Tops et flops du Louvre-Lens (4/4) : la dynamique est là... mais où sont les investisseurs ?

[ Série d'été ] Baisse du chômage, essor du tourisme... oui, les voyants de la reconversion du bassin minier sont en train de passer au vert. Certes, il faudra attendre début 2018 pour l'ouverture d'un hôtel 4-étoiles en face du musée, mais déjà les chambres d'hôtes et les gites se multiplient dans la région. Mieux, le taux de chômage diminue. Pourtant, les investisseurs privés manquent à l'appel.
Le 4 décembre 2009, lors de la cérémonie de pose de la première pierre du musée du Louvre-Lens, avec (de d. à g.) Henri Loyrette président du musée du Louvre, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, les architectes japonais Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, ainsi que le président du Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, Daniel Percheron.

A l'annonce de l'arrivée du Louvre-Lens, tout le monde s'accordait sur le manque cruel de structures d'accueil touristique. La présence d'un hôtel 4-étoiles ou, au moins, d'un 3-étoiles semblait indispensable. Un projet de transport en commun reliant Lens, Lieven et Hénin-Beaumont sur 25 kilomètres sous la forme d'un tramway était même à l'étude. Las ! il a été abandonné.

En revanche, il y a aura bien un hôtel, et ce sera un 4-étoiles. Mais il faudra encore attendre. Son ouverture n'est prévue que pour début 2018. En lui-même, le projet hôtelier est original, il consiste à valoriser le patrimoine minier en utilisant d'anciens corons, ces petites maisons réservées aux mineurs. Un ensemble d'une vingtaine de ces maisons, idéalement situées à l'entrée du musée, sont déjà murées. Les façades sont habillées de photos d'habitants en attendant le démarrage des travaux. Conduit par le bailleur social "Maisons & Cités" avec l'appui de la Mission Louvre-Lens de Pas-de-Calais Tourisme, le projet prévoit la création d'un complexe hôtelier de haut-de-gamme avec 52 chambres, un restaurant et un estaminet, ainsi que des espaces sport et détente. S'inscrivant dans le cadre d'une opération de grande ampleur, il vise à réhabiliter l'îlot Parmentier de la cité minière qui fait face au musée (voir photo aérienne ci-dessous, juin 2016, Reuters). Cette réhabilitation est une initiative pilote de "Rev3" (un "forum d'orientation" également baptisé "la Troisième Révolution Industrielle en Hauts-de-France") qui sert d'expérimentation pour de nouvelles pratiques destinées à réduire les dépenses énergétiques et à améliorer le cadre de vie des habitants.

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Valls annonce une reconversion de grande ampleur

Le 29 juin dernier, le Premier ministre Manuel Valls s'est même déplacé à Lens avec plusieurs membres du gouvernement pour annoncer le lancement d'un « projet d'intérêt majeur » visant à reconvertir les cités du bassin minier. Connu pour avoir marqué de son empreinte le quartier de la Défense à Paris et celui d'Euralille, l'urbaniste Jean-Louis Subileau a pour mission d'en définir les grandes orientations. Que ce grand chantier soit porté par une figure emblématique devrait aider à sa réalisation, annoncée pour durer une quinzaine d'années. Il y a plusieurs milliers de logements à rénover. Mais, dans le contrat de plan Etat-Région, encore aucun crédit n'a été affecté à ce « projet d'intérêt majeur ».

La dynamique touristique mobilise la population

En attendant, certains habitants ont déjà fait preuve d'initiative. Comme la famille Delroisse qui a transformé en gite écologique l'ancienne maison d'instituteur de la cité du 11/19. Elle n'a pas hésité à investir 150.000 euros pour aménager trois habitations en bois dans son jardin: de fait, ses "Gîtes de l'école buissonnière" ont même obtenu le label Euralens et sont répertoriés par "ALL", "Autour du Louvre-Lens", la destination touristique portée par la Mission Louvre-Lens de Pas-de-Calais Tourisme.

« Le nombre de gites et de chambres d'hôtes a explosé. Nous avons recensé 13 offres de chambres d'hôtes, 28 gîtes et meublés. Près de 60 offres d'hébergement sont accessibles sur Airbnb à Lens et dans ses environs. Dans la mesure où ces propositions sont, pour l'essentiel, l'offre de particuliers, elles témoignent d'une réelle mobilisation de la population pour tirer parti du nouveau statut touristique de leur ville », indique Norbert Crozier, directeur de la mission départementale Louvre-Lens Tourisme.

Embellie chez les hôteliers et création d'emplois

L'activité hôtelière a également augmenté. Depuis l'ouverture du Louvre-Lens et l'inscription du bassin minier au patrimoine mondial de l'Unesco, 6 nouveaux hôtels ont vu le jour dans un rayon de 30 minutes autour du musée, entraînant la mise à disposition de 156 nouvelles chambres. Soit une progression de 10 % entre 2013 et 2015 quand, dans le même temps, elle n'était que de 4 % sur toute la France métropolitaine. Sur cette même période, 371 emplois dans la restauration ont été créés et plus de 600 pour l'ensemble des secteurs en lien avec l'activité touristique. Le taux de chômage a baissé de 1,4% sur Lens-Liévin-Hénin-Carvin et de 1% sur la zone voisine de Béthune-Bruay. Peu de zones d'emploi ont connu une telle évolution sur les trois dernières années.

Potentiel inexploité en attente d'investissements

Pour Benoît Brocq, directeur du Pôle métropolitain de l'Artois, le tourisme à lui seul ne peut expliquer cette tendance à la baisse du chômage:

"Il y a encore beaucoup de chemin à faire. Je suis frappé par le potentiel non exploité par ce territoire. Nous avons besoin de davantage d'investissements privés. Et plutôt que de faire venir les investisseurs de Paris et du sud de la France, il nous faut regarder vers le nord, vers le Benelux et les Pays-Bas. C'est plus porteur pour notre avenir."

Un "effet Bilbao" ? Encore un peu tôt pour le dire...

Transformer un territoire prend du temps. Plus de dix ans, d'après Bernard Masset, délégué général d'Euralens. Si "l'effet Bilbao" est souvent évoqué pour décrire ce qui est attendu de l'implantation du Louvre-Lens, il est encore trop tôt pour en comparer les impacts. A Bilbao, le musée Guggenheim a ouvert ses portes 7 ans après le lancement du programme de reconversion du territoire. Et son arrivée n'était même pas envisagée au départ. A Lens, au contraire, la décision d'y implanter une antenne du Louvre a été le déclencheur du projet de transformation du territoire.

Dans la mesure où elle permet d'associer tous les acteurs français du tourisme, publics et privés, autour d'une même marque de territoire, la signature l'année dernière du contrat de destination touristique « Autour du Louvre-Lens » (ALL) porté par le ministère des Affaires étrangères et du Développement international devrait encore donner un coup de pouce à l'attractivité de ce territoire longtemps laissé à l'abandon.

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Le Musée du Louvre-Lens, vue nocturne (crédit photo : Musée du Louvre-Lens / Hisao Suzuki)

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Par Geneviève Hermann, à Lille

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Commentaires 3
à écrit le 01/08/2016 à 14:23
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Investir massivement dans le tourisme est une excellente idée. Les chômeurs auront de plus en plus de temps libre à consacrer à la visite des musées. L’hôtel 4 étoiles sera peut-être un peu sur-dimensioné...

à écrit le 01/08/2016 à 12:30
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Plus de 1000 musées en France... un de plus..

à écrit le 01/08/2016 à 9:08
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Vu le niveau désastreux de nos investisseurs en train de détruire l'économie, qu'ils épargnent l'Art ne peut être que bénéfique à celle-ci.

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