« Le Grand Paris Express est irréversible », Thierry Dallard, Société du Grand Paris

INTERVIEW. En 2021, la Société du Grand Paris pourra émettre 10 milliards d'euros d'obligations vertes en plus des 15,5 milliards d'euros déjà émises. « Nous serons en situation de couvrir les besoins du prochain quinquennat 2022-2027 et ainsi mettre à l'abri la réalisation du Grand Paris Express », assure son président du directoire Thierry Dallard.
César Armand
Nous allons bientôt signer un protocole d'accord avec la métropole du Grand Paris car nous avons des sujets communs comme la mise en service des gares et leur intégration dans une chaîne de mobilité cohérente, avec le réseau de pistes cyclables, annonce à La Tribune le président du directoire de la Société du Grand Paris Thierry Dallard.
"Nous allons bientôt signer un protocole d'accord avec la métropole du Grand Paris car nous avons des sujets communs comme la mise en service des gares et leur intégration dans une chaîne de mobilité cohérente, avec le réseau de pistes cyclables", annonce à La Tribune le président du directoire de la Société du Grand Paris Thierry Dallard. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Le conseil de surveillance du 19 janvier 2021 vient d'autoriser la Société du Grand Paris à émettre 10 milliards d'euros d'obligations vertes en 2021. Concrètement, qu'est-ce que cela change par rapport aux huit premières émissions d'un montant total de 15,5 milliards d'euros ?

THIERRY DALLARD - La délibération du conseil de surveillance a pris une décision très importante, préparée avec les services de l'Etat, et qui vise à autoriser un volume d'emprunt maximum de 10 milliards d'obligations vertes si les conditions de marché le permettent. La sécurisation du financement du GPE sera donc poursuivie, dans un contexte économique perturbé par la crise sanitaire.

En quoi cette sécurisation du financement va-t-elle vous permettre de « maintenir un niveau d'investissement élevé, conforme à la programmation antérieure du virus, et cela pendant plusieurs années au profit de 1.000 fournisseurs en France », comme vous nous l'expliquiez en mai 2020 ?

Après le lancement, en juillet 2018, d'un programme d'obligations vertes commercialisées par les banques baptisé « Green EMTN » (Euro Medium Term Notes), le conseil de surveillance de la Société du Grand Paris a effectivement voté, en avril, le relèvement du plafond d'emprunt de l'entreprise à 20 milliards d'euros. La nouvelle décision du conseil de surveillance porte ce programme à 30 milliards d'euros.

Nous allons poursuivre la mise en œuvre de cette politique visant à profiter de taux d'intérêt très bas. Fin 2020, les conditions de financement ont été excellentes et les liquidités sur les marchés encore plus importantes que prévues en avril. C'est pourquoi nous avons proposé au conseil de surveillance de continuer en ce sens.

Grâce à cette délibération de fin avril, la SGP peut maintenir, jusqu'à 2023, un niveau de dépenses annuelles d'investissement de l'ordre de 4 à 5 milliards d'euros. Et avec ces 10 nouveaux milliards d'euros, quelle échéance est visée ?

Grâce à la mise en œuvre de ce programme, nous serons en situation de couvrir les besoins du prochain quinquennat 2022-2027 et ainsi mettre à l'abri la réalisation du Grand Paris Express. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait il y a cinq ou dix ans ? Les taux d'intérêts étaient de 3% voire de 3,5% et la profondeur de marché n'était pas si importante, rendant impossible une telle politique de sécurisation.

La sécurisation du coût de la dette permet de sécuriser le premier des aléas qui pèse sur le coût du projet. Nous devrions ainsi couvrir 80% des besoins de financement globaux. Cela nous permettra en outre d'apporter les liquidités nécessaires aux plusieurs milliards d'euros de dépenses d'investissement annuelles.

Si nous ne procédons pas à cette opération de sécurisation, cela pourrait impacter le calendrier, en cas de brutale remontée des taux, ou de réduction des liquidités. Là, au contraire, nous sécurisons à la fois les date de mise en service, mais aussi la fiscalité dédiée à la réalisation du GPE.

Pourquoi 2021 plutôt qu'une autre année, sachant que le chantier court jusqu'en 2030 ?

Cette année, de nombreuses étapes clefs seront franchies. Rien que sur la ligne 15, nous allons lancer les dernières procédures d'appel à candidature des marchés de conception-réalisation des tronçons Ouest et Est. Il est donc important de rassurer les futures entreprises qui décideront de se porter candidates. De la même manière sur le tronçon Sud, les dix tunneliers vont s'arrêter et laisseront la place aux travaux d'aménagement des gares. Ce sont près de cinquante appels d'offre qui sont en cours pour désigner les entreprises qui réaliseront ces travaux

Sur la ligne 16, les premiers travaux ferroviaires vont commencer, parallèlement au dernier lot de génie civil qui sera attribué entre Chelles et Noisy-Champs. Sur la ligne 17, le tunnelier arrivera, lui, au Bourget. Enfin, sur la ligne 18, après le démarrage des travaux fin 2020 sur le deuxième lot, nous choisirons, avec Ile-de-France Mobilités, le matériel roulant.

2021 sera donc une année où les dépenses d'investissement seront importantes. Elle sera également marquée par l'arrivée de femmes et d'hommes qui complèteront les effectifs de la Société du Grand Paris longtemps sous-dimensionnés mais depuis 2019, nous remontons la pente. Dans le même temps, nous espérons tous surmonter la crise de la Covid-19 en tirant les conséquences de la pandémie sur l'ensemble des lignes, car selon tel ou tel tronçon, nous accusons aujourd'hui de 3 à 8 mois de retard.

La mise en place de ces financements rend-il possible d'accélérer, comme l'a déclaré récemment le ministre des Transports Jean-Baptiste Djebarri ?

A la différence des contrats de plan Etat-régions où le calendrier est corrélé aux programmations budgétaires, le calendrier du Grand Paris Express n'a jamais été contraint par la programmation financière. Il ne peut donc pas à proprement parler être accéléré par le levier financier. Depuis que les travaux ont réellement commencé, le planning est dicté seulement par les trois types de contraintes suivantes. Le plus connu est celui des difficultés techniques : problèmes géologiques, vitesse d'avancement des tunneliers, délais des procédures administratives...

Le second porte sur la disponibilité des ressources au sein des entreprises. Si celles-ci nous demandent de reporter des appels d'offres, nous en tenons compte car nous avons besoin d'elles. Nous avons d'ailleurs déjà revu notre politique d'allotissement pour les aménagements des gares pour cela. Enfin, le troisième concerne l'acceptabilité des nuisances par les riverains. Cela peut être un facteur limitant de l'avancement d'un chantier.

Vous remarquerez que jamais la question budgétaire n'a ralenti les chantiers. Nous avons toujours réussi à mener nos travaux dont le rythme est le fruit de ces trois familles de contraintes.

Pourquoi ?

Imaginons que nous nous retrouvions avec un besoin de 4 milliards d'euros pour faire les travaux. Les recettes budgétaires étant environ de 700 millions d'euros, il faut donc pouvoir lever une dette au minimum de 3,3 milliards. C'est ce que le conseil de surveillance a fait chaque année : il nous a autorisé à couvrir les besoins pour avancer au plus vite. Aucun retard n'est donc imputable à la programmation financière.

Pour réduire l'impact de la crise sanitaire, nous travaillons à la recherche de solutions sur toutes les lignes avec nos maitres d'œuvre et les entreprises, ce qui implique souvent des études complémentaires, de revoir les procédés de construction et avec les maires l'organisation du travail, comme la possibilité de travailler les samedis ou 24 heures sur 24 sur certains chantiers stratégiques. Cela prend du temps et reste encore incertain.

La sécurisation du financement en 2021 n'est-elle pas alors un moyen de se prémunir des aléas politiques des élections présidentielles et législatives de 2022 ?

Le Grand Paris Express est irréversible et il est très attendu par les élus des territoires et les habitants car c'est l'outil de toutes les transitions, écologique, sociale, économique et urbaine... Compte-tenu de notre avancement, les aléas politiques dont vous parlez ne me semblent plus être un risque. D'ici à 2022, nous aurons lancé tous les appels d'offre pour les contrats de génie civil, et les tunneliers ne font pas marche arrière.

En revanche, dans le cas où nous subirions une crise financière avec une brusque remontée des taux d'intérêt, cela pourrait générer des surcoûts importants nécessitant un réexamen en loi de finances au Parlement avec des ressources affectées, indispensables pour rembourser ces emprunts. En réalité, avec ce vote du conseil de surveillance, nous évitons que ce risque se matérialise.

L'année qui s'ouvre peut-elle être celle de la réforme de la gouvernance du Grand Paris Express ? Les départements pratiquent souvent la politique de la chaise vide avant de revenir. Sans parler de la métropole du Grand Paris, qui a fêté ses 5 ans le 1er janvier, qui ne siège toujours pas au conseil de surveillance.

Il ne me revient pas de porter une quelconque appréciation sur la gouvernance de l'entreprise. En revanche, je confirme l'importance de travailler en confiance avec chacune des collectivités : la présidente de la région Ile-de-France, la maire de la ville de Paris, les sept président(e)s de département et le maire de Clichy-sous-Bois, président du conseil de surveillance. Elles ont toutes joué un rôle ces derniers mois au regard des difficultés, et continueront à le jouer.

Ma priorité est de continuer à travailler avec elles en confiance. Nous travaillons avec toutes les collectivités, y compris les intercommunalités et notamment la métropole du Grand Paris. Nous allons bientôt signer un protocole d'accord avec la MGP car nous avons des sujets communs comme la mise en service des gares et leur intégration dans une chaîne de mobilité cohérente, avec le réseau de pistes cyclables.

L'acceptabilité locale des riverains est tout autant importante. Nous nous devons d'être transparents et sincères vis-à-vis d'eux, comme nous le sommes auprès des maires.

La maire de Morangis (Essonne), par exemple, rêve d'accueillir à horizon 2030 le terminus de la ligne 14 en lieu et place d'Orly. Vous serait-il possible d'ajouter une ou plusieurs nouvelles gares, en plus du tracé initial ?

La décision de réaliser de nouvelles gares est du ressort de l'Etat, et pas de la Société du Grand Paris. Deux étapes sont ensuite nécessaires. La première est technique : il n'est pas possible de rajouter de nouvelles gares sans s'assurer de la compatibilité avec l'exploitation de la ligne. La seconde est juridique : il faudra modifier le schéma d'ensemble, et donc le décret d'application créant le Grand Paris Express.

Or, modifier le décret nécessitera un débat public, puis une enquête publique, avant une déclaration d'utilité publique. Ce sera donc un processus assez long, mais il reste le préalable à toute réalisation nouvelle.

Après avoir investi 3 milliards d'euros dans les travaux publics franciliens en 2020, vous avez prévu une enveloppe de 4,2 milliards d'euros pour la construction du super-métro et 400 millions d'euros pour la modernisation du réseau de transports publics existant. Pourtant, les professionnels de la filière s'attendent à des années 2021-2022 « compliquées ». Comment comptez-vous les rassurer ?

Autant la crise a eu un impact sur la gestion de la logistique et l'acceptabilité des travaux pendant le confinement, autant elle en a eu un très faible sur les procédures d'appels d'offre de la Société du Grand Paris et nous respectons le planning prévu pour les commandes aux entreprises.

De plus, dès lors que nous aurons sécurisé les marchés et le financement jusqu'en 2027, nous pourrons garantir un volume d'activité sur les sept prochaines années. Cette visibilité et le montant important que représente nos investissements chaque année sont importants dans cette période d'incertitudes.

Lire aussi : Thierry Dallard, le maître des horloges du Grand Paris Express

César Armand

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Commentaires 6
à écrit le 20/01/2021 à 14:05
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irréversible cette, mais déjà saturé à l’ouverture. Et un Pass Navigo qui va flamber. Mais comme ne pourrons rouler avec leurs voitures thermiques , ils seront obligés de payer le pass navigo plus cher que s’ils utiliseraient la voiture.... merci les...

à écrit le 20/01/2021 à 13:48
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Soit le Grand Paris Express est irréversible. et alors ?! Il n'apportera qu'un soulagement passager. En effet plus on crée de voies de circulation plus on suscite de déplacement. Rappelez-vous le 1er RER. A ses débuts nous avons crier victoire et auj...

le 20/01/2021 à 14:09
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Votre raisonnement est partiellement faux, les nouvelles lignes seront saturées pour deux raison la pression foncière sans augmenter les voies de circulation . Et ensuite les lois pour supprimer les voitures de la route et le rétrécissement de celles...

à écrit le 20/01/2021 à 11:27
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Les biens immobiliers vont augmenter .Heureux les proprietaires de pavillons et autres qui vont faire de bonnes plus values. Déja les agences immobilieres anticipent le phénoméne.

à écrit le 20/01/2021 à 9:58
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rien n'est irréversible et surtout l'annexion de region par paris qui se doit d'être soumis a un referendum de tous les francais et non pas reserve a une minorité de haut responsable qui ne sont que parisien la semaine du lundi au jeudi

le 20/01/2021 à 11:06
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Vous ne devez pas être francilien pour ne pas voir la nécessité de ce projet... quand à votre réflexion suintant la démagogie, vous appauvrissez le débat mon pauvre...

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