Tops et flops du Louvre-Lens (3/4) : et le musée métamorphosa l'ancien bassin minier

Longtemps théâtre de guerres intestines entre les élus de son territoire, le bassin minier du Pas-de-Calais se dote d'un pôle métropolitain pour dynamiser son développement économique. Aurait-il pu le faire sans l'arrivée du Louvre Lens ? Sans doute. Mais il est indéniable que le musée a grandement accéléré les choses.
Vue aérienne de l'ancien site minier de Loos-en-Gohelle, commune de 7.000 habitants.

Lancée il y a un an et demi au Musée du Louvre-Lens même, dans l'espace polyvalent (spectacles, conférences, cinéma...) baptisé "La scène", l'idée d'un pôle métropolitain de l'Artois devient une réalité.

Initié par l'association Euralens et installé officiellement en mars 2016, ce nouvel espace de coopération regroupe le département du Pas-de-Calais et les trois communautés d'agglomération de Béthune-Bruay, d'Hénin-Carvin et de Lens-Liévin. La porte reste ouverte à ceux qui souhaiteraient les rejoindre.

La 8e plus grosse agglomération de France

Fruit de nombreuses négociations entre des intercommunalités aux sensibilités politiques différentes, il s'étend actuellement sur 760 kilomètres carrés. Y vivent près de 600.000 habitants. C'est la 8e plus grosse agglomération de France. De quoi pouvoir faire entendre sa voix au sein de la région Hauts-de-France qui compte déjà deux grandes métropoles, à Lille et Amiens.

Pour ce territoire où les querelles entre communes étaient monnaie courante, une nouvelle page commence à s'écrire. Et si la plus belle réussite de l'implantation du Louvre à Lens était d'avoir réussi à faire travailler ensemble des villes qui se sont longtemps regarder en chiens de faïence ?

Un pôle métropolitain pour lancer de grands projets structurants

Pour Bernard Masset, délégué général d'Euralens, il n'y a aucun doute. Il s'en explique:

" Il y a trente ans, nous aurions pu avoir ici une communauté urbaine si les élus avaient trouvé un terrain d'entente. Nous aurions alors disposé d'un puissant outil d'aménagement du territoire. Le même que celui dont a profité Lille pour lancer de grands projets structurants comme celui d'Euralille. Il a fallu l'arrivée du Louvre à Lens pour que cela change. Nous avons perdu beaucoup de temps."

Pour Catherine Bertram, directrice de la Mission Bassin Minier, l'impulsion initiale est quand même bien antérieure:

"Le Louvre a été un catalyseur, mais pas le point de départ. La première image collective du devenir de ce territoire date de la création de la Mission Bassin Minier. Cet outil d'aménagement est né sous l'impulsion de Jean-François Caron, le maire de Loos-en-Gohelle, de Pierre Mauroy, alors président de Lille Métropole Communauté Urbaine, et de l'industriel Bruno Bonduelle quand il était président de la CCI Grand Lille. Ils voulaient une structure qui engage l'avenir du territoire après la fermeture des mines. Ils voulaient qu'elle aide à la relance de l'activité économique dans le respect du patrimoine minier."

Etre en phase avec l'image qualitative de la marque « Louvre »

Mais preuve que ce n'était pas suffisant, il a fallu que Daniel Percheron, alors président de la Région Nord-Pas-de-Calais, réunisse en 2008 les élus du Ceser (le Conseil économique, social et environnemental régional), du Conseil Régional, des CCI et des communes du bassin minier pour les mobiliser sur les enjeux de l'arrivée du Louvre à Lens.

Le 30 janvier 2009, l'association Euralens prenait forme. C'était une petite structure qui reposait sur les seuls moyens de la Région. Elle s'est tout d'abord focalisée sur l'accessibilité du musée et s'est attachée à montrer que tous les projets devaient être en phase avec l'image qualitative de la marque « Louvre ».

Les élus du territoire étaient très frileux, arguant du fait qu'ils n'avaient pas d'argent.

« Nous les avons convaincu qu'il fallait d'abord avoir des idées en y associant la population et qu'on trouverait ensuite l'argent », rappelle Bernard Masset.

Un travail de fourmis qui porte ses fruits. La dernière assemblée générale d'Euralens a réunit plus de 150 personnes parmi lesquelles de nombreux élus et des représentants de plusieurs entreprises dont EDF, Orange, Dalkia, le Crédit Agricole et la Caisse d'Epargne. L'Université de l'Artois et le Racing Club de Lens étaient également présents.

L'enjeu est de changer l'image, mais aussi la gouvernance

D'après Benoît Brocq, directeur depuis le 1er juillet 2016 du Pôle métropolitain de l'Artois, l'implantation du Louvre-Lens a accéléré la mutation de l'ancien bassin minier:

« Sa venue nous a fait gagner dix ans. Ce territoire a d'abord été administré par les compagnies minières, puis par les Houillères, et ensuite, par l'Etat. Les acteurs du territoire avaient très peu droit au chapitre. Leur implication dans ce nouveau pôle métropolitain change la donne. La Ruhr a réussi son changement d'image mais pas celle de sa gouvernance. Là-dessus, nous sommes en avance sur elle », se félicite Benoit Brocq.

Vingt opérations à mener à bien d'ici à 2020 ont été ciblées. Elles représentent un coût total de 132,8 millions d'euros. C'est beaucoup mais les enjeux le sont aussi. Le territoire souffre d'un taux de chômage bien plus élevé que la moyenne nationale. Les principales actions envisagées visent à réhabiliter les cités minières désormais classées à l'Unesco, à aménager le nouvel hôpital de Lens, et à intensifier la R&D autour des véhicules électriques, de la logistique et de la bio-méthanisation.

Depuis 2009, déjà plus de 700 millions d'euros d'investissements publics ont été dépensés pour la construction du musée, l'aménagement urbain connexe, la rénovation du stade Bollaert-Delelis, le centre historique "Lens' 14-18", le mémorial Notre-Dame de Lorette, la Cité des Electriciens à Bruay, le Parc des îles à Hénin-Beaumont, le campus Euralogistic et le site minier "9-9bis", à Oignies.

Fierté retrouvée des habitants

Les résultats se font sentir auprès des habitants. D'abord très sceptiques, les Lensois ont pris l'habitude le dimanche après-midi d'aller faire un tour à la Galerie du Temps ou dans le parc environnant. « On essaye même de visiter les expositions temporaires. Et j'ai vu 'Embrassez qui vous voudrez' », précise Mathieu Debas, le propriétaire du café « Chez Cathy », une petite brasserie située juste en face du musée et dont les affaires sont florissantes depuis 2012.

Dans un sondage réalisé par la Mission du Bassin Minier et Euralens, il ressort que 83,6% des habitants éprouvent un sentiment de fierté au regard du Louvre-Lens et de l'inscription du bassin minier au Patrimoine mondial de l'Unesco. Plus de la moitié de ceux ayant des jeunes dans leur famille envisagent l'avenir de ces derniers plus positivement.

Et si les mentalités changent, c'est bien que le territoire se transforme.

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