C'est une statistique connue: Paris a perdu 53.000 habitants entre 2012 et 2017. La municipalité n'a jamais nié ces chiffres et la justifie par la diminution du taux de naissances, l'augmentation du nombre de décès, la multiplication des meublés touristiques type Airbnb et la vacance des résidences secondaires. Mais c'est aussi un fait : même si c'est l'une des priorités affichée par Anne Hidalgo pour son second mandat, le logement des classes moyennes et des familles nombreuses est le souci numéro 1 des Parisiens.
Signe de ces difficultés, dans une ville déjà très dense, le foncier disponible est une ressource rare. Et même lorsque des opérations sont envisagées par la Mairie, la densification se heurte au refus des habitants déjà installés. Dernier exemple en date : l'annulation le 8 janvier d'un permis de construire dans le 16ème arrondissement. Au 56-58 rue Erlanger sur 9.300 mètres carrés et neuf étages, le bailleur social de la Ville, Paris Habitat, veut rénover une école pour ériger une crèche associative, 55 logements sociaux, une résidence sociale, un commerce et un parking. Le tribunal administratif de Paris considère que « même si l'intention de développer une mixite sociale dans le quartier et de répondre aux besoins en crèche, en école et commerce de ses habitants est louable, la maire de Paris en autorisant ce projet, tant par sa conception, son architecture et sa densité, méconnaît les particularités du secteur ».
Accélération de la transformation des bureaux
Dans ses vœux 2021 du 13 janvier, la maire (PS) Anne Hidalgo a pourtant annoncé son intention d'accélérer la cadence pour offrir des logements aux classes moyennes. Elle a ainsi promis que la capitale « transformer[ait] des espaces de bureau en logements accessibles pour les Parisiennes et les Parisiens, parce que c'est leur première préoccupation, c'est là que naissent les difficultés ». Son premier adjoint Emmanuel Grégoire l'a d'ailleurs représentée au lancement d'une initiative en ce sens portée par des assureurs et le capital-investisseur Novaxia.
« Nous ne partons pas de rien », déclare l'adjoint (PCF) au Logement, Ian Brossat . « Entre 2014 et 2020, nous avons transformé 350.000 mètres carrés, dont un tiers pour les bailleurs sociaux, au lieu des 200.000 m² prévus. Tous les acteurs ont joué le jeu », poursuit Ian Brossat.
La Ville a notamment été aidée par l'Etat qui lui a cédé, moyennant décote, des biens immobiliers comme le siège historique du ministère de la Défense dans le très chic 7ème arrondissement, celui de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) ou celui de l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO). La crise de la Covid-19 devrait renforcer cette tendance. « Nous sommes convaincus que cette filière peut être productive dans un contexte de raréfaction du foncier et d'une tolérance à la construction neuve qui diminue », dit encore le maire-adjoint au logement.
La foncière promise par Hidalgo prend du retard
A l'inverse d'autres grandes villes comme Bordeaux, Paris « continuera à construire », promettait l'équipe d'Anne Hidalgo début 2020. « Il y a encore des potentiels de développement : Bercy-Charenton, Ordener-Poissonniers, la gare des Mines... Il ne s'agit ni de densifier à outrance ni de renoncer à construire du logement neuf, alors que les besoins sont croissants d'année en année. On ne peut pas applaudir les soignants et leur interdire d'habiter à Paris. Tout cela suppose du logement abordable et du logement social », explique Ian Brossat.
Lors de sa campagne de réélection, la maire-candidate avait en outre promis la création d'une société foncière mixte publique-privée proposant de la location à des prix abordables. Dotée d'1 milliard d'euros de la Ville, de 2 milliards d'une institution publique type Caisse des Dépôts et de 3 milliards d'acteurs privés, à l'image de Nexity, cette foncière serait en théorie en mesure en lever de 20 milliards d'euros pour « reconquérir 30.000 logements » sur le parc privé d'ici à 2026.
Sa naissance prend du retard : « nous y travaillons », assure Ian Brossat. « Anne Hidalgo en présentera les contours dans les mois à venir. La période plaide plus que jamais pour ce type de solutions. La période est rude pour les classes moyennes », continue le maire-adjoint.
Renforcement des contrôles sur l'encadrement des loyers
En attendant, conformément aux déclarations de campagne de la locataire de l'Hôtel de Ville, l'élu communiste veut renforcer le contrôle sur le respect de l'encadrement des loyers. Mis en place en 2015, annulé par la justice en 2017, avant d'être rétabli mi-2019 pour cinq ans, et depuis imité par les autres grandes villes, ce dispositif est censé contenir les sommes demandées par les propriétaires aux locataires.
En théorie, tout bailleur doit respecter trois critères - année de construction/adresse/surface - qui lui indiquent un prix par mètre carré. Il peut y déroger, à condition de spécifier les compléments, comme l'étage élevé, l'ensoleillement, la qualité architecturale... Dans la pratique, les propriétaires ne citent pas toujours ces raisons voire en inventent pour rehausser leur loyer.
Ian Brossat a donc demandé au bureau parisien de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) de procéder à des contrôles aléatoires sur les annonces immobilières. D'ici à juin, les réseaux d'agences et les trois plateformes Particulier à particulier, Le Bon Coin et Se Loger se sont ainsi engagés à élaborer, avec la Mairie de Paris et l'Etat, un outil qui permettrait d'envoyer un message automatique au bailleur qui ne respecterait pas ces règles.
Sans attendre la fin du premier semestre, la Ville publiera un baromètre pour vérifier si les réseaux d'agences et les plateformes jouent bel et bien le jeu. Du name and shame ? « Un système qui vise à créer une saine émulation », temporise l'adjoint au Logement. D'autant que depuis la loi Elan, un propriétaire qui refuse de mettre son loyer au niveau légal risque une amende pouvant aller jusqu'à 5.000 euros. Cinq ont déjà été sanctionnés par le préfet d'Ile-de-France en un peu plus de deux ans.
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