Encadrement des loyers : les bonnes raisons de l'étendre au Grand Paris

Le ministère du Logement dit réfléchir à une extension à la petite couronne francilienne de l'encadrement des loyers, qui s'applique déjà à Paris. Pas illogique à l'heure où la métropole du Grand Paris se met en place.
Mathias Thépot
Pour plus de cohérence avec Paris intramuros, il faudrait que l'ensemble des communes de la métropole du Grand Paris applique l'encadrement des loyers.

A terme, il n'y a pas qu'à Paris que l'encadrement des loyers pourrait s'appliquer. Une partie de l'Île-de-France pourrait notamment être aussi concernée. Le ministère du Logement l'a en effet indiqué il y a quelques semaines : « des travaux sont en cours » pour élargir « le bénéfice » de l'encadrement des loyers en petite couronne francilienne. Cette mesure phare de la loi pour un accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) - qui ne s'applique pour l'instant qu'à Paris - provoque pourtant l'ire des professionnels de l'immobilier, ainsi que le rejet de la classe politique de droite, mais aussi de la frange social-libéral du parti socialiste.

Crainte d'un blocage infondée

Pourtant cette mesure ne fait que limiter les abus, et redonne en conséquence du pouvoir d'achat à des locataires du secteur privé étouffés par le poids du logement dans leur budget. La crainte d'un blocage général des loyers par le biais de ce dispositif est, en fait, infondée, puisque le dispositif se contente de s'appuyer sur un « loyer de référence » par quartier et par type de bien, que les bailleurs privés ne pourront pas dépasser de plus de 20 % pour louer.

Tout de même, la communication du ministère du logement ouvre la porte à un étalement de l'application de l'encadrement des loyers aux départements limitrophes de Paris, dont le parc de logements est, comme dans la capitale, majoritairement occupé par des locataires. Un tel encadrement serait-il faisable ? Assurément oui, car l'observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap) possède déjà, comme pour Paris, les données suffisantes pour fixer les fameux « loyers de référence » par quartier et par type de bien.

Un enjeu de cohérence

Mais au-delà du caractère opérationnel du dispositif, son étalement à la petite couronne revêt surtout un enjeu de cohérence. Car quasiment en même temps que l'instauration de l'encadrement des loyers intramuros, la métropole du Grand Paris, dont le périmètre institutionnel regroupe Paris et les départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), a été créée. Or, l'un de ses principaux objectifs vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux au sein même de la métropole.

Créer, dès maintenant, une dichotomie forte entre Paris et ses communes limitrophes concernant la politique du logement pourrait donc s'avérer dans ce cadre improductif. « Nous entrons désormais dans une logique métropolitaine sur les questions de logement », note Jean-Claude Driant, professeur à l'école d'urbanisme de Paris. « II serait donc plus cohérent politiquement de ne pas limiter l'encadrement à la seule ville centre, et de traiter l'ensemble de la métropole de la même façon », ajoute-t-il. C'est l'argument principal en faveur de l'extension de l'encadrement des loyers aux communes proches de Paris.

Le neuf, pas concerné

Quid alors des critiques récurrentes qui visent l'encadrement des loyers, et qui stipulent qu'une telle mesure atteindrait négativement la confiance des investisseurs, ce qui nuirait à la production de nouveaux logements ? « L'argument de mise en cohérence à l'échelle métropolitaine de la politique du logement est supérieur », estime, du reste, Jean-Claude Driant. D'autant que dans l'absolu, ajoute-t-il, « le neuf n'est quasiment pas concerné par l'encadrement des loyers ».

En effet, les investissements locatifs dans le neuf dépendent en grande partie du dispositif d'aide fiscale à l'investissement locatif Pinel, dont les loyers sont déjà plafonnés. Ils sont en principe inférieurs d'environ 20 % aux loyers de marché, ce qui de facto exclurait le risque de perte de rentabilité pour les investisseurs locatifs en petite couronne si l'encadrement était instauré.

Limiter les abus

Par ailleurs, il faut rappeler que l'objectif de ce dispositif s'inscrit dans « une logique de stabilisation des loyers, et de réduction des loyers exagérées, parfois franchement abusifs », détaille Jean-Claude Driant. C'est la même logique qui habite les pouvoirs publics en Allemagne, où un nouvel encadrement des loyers a été récemment instauré dans les zones tendues. Une mesure acceptée par les allemands qui cultivent une culture de la location et sont peu attirés par l'investissement locatif, les bailleurs étant principalement des personnes morales.

Enfin, il faut aussi noter que les loyers en France sont globalement en baisse depuis 2010. Un rattrapage dû au fait qu'ils s'étaient établis à des niveaux trop élevés dans les années 2000 par rapport aux revenus des locataires du secteur privé. A court terme, la rentabilité des bailleurs dans l'ancien qui ne pratiquent pas des loyers abusifs, ne devrait donc pas être inquiétée.

Du reste, le ministère du logement reste flou sur son agenda. Et, si l'on sait d'ores et déjà qu'un tel encadrement en petite couronne ne sera pas instauré avant 2017, il ne restera au mieux que quelques mois à l'exécutif pour le mettre en place. Or, en cas d'alternance, il y a très peu de chances qu'il soit instaurer tant il rebute à droite.

Mathias Thépot

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Commentaires 31
à écrit le 09/05/2016 à 19:00
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L'auteur oublie une grande différence avec l'Allemagne: ce pays n'a pas bloqué la construction, et permet à tout le monde de se loger correctement, tout en gardant de l'argent pour faire autre chose. L'encadrement des loyers est une mesure populaire ...

le 10/05/2016 à 8:09
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"réduisent l'entretien de leurs biens quand cette mesure est mise en place, puisque ça ne sert à rien d'avoir un bien en meilleur état que les autres" : C'est déjà le cas dans la mesure où la demande n'a pas l'embarra du choix... Par contre, puisque...

le 10/05/2016 à 13:41
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@sfx "En revanche l'historique de cette mesure montre que les propriétaires réduisent l'entretien de leurs biens quand cette mesure est mise en place, puisque ça ne sert à rien d'avoir un bien en meilleur état que les autres" La période 1997-2012...

à écrit le 06/05/2016 à 10:04
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« Pourtant cette mesure ne fait que limiter les abus, » Faux ! Pas seulement, elle baisse la majeure partie des loyers. " La crainte d'un blocage général des loyers par le biais de ce dispositif est, en fait, infondée, puisque le dispositif se co...

à écrit le 05/05/2016 à 12:50
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un article dans le fonds parfaitement conforme à la ligne éditoriale de La Tribune. Tout ceci est très bien, sauf que, même si ce n'est pas le but en soi, que celà est applaudi par une "majorité", à partir du moment où la proportion du parc locatif d...

à écrit le 05/05/2016 à 11:37
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le problème n'est pas l'encadrement des loyers, mais la démarche punitive des bailleurs inscrite dans la loi ALUR et par conséquent un nombre très élevé de logements vides non reproposés à la location...Lorsque notre élite politique aura le courage d...

le 09/05/2016 à 12:16
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Je crois pas trop à la légende des logements vides qui coutent de l'argent moi.Ils n'ont qu'à vendre si l'herbe est si peu verte.Derrière un bailleur il ne faut pas oublier que quelqu'un se lève pour l'engraisser avec la bienveillance de tous nos pol...

à écrit le 05/05/2016 à 10:14
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Le gouvernement voudrait que les institutionnels reviennent sur le marché de l'immobilier. Ce souhait ne pourra être réalisé qu'a la condition que le rendement locatif ne soit pas inférieur à 3 % . C'est la limite basse exigée par les investisseurs ...

le 09/05/2016 à 12:19
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Les bailleurs veulent du rendement?Qu'ils se sortent les doigts du derrière, nous vivons un vrai pays d'assistés.

à écrit le 05/05/2016 à 9:49
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Les locataires veulent un immeuble parfaitement entretenu, l'état veut toucher un maximum de taxes. Sachez que la rentabilité devient dérisoire. Un propriétaire doit avoir les moyens d'entretenir, sinon l'immeuble tombe en décrépitude et tout le mon...

le 05/05/2016 à 16:20
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@Gerald "Les locataires veulent un immeuble parfaitement entretenu" : C'est pour cela que les immeubles les moins bien entretenus sont ceux qui sont détenus par une majorité d'investisseurs? Arrêtez vos salades quand remettre à neuf signifie refaire...

à écrit le 05/05/2016 à 7:26
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Ils devraient surtout taxer l immobilier pour faire creuser la bulle immobilière => les ménages pourront consommer plus => les investisseurs pourront investir dans les entreprises et pas dans cette rente stérile 4% de la valeur des biens immobiliers...

le 05/05/2016 à 9:35
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Vous avez raison. Et puis ils devraient aussi directement se servir dans notre portefeuille !!! Sans déconner, lire des stupidités comme ça ; nos ancêtres morts pour la révolution et le droit de propriété doivent se retourner dans leurs tombes...

le 05/05/2016 à 12:21
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@michel: Prenons un exemple ..bordeaux un studio =150 000 loué 500e /mois soit 6000e par an de revenu brut immobilirer . 4 % de taxe sur 150 000 =6000 e + taxe foncière ( presque 2 mois de loyer) nous donne une rentabilte négative .Vous fumez qoui au...

le 05/05/2016 à 22:22
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Rentier... Le mot est lancé, et jeté en pâture à la vindicte populaire...vous me faites peur... Expliquez nous donc ce qu'il faut faire pour essayer de s'élever un tant soit peu socialement sans tomber dans la caricature que vous décrivez.

le 06/05/2016 à 13:26
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@malcomprenant Vous "voyez" un "problème" mais vous trompez de diagnostic. Cf mon cas personnel : studio de 25m² en petite couronne Parisienne acheté ~175 000€ (frais d'agence et notaire compris, d'ores et déjà un prix totalement abusif) et pour le...

le 06/05/2016 à 15:33
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malcomprenant feint aussi de ne pas remarquer que les studios n'ont pas tous été acheté aux prix actuels. Avec un prix d'achat de moins de 70 000 euros il y a plus de 15 ans, la rentabilité est autrement plus intéressante. Mais tous jouent les victim...

le 10/05/2016 à 9:21
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"Mais tous jouent les victimes... " Pour réclamer les aides gouvernementales et vivre un peu plus aux crochets de tout le monde, état et locataires

à écrit le 05/05/2016 à 0:55
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Fait-on dans l’économie des petits boulots ou l’encadrement des loyers, est-ce de l’arboriculture et des tableau, s’agit-il de noyers en faute de frappe ? Aura-t-on des biftons Marylin Monroe pour tous avec chacun sa monnaie pour tous et entreprise p...

à écrit le 05/05/2016 à 0:47
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Aucun intérêt d'encadrer les loyers si les taxes foncières et d'habitations ne sont pas elles aussi encadrées. Trop facile d'utiliser les taxes pour écarter de certains quartiers des populations "indésirables".

à écrit le 04/05/2016 à 22:49
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Et l'interdiction de pénétrer dans Paris pour les véhicules trop anciens, on l'étend quand aux élus qui le sont depuis trop longtemps ?

le 05/05/2016 à 9:36
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+1

le 05/05/2016 à 11:40
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les vieux défoncent les barrages de police comme Debré !

à écrit le 04/05/2016 à 21:23
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Il y a deux manières de détruire une ville : la bombarder ou encadrer les loyers...

le 05/05/2016 à 0:47
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D'ailleurs, toutes les grandes villes allemandes, qui ont cette mesure d'encadrement depuis des années, ont été bombardés.

le 05/05/2016 à 9:39
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Patriot 9, les allemands ont une démographie périclitante, nous, une croissance de la population. Les enjeux ne sont pas les mêmes ! Peut-être serait-il plus judicieux de décentraliser au profit de la Province, non ?

à écrit le 04/05/2016 à 20:15
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Pas de loyers justes, pas de logements!

le 05/05/2016 à 0:15
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C'est quoi un loyer juste? Un loyer subventionné où les APL des pauvres sont intégré dans le calcul de solvabilité? STOP : Ras le bol de subventionner la concurrence et les rentiers!

à écrit le 04/05/2016 à 19:30
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Le Monarque constitutionnel rêve de tout contrôler, y compris les prix et la morale. Il oublie que la prospérité de l'occident est fondée sur des siècles de fonctionnement des marchés et places de commerce libre, et d'équilibrage des abus. Cette fon...

le 05/05/2016 à 0:17
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Toujours des pleurnicheries pour continuer à se goinfrer sur des biens de premières nécessités : Les logements. Si encore on ne subventionnait pas l'immobilier, vous pourriez parler de libéralisme : C'est actuellement une escroquerie. Pour le reste,...

à écrit le 04/05/2016 à 19:09
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Il faut au contraire le supprimer là où il a été instauré.

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