Grand Paris : les grands patrons agacés par trop d'incertitudes

Les grandes entreprises franciliennes sont de plus en plus agacées par l'absence d'une métropole parisienne dotée de véritables compétences pour construire le Grand Paris et stimuler le développement économique de l'Île-de-France. A tel point que certaines envisagent, face à l'incertitude francilienne, de modifier leurs stratégies d'investissements...
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Les entreprises sont irritées. »C'est dit doucement, mais fermement. Lionelle Maschino dirige la mission Métropole Grand Paris de Veolia Environnement. Et, comme la plupart de ses collègues qui travaillent sur cette thématique, elle souffre de voir le débat politique sur la métropole parisienne totalement encalminé. Bouygues, Vinci, Veolia ou Siemens, et dans une moindre mesure GDF Suez, EDF, RATP : toutes ces entreprises impliquées dans la construction et l'aménagement des villes se désolent de la piètre qualité du débat.

Le PDG de l'une de ces entreprises a même suggéré à Claude Bartolone de s'emparer du dossier de la métropole parisienne car « toutes les grandes entreprises ont besoin d'avoir enfin en face d'elles une structure avec laquelle discuter et passer des marchés ». Mais le président de l'Assemblée nationale, ferme partisan de cette métropole et de la disparition des départements de la petite ceinture, sait qu'en tant qu'élu de la Seine-Saint-Denis, département dont il a présidé le conseil général jusqu'en 2012, il sera reçu comme un chien dans un jeu de quilles. Du coup, il s'agite, mais en coulisses...

Certains groupes envisagent d'autres options stratégiques

L'assassinat de la métropole parisienne par les sénateurs n'a en fait pas été du tout apprécié par le monde patronal. Sauf que ce dernier ne peut guère intervenir publiquement pour critiquer les élus.
Comme le dit le PDG d'une entreprise du CAC"40 qui ne veut surtout pas être cité, « les politiques sont d'abord nos clients et il nous est très difficile de monter publiquement au créneau pour leur reprocher leur immobilisme ou leur passéisme, sous peine de perdre des marchés

Ce PDG, actuellement en train de restructurer son entreprise, en vient quand même à se poser des questions assez radicales : « J'ai besoin de savoir si mon entreprise va travailler dans les années qui viennent dans le cadre du Grand Paris. Surtout, j'ai besoin de connaître la dimension des projets. Nous sommes présents sur tous les marchés importants dans le monde, mais c'est en France que nous devons montrer notre savoir-faire. Or, nous ne savons absolument pas avec qui nous allons traiter, nous ignorons qui va décider, qui seront les donneurs d'ordres. Sans structure métropolitaine de décision, nous allons continuer à discuter avec des maires ou, au mieux, des présidents d'intercommunalité: des marchés sous-dimensionnés, parcellaires, compliqués et jamais le Grand Paris n'avancera! Je vais peut-être revoir certaines options stratégiques du groupe si l'Assemblée ne vote pas pour une métropole forte et intégrée! »

Une nécessaire gouvernance régionale

Pour les grandes entreprises, les seules questions qui comptent sur le Grand Paris sont: qui est le maître d'ouvrage? Y en aura-t-il au moins un? « Le projet de loi n'arrête pas de changer, explique le responsable d'une filiale francilienne d'un grand groupe de construction. Cela va de la version avec une métropole regroupant entre 6 et 8 millions d'habitants et des départements rayés de la carte, à celle composée d'un conglomérat d'intercommunalités dont on ne sait pas si elles regrouperont 300 000, 400 000 ou 500 000 habitants, en passant par le maintien du patchwork actuel avec des maires travaillant un peu chacun dans leur coin! Comment voulez-vous que je définisse une politique cohérente alors que je ne sais toujours pas si je vais devoir discuter avec un directeur de l'urbanisme d'une métropole de 8 millions d'habitants, 10, 15 ou 20 présidents d'intercommunalités ou plusieurs centaines de maires! »

Dans les grandes entreprises, l'agacement est donc manifeste. Chez Bouygues et dans le BTP, personne ne sait par exemple qui aura une compétence sur le logement. Personne ne sait même si cette compétence existera un jour. Le président de la région, Jean-Paul Huchon, avait bien proposé de créer une Autorité régionale du logement pour tenter de coordonner ou d'impulser une politique en Île-de-France. Mais cette proposition s'est fait poignarder par Bertrand Delanoë et la plupart des maires franciliens qui ne supportent pas qu'on leur enlève leurs plans locaux d'urbanisme.

Sans gouvernance, le Grand Paris se réduira à un réseau de transports

La difficulté de se loger est pourtant l'un des freins essentiels au développement économique de la métropole. Or, sur cette question, le texte du gouvernement est « sans substance», comme le dit Pierre- Antoine Gailly, le président de la CCI Paris-IDF, et personne ne sait qui va construire - ni comment - les 500 000" logements promis par François Hollande. Pierre-Antoine Gailly réclame depuis des lustres une « gouvernance unifiée à l'échelle régionale, dotée de l'ensemble des compétences, notamment dans les domaines du logement, du foncier et des transports », et il ne la voit toujours pas venir.

Il n'existe donc à ce jour aucune structure parallèle au Grand Paris Express, le futur grand réseau de transports francilien, mis en oeuvre pour le développement économique et l'aménagement de la métropole. Sans gouvernance, le Grand Paris se réduira donc à un réseau de transports.

Les lobbyistes mettent les élus sous pression

« Les entreprises franciliennes sont en train de mettre le pied sur le frein », expliquent les lobbyistes des grandes entreprises aux députés qui vont discuter un nouveau texte dans les jours qui viennent. « J'explique aux élus que les grandes entreprises sont en train de se restructurer et qu'elles gèrent leurs effectifs de manière souvent violente. Certaines se réorganisent drastiquement et, avec l'incertitude qui règne sur la question de la métropole, il est de moins en moins évident qu'elles mettent l'Île-de- France en priorité. »

Discours alarmiste? Sans doute. C'est le rôle des lobbyistes. Mais les textes sont tellement incompréhensibles ou vides que les entreprises ont du mal à planifier. Il existe même des préfets qui avouent ne rien y comprendre! « Le plus étonnant dans cette histoire, explique ce PDG qui ne souhaite pas être cité, est que personne ne consulte les entreprises dont le métier est quand même de construire et de faire fonctionner ces métropoles. Une gouvernance de métropole, cela se construit pourtant en fonction de compétences, et c'est nous qui les maîtrisons. »

Exemple : en 2012 était créé un Club des entreprises du Grand Paris. Quarante entreprises motivées regroupant tous les grands noms du BTP, de l'immobilier, de l'ingénierie, de l'architecture, de l'eau et de l'énergie. Le club existe toujours, mais il s'ennuie ferme : hormis Patrick Devedjian, président du conseil général des Hauts-de-Seine, aucun politique ne l'a consulté ou associé à quelque réflexion que ce soit.
 

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Commentaire 1
à écrit le 08/07/2013 à 22:08
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leur plus grand homme du 20ème siècle avait organisé un référendum sur la régionalisation et la fin du sénat en 1969 La réponse a été NON Drole de gens !!!! 44 années ont passées et j

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