L'agglomération nantaise met la tête dans le guidon

Comme alternative à l'automobile, Nantes et sa banlieue ont donné une place de choix au vélo dans les plans de déplacement urbain. Un tournant pris en exemple.
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En 2009, le vélo représentait 2 % des déplacements des Nantais, contre 5 % dans les grandes métropoles françaises. En octobre 2013, une délégation de Barcelone est venue déambuler sur les rives de la Loire pour s'imprégner du modèle de déplacement à vélo mis en oeuvre par la métropole nantaise, auréolée du prix européen Civitas (valorisation des plans de déplacements doux) en 2012. En compétition face à Helsinki et Bâle, la cité des ducs de Bretagne s'offre même le luxe d'être sélectionnée par la Fédération des cyclistes européens pour accueillir l'édition 2015 du congrès Vélo-city.

En moins de cinq ans donc, Nantes aurait-elle rattrapé son retard ? Pionnière dans les transports collectifs, la ville a, de fait, plutôt concentré ses efforts sur la « gestion » de l'automobile.

« Dans le cadre des alternatives à l'automobile, les marges de manoeuvre dans le transport collectif devenaient limitées », explique Jacques Garreau, vice-président de Nantes Métropole, en charge de la délégation « Vélos et circulations douces ».

C'est en vue de la préparation du plan de déplacement urbain en 2009 que le véritable coup de pédale en faveur du vélo est donné. Il était temps. Cette année-là, Nantes Métropole vote l'adoption d'un plan vélo 2009-2014 avec dans ses sacoches un budget de 40 millions d'euros pour cinq ans. Trop peu ?

« Les associations d'usagers demandaient que l'on mette 10 euros par an et par habitant. Pour une agglomération de 600000 habitants, ça représente 30 millions d'euros, or nous sommes à 40 millions d'euros », plaide Jacques Garreau.

« S'il y a encore beaucoup à faire, il faut reconnaître que de nombreux aménagements ont été engagés. Les efforts commencent à porter leurs fruits », observe Jean-Paul Berthelot, président de l'association de cyclistes urbains Place au vélo, fondée dès 1991.

D'ici à 2020, la métropole nantaise voudrait compter 100.000 déplacements quotidiens à vélo, soit le double de 2002. Pour cela, il faudra que la part du vélo passe de 5 % à... 15 % ! Pour atteindre ces objectifs ambitieux, la métropole a multiplié les possibilités de stationnement sur l'espace public sous la forme de parcs plus ou moins sécurisés à proximité des gares, de huit parkings publics, des stations intermodales, des parkings relais. Une soixantaine de sites seraient ainsi équipés en complément des 6.000 appuis-vélos disséminés dans l'agglomération.

Le vélo au coeur de l'intermodalité

Introduit dès 2008 après Lyon et Paris, le Bicloo (vélo partagé en libre-service) a participé à l'évangélisation des cyclistes. Mené en deux vagues, le réseau, exploité par Decaux, dont le renouvellement sera renégocié en 2017, compte actuellement 880 vélos, une station d'échange tous les 300 mètres dans le centre-ville, 1.846 points d'attache, 10.000 adhérents annuels (pour lesquels la première demi-heure est gratuite) et génère 3.500 locations quotidiennes.

Après des débuts chaotiques, le principe semble trouver sa vitesse de croisière avec un usage quotidien de six rotations par vélo. Pratique, le Bicloo pourrait néanmoins se voir concurrencer par un système de location longue durée (un an). C'est l'une des propositions de la candidate socialiste Johanna Rolland, qui a entre autres promis, si elle est élue, de mettre en place 5.000 vélos en location longue durée avec option d'achat et de maintenance. La candidate écologiste (EELV), Pascale Chiron, qui dit vouloir consacrer 10% du budget voirie aux aménagements pour le vélo, entend aussi élargir le système de location de vélo en libre-service à d'autres communes de l'agglomération et favoriser l'éducation à la bicyclette. Car la personne devient responsable de son engin - ce qui n'est pas le cas avec Bicloo - et doit trouver une solution de stationnement. Ici comme ailleurs en France, où l'on estime que 400.000 vélos sont dérobés chaque année, les vols de bicyclette se multiplient.

Pour Laurence Garnier, candidate UMP, priorité serait donnée à l'extension du Bicloo de façon concentrique pour relier les quartiers entre eux et jouer l'intermodalité des moyens de transport. Pour favoriser la complémentarité, la TAN, réseau de transport collectif de l'agglomération nantaise, a déployé une offre auprès de ses abonnés (Cyclotan) de vélos pliants sans chaîne, transportables dans les bus et tramways.

À ce jour, 200 entreprises et administrations, soit 80000 salariés, auraient signé un plan de mobilité avec Nantes Métropole pour inciter à la pratique du vélo (aide à l'achat, construction ou aménagement de structures de stationnement, etc.). Depuis 2010, Nantes Métropole a aussi voté 3.000 subventions pour soutenir l'acquisition d'un vélo à assistance électrique ou d'un triporteur. L'autre chantier a été la sécurisation des parcours (marquage, signalétique et aménagement), pour éviter qu'une sortie à vélo ne se transforme en gymkhana.

Des « plans communaux de déplacements doux » ont été signés avec les 23 communes de l'agglomération et dix quartiers de la ville pour mettre en cohérence les continuités cyclables et piétonnes. En décembre dernier, les élus, inspiré par Copenhague, inauguraient, gilet jaune sur le dos, la mise en service de l'axe nord-sud : une voie de 6 km à l'usage exclusif des vélos entre Rezé et le centreville de Nantes destinée à sécuriser les cyclistes et à améliorer les flux de circulation.

« Insuffisant », dénonce Laurence Garnier, qui regrette « le manque de sécurisation sur des aménagements mal pensés et dangereux en ville aux côtés des bus ».

 « Inciter au changment de comportement »

L'été prochain, un axe est-ouest, long d'une dizaine de kilomètres, devrait voir le jour.

« De nombreuses liaisons restent à faire. On paie aujourd'hui les mauvais aménagements du passé », regrette Jean-Paul Berthelot.

Les discontinuités, notamment aux abords du périphérique, sont le point noir du réseau, aujourd'hui étendu sur 692 km dont 470 km d'aménagements spécifiques (pistes et bandes cyclables, voies mixtes...). C'est l'un des problèmes auxquels devra faire face la prochaine équipe municipale.

Le développement du vélo dans la ville a aussi donné lieu à de véritables innovations comme le Chaucidou (chaussée circulation douce), une voie expérimentale, centrale ou latérale, de 8 km, les panneaux « Tourne à droite », autorisant les cyclistes à griller un feu rouge pour tourner à droite, ou encore les SAS, espaces matérialisés et réservés aux cyclistes devant les feux tricolores, et l'autorisation de circuler en sens interdit dans les zones 30 km/h. C'est sans doute la duplication possible de ces initiatives nantaises qui a séduit les instances européennes du vélo.

« On pourra faire tous les aménagements du monde, il faut aussi inciter au changement de comportement. Et montrer que, pour des déplacements courts, le vélo, ça vaut le coup. Le challenge, c'est de créer le réflexe », affirme Jacques Garreau.

D'autant que si leur taux d'occupation progresse vite (+50%), les parcs de stationnement collectifs demeurent sous-utilisés (21%). Et si 63% des Nantais déclarent détenir un vélo, seuls 7% l'utilisent pour aller travailler.

À noter enfin que, à l'intersection de l'itinéraire cyclable « la Loire à vélo », long de 800 km entre Nevers et Saint-Nazaire, et Vélodyssée, parcours de 1.400 km entre la Bretagne et le Pays basque, la métropole nantaise se prépare aussi à jouer la carte du cyclotourisme ! La petite reine remonte sur le trône.

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Commentaires 2
à écrit le 15/04/2014 à 10:57
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La France a beaucoup de retard dans ce domaine. Nantes semble s'inspirer de villes du Nord ce qui est une bonne chose, elle peut s'inspirer aussi de villes comme Cologne ou Ljubljana en Slovénie. Dans ces deux villes on voit de nombreux cyclistes à t...

à écrit le 04/04/2014 à 20:41
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des conneries gadget.

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