L'Ile-de-France, un grenier à valoriser

L'association Passion Céréales, qui réunit l'ensemble des acteurs de la filière céréalière en France, organisait mercredi 12 novembre au Conseil régional d'Ile-de-France un débat sur l'avenir et les défis de la filière céréales dans la région. L'occasion de pointer du doigt la méconnaissance des franciliens d'un secteur pourtant dynamique.
Sylvain Rolland
« L'attractivité de la région vient aussi d'un grand nombre de consommateurs à proximité et d'un positionnement géographique avantageux, avec des infrastructures de transports nombreuses au carrefour de grandes régions agricoles françaises et européennes » (Marie Richard, Cervia)

La région parisienne, ses 12 millions d'habitants, ses habitations à perte de vue, son tentaculaire réseau routier et ferroviaire... et ses champs de céréales ! Les franciliens l'oublient souvent, mais le poumon économique de la France est aussi agricole.

« Alors que l'Ile-de-France est perçue comme une région urbaine, l'agriculture représente pourtant 48% du territoire hors forêts, et les céréales y occupent 63% de la surface agricole », précise Jean-François Isembert, agriculteur et délégué Passion céréales en Ile-de-France. Bien sûr, le Parisien qui ne traverse jamais le périphérique n'a guère le sentiment de vivre au milieu des champs de blé tendre, qui représentent l'essentiel de la production céréalière francilienne (67%). Et pour cause : les exploitations agricoles se trouvent surtout en périphérie, notamment dans les départements de la grande couronne.

La filière céréalière régionale compte 32.000 emplois

Le poids économique du secteur -marginal dans le PIB francilien- n'est pourtant pas négligeable. « On compte près de 5.000 exploitations agricoles, dont 3.000 qui cultivent les céréales. Un tiers des 1.300 communes de la région sont à dominante agricole », rappelle Jean-François Isembert, qui a débuté sa carrière d'agriculteur près d'Evry, dans l'Essonne. De la production à la transformation, la filière céréalière représente plus de 32.000 emplois, « soit l'équivalent des deux tiers de l'emploi dans l'industrie automobile ». Un chiffre qui prend en compte les 5.500 cultivateurs de céréales, et aussi les 26.000 salariés des industries agro-alimentaires : travail des grains, semoulerie, brasserie, fabrication d'aliments pour animaux, fabrication de pâtes, boulangerie-pâtisserie industrielle et artisanale.

Bien ancrée dans le territoire, la céréaliculture dispose de nombreux atouts. Des conditions météorologiques favorables, tout d'abord. Mais aussi une forte culture agricole, héritée du Moyen-Age. « L'attractivité de la région vient aussi d'un grand nombre de consommateurs à proximité et d'un positionnement géographique avantageux, avec des infrastructures de transports nombreuses au carrefour de grandes régions agricoles françaises et européennes », explique Marie Richard, conseillère régionale et présidente du Centre régional de valorisation et d'innovation agricole et alimentaire (Cervia) Paris Ile-de-France. Avec 15% de la production meunière nationale, la région s'impose même comme la première région meunière française, et accueille des leaders dont certains exportent à l'étranger, notamment au Maghreb.

Engouement des Franciliens et... méconnaissance

Pourtant, l'agriculture régionale manque de reconnaissance et de visibilité. Un véritable « paradoxe francilien », pour Marie Richard. Selon un sondage réalisé pour le Cervia en 2013, 98% des Franciliens sont favorables au maintien des terres agricoles en Ile-de-France, et 96% souhaitent le développement d'activités agricoles sur les terres disponibles.

Mais le décalage entre l'engouement de la population et la reconnaissance du caractère agricole de l'Ile-de-France est très important. Le signe, selon le sociologue Jean Viard, d'un problème d'identification des franciliens à leur agriculture, dû au sentiment tenace que l'agriculture et la vie urbaine appartiennent à deux sphères de vie différentes. "Contrairement aux protestants qui valorisent la terre, notre héritage culturel catholique a conduit les Français à valoriser la culture plutôt que la nature. Nous avons besoin d'un nouveau pacte entre le monde agricole et la société française. Surtout aujourd'hui où le rapport à la nature et aux saisons revient en force et où les Français aspirent à profiter des avantages de la ville dans leur vie quotidienne tout en habitant à la campagne."

Cette mauvaise cohabitation entre les modes agricoles et urbains en Ile-de-France s'explique également par certaines faiblesses du secteur. « A l'exception de la filière céréalière, complète du champ à l'assiette, la région manque d'outils de transformation dans les autres filières, notamment l'élevage. La perte des outils de transformation est énorme, ce qui ne permet pas de valoriser le travail du producteur », ajoute Marie Richard. Un chantier important pour les années à venir... Tout comme la protection des terres agricoles franciliennes, pour l'heure insuffisamment protégées contre les risques de l'urbanisation.

Des initiatives pour valoriser l'agriculture francilienne

Pour tenter d'imposer une « signature » pour les produits franciliens, le secteur se range en ordre de bataille et de nombreuses initiatives ont vu le jour ces dernières années. « Nous avons besoin de mieux communiquer sur la richesse et la qualité de nos productions et de nous adapter aux nouveaux besoins des consommateurs », explique Olivier Deseine, le directeur des Moulins de Brasseuil, également président de l'Association des meuniers d'Ile-de-France.

S'adapter, le nerf de la guerre ? « Notre secteur a pris en compte le Programme national nutrition santé (PNNS), qui expliquait que les Français consomment de moins en moins de fibres. Nous avons donc fait évoluer techniquement les blés et les moulins pour que nos farines deviennent plus riches en fibres, de manière à apporter notre pierre à l'édifice dans la nutrition des Français ».

L'agriculture durable et locale comme remède ?

Le développement, initié par le Cervia, de la marque Saveurs Paris-Ile-de-France ou Saveurs Bio, ou encore le mouvement Mangeons local en Ile-de-France, rejoint par une centaine de restaurateurs, visent aussi à promouvoir l'image de l'agriculture régionale et à valoriser les circuits courts. L'Observatoire du pain a également lancé en 2013 une campagne de communication originale, intitulée « Coucou tu as pris le pain ? », sous forme d'affiches déployées pendant plusieurs mois sur les abribus pour lutter contre la tendance qui consiste à acheter du pain de plus en plus occasionnellement.

Enfin, le Conseil régional devrait voter le 21 novembre prochain sa grande stratégie régionale pour une agriculture durable et de proximité. L'objectif : protéger les terres agricoles en fixant des limites d'urbanisation, favoriser l'installation de nouveaux agriculteurs dans la région, accentuer la transition agro-écologique de l'agriculture, et promouvoir les filières locales dans un objectif de relocalisation de la production.

Sylvain Rolland

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Commentaires 4
à écrit le 13/11/2014 à 16:59
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Pour le moment on le valorise en le bétonnant. Je crois pas que le Grand Paris et les projets à Saclay consistent à augmenter la surface agricole en île de France. Mais je dois être un Khmer vert.

à écrit le 13/11/2014 à 14:53
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A propos, le PM russe Dmitri Medvedev a déclaré hier que les contre-mesures russes en réponse aux sanctions occidentales ont des conséquences aussi bien positives que négatives pour l'économie russe. Bon, jusqu'à là…. Selon lui, les importations n...

le 13/11/2014 à 15:13
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Les grandes sociétés américaines, malgré l'annonce tambour battant qu'elles allaient quitter la Russie, restent toutefois toujours présentes dans le marché russe jusqu'à ce jour. Visa, Mastercard, Exxon, MacDonalds, toutes les banques, SWIFT…. contin...

le 13/11/2014 à 15:38
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Mille milliards d'euros ? La moitié du PIB Russe ?

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