à lui tout seul) qui est totalement délocalisé, en grande partie pour des raisons fiscales, le crédit d'impot international y étant non plafonné. Mac Guff en a juste tiré un budget de 1,5 million. «Les films les mieux financés du cinéma français sont ceux qui, relativement, contribuent le moins à sa croissance » soupire Olivier René Veillon. Mais il y a pire comme concurrence : la Belgique. Depuis deux ou trois ans les belges ont mis au point des Tax shelter qui, contrairement au crédit d'impot international, ne connaissent aucun plafond. «Sur une production en Belgique, explique Philippe Sonrier, les coûts peuvent baisser de 30 à 50%. On ne peut pas lutter et on est obligé d'aller nous aussi s'installer en Belgique. BUF et Mikros y sont déjà». Les Canadiens le font également, mais le pays est loin, les producteurs français hésitent. Ils connaissent déjà le chemin de Bruxelles. Les rendements pour les investisseurs sont énormes (jusqu'à 40% pour un film comme «Rien à déclarer») et les sommes levées ont dépassé les 800 millions d'euros depuis le lancement du système. La Commission Européenne juge pour l'instant ce dumping fiscal conforme au droit européen. Mais il est clair que le Conseil Régional d'Ile de France risque de voir s'évaporer une bonne partie des efforts financiers.

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