Le port de Nantes à l'heure des choix

Pilier de la politique énergétique de la France, le port de Nantes, affaibli par la perte de trafics, réfléchit à un nouveau modèle économique. Dans une métropole en pleine expansion, les collectivités locales veulent avoir voix au chapitre pour harmoniser développement urbain et portuaire. Mais pas à n'importe quel prix.
Longtemps, « les Nantais ont semblé tourner le dos aux enjeux maritimes », estime François de Rugy, député de Loire-Atlantique.
Longtemps, « les Nantais ont semblé tourner le dos aux enjeux maritimes », estime François de Rugy, député de Loire-Atlantique. (Crédits : Décideurs en région)

Considéré comme le premier port d'Europe en... 1704, aujourd'hui relégué au rang de place portuaire secondaire, le port de Nantes soulève d'épineuses questions dans une métropole en pleine mutation. Devenue presque invisible aux yeux des Nantais, l'institution agite les sphères politiques locales à l'approche de la présentation d'un projet stratégique au cours du premier semestre 2015. Dans le prolongement de la réforme portuaire de 2008, ce plan doit permettre de redynamiser le Grand Port maritime de Nantes - Saint-Nazaire (GPMNSN). Affaibli par d'importantes pertes de trafic, il cherche aujourd'hui des pistes de diversification. « Un nouveau modèle économique », précise Jean-Pierre Chalus, président du directoire.

Un site multiproduits à vocation nationale

« Le problème, c'est le gaz », explique Francis Bertolotti, Président du conseil de surveillance du GPMNSN. « Les importations de gaz naturel liquéfié [GNL] ont chuté de 4,9 à 1 million de tonnes entre 2010 et 2013. »

Amorcée en 2008, l'érosion du trafic global s'est accélérée l'an dernier en tombant d'un peu plus 30 à 27,7 millions de tonnes. Avec un chiffre d'affaires en recul de 10 % à 15 %, le port parvient tout juste à se maintenir à l'équilibre. Pour ce mastodonte qui accueille près de 3 000 escales de navires chaque année et dont l'activité logistique générerait 16000 emplois dans l'Ouest, les manoeuvres sont délicates.

Voulu par l'État pour sécuriser les approvisionnements hexagonaux de carburants avec la raffinerie de Donges, le port a une vocation nationale. Et le gouvernement tient à conserver l'outil en l'état. À eux seuls, le pétrole et le GNL garantissaient 70 % des droits de port. S'il est avant tout un port énergétique, le GPMNSN est aussi multisites et multiproduits : terminaux de gaz et conteneurs de Montoir, raffinerie Total à Donges, centrale électrique de Cordemais, terminal à bois de Cheviré, céréales à la Roche-Maurice... Derrière Marseille, Le Havre et Dunkerque, le quatrième port français cultive une certaine singularité. Il a les défauts de ses qualités, et inversement. Étendu sur une soixantaine de kilomètres entre Nantes et l'estuaire de la Loire, il couvre 2 700 hectares, composés à 50 % de zones naturelles et à 50 % d'espaces aménagés à l'origine de 30 % des revenus du port.

Dans un contexte en régression, le foncier a permis d'éviter les écueils financiers. D'importants investissements industriels se poursuivent sur la partie aval. Même s'il est de bon ton de vouloir penser le port dans sa globalité Nantes - Saint-Nazaire, c'est véritablement sur l'amont du fleuve (10 % de l'activité) que se concentrent les difficultés. Un lieu en prise directe avec la métropole où les zones portuaires, logistiques et industrielles occupent 300 ha sur les 570 ha détenus par l'autorité portuaire. Les surfaces restantes seront affaire d'opportunités... Ressources financières pour l'un, ces terrains sont aussi convoités par les collectivités locales qui cherchent de l'espace pour déployer des filières économiques ou implanter le futur CHU de Nantes. Les négociations promettent d'être compliquées. Sur le site de Saint-Nazaire, la venue de l'usine de nacelles et de générateurs d'Alstom pour accompagner le développement des EMR a contraint le port à engager des investissements conséquents dont la rentabilité ne serait, en raison des loyers négociés, pas évidente. « Or, Bercy veut des résultats », dit-on au port, confronté aussi à des modifications de trafic.

À l'image du terminal de Cheviré, première place française de négoce de bois d'oeuvre, qui a vu s'échapper le trafic de grumes au profit du terminal de Montoir, où le bois arrive désormais en conteneurs. L'activité se maintient autour du sable, du recyclage de ferraille, voire de l'accueil de paquebots qui ne peuvent remonter jusqu'à Nantes.

La perte non compensée des trafics historiques

Mais, débarquer des croisiéristes en pleine pampa industrielle a ses limites.

« Nantes est la lanterne rouge des ports français dans ce secteur. Il accueille une dizaine de paquebots par an quand Bordeaux ou Lorient en attirent une cinquantaine. Or, quand un millier de passagers débarquent, chacun dépense en moyenne 100 euros par jour. Une vraie valeur ajoutée pour la région et une réelle activité pour les professionnels. À condition de l'organiser, avec des quais ad hoc, une gare maritime et des circuits touristiques... », lance Frédéric Le Deist, président du syndicat des pilotes de la Loire. « Depuis 2006, Nantes a perdu la plupart de ses trafics historiques sur le bois, l'acier, et le sucre. En moins de dix ans, on est passé de dix à un bateau par mois. L'impact est fort pour la manutention, le lamanage, le remorquage... », déplore-t-il.

À l'Institut d'études supérieures de l'économie maritime Nantes-Saint-Nazaire (Isemar), Paul Tourret en convient :

« L'évolution du port est forcément compliquée. Et pourtant, grâce à ses connectivités ferroviaire, maritime, routière et fluviale, Nantes dispose d'un vrai atout pour développer une grande plate-forme intermodale au service du développement économique, urbain et durable de la métropole. Or, aujourd'hui, nous sommes dans l'expectative », dit-il.

Contrairement à Saint-Nazaire, qui depuis plus de vingt ans mène une étroite et active politique urbaine entre la ville et le port, Nantes a plutôt semblé regarder ça de loin.

« J'ai toujours été très frappé de constater que les enjeux portuaires semblaient très lointains aux yeux de la classe politique locale. Les Nantais ont semblé tourner le dos aux enjeux maritimes, souvent considérés comme un obstacle à l'aménagement de la ville et non comme un atout favorable à son attractivité », estime François de Rugy, député de Loire-Atlantique et ex-vice-président de la communauté urbaine de Nantes, en charge des déplacements, entre 2001 et 2008.

Un désir de gouvernance partagée avec l'Etat

« Le problème du Grand Port maritime est d'être un port d'État », tranche Jean-François Gendron, Président de la CCI Nantes-Saint-Nazaire. « Pour mieux contribuer au projet stratégique et s'engager dans les changements futurs, les collectivités locales, avec la Région en tête de pont, doivent entrer au capital du port sur le modèle des sociétés aéroportuaires pilotées à 60 % par l'État et à 40 % par les collectivités. »

Au lendemain de la privatisation des outillages et des services de manutention, l'idée d'une gouvernance partagée fait son chemin. « Le statut actuel n'offre pas la souplesse et la nécessaire réactivité des prises de décisions avec ses partenaires. La faiblesse des moyens de l'État constitue un véritable handicap pour permettre aux filières d'être véritablement utilisatrices de l'outil portuaire. Alors on regarde les évolutions possibles... », mentionne Christophe Clergeau, vice-président de la Région des Pays de la Loire, en charge du développement économique. Pour le président de la CCI, qui dit « veiller à ce que le développement urbain ne se fasse pas au détriment de l'activité industrielle, il faut aussi réfléchir à la création d'activités nouvelles qui ne sont pas celles que l'on a connues ».

L'équilibre est subtil. Les pistes de diversification sont à mesurer, comme la création d'un port à sec, le développement du transport fluvial de passagers et de marchandises sur des barges - jusqu'ici seulement exploité par Airbus entre Nantes et Montoir -, l'acheminement de déchets, le tourisme... Des niches qui seront loin de compenser les besoins de trafics du port, dont les contraintes de dragage pèsent pour 25 % des frais de fonctionnement. « Nous avons besoin de volumes. Un port, ça fonctionne avec des bateaux ! » rappelle Jean-Pierre Chalus

« Ce n'est pas parce qu'il a perdu de l'argent un jour qu'il en perdra toujours », dit-il, refusant les décisions hâtives. « Les recettes domaniales et la valorisation d'actifs immobiliers peuvent nous permettre d'éviter les points de rupture. »

Une porte ouvert sur l'Europe

Dans une agglomération en pleine croissance démographique, les problématiques urbaines incitent Nantes Métropole à se pencher sur les enjeux portuaires. « On en discute... », reconnaît Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole, membre du conseil de surveillance du port. « Parce qu'il contribue à l'accessibilité du territoire et qu'il est un enjeu majeur pour le développement urbain de l'agglomération. Maintenant, c'est aussi à l'État de prendre ses responsabilités. Cela fait partie de l'aménagement du territoire. La question de la mutation énergétique doit amener à réfléchir à des voies de diversification. »

Avant de s'engager plus avant dans une gouvernance partagée, la Métropole veut en savoir plus. « Autour de quel projet ? avec quel objectif ? » En d'autres termes, que ce nouveau modèle économique s'accompagne d'un chiffrage précis des dépenses et des recettes.

« Au même titre que l'aéroport ou la future gare de Nantes, le port doit être une porte ouverte sur l'Europe », estime Johanna Rolland, qui vient de lancer un grand débat participatif sur la Loire, où les avis du public et des professionnels devraient amener de l'eau au moulin de la problématique portuaire et urbaine.

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Commentaires 23
à écrit le 22/01/2015 à 18:09
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La Porte sur l'Europe (!) a besoin d'un dédoublement de la voie ferroviaire déjà saturée entre Nantes et Angers, et pour cela d'un nouveau tracé Sud-Loire passant par Cholet (voire une carte) Sinon, la porte risque ne rester entrouverte encore longte...

à écrit le 27/12/2014 à 11:25
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UN PORT MARITIME A 1 H30 DE PARIS MAL UTILISEZ QU EL GACHIE ECONOMIQUE???

à écrit le 26/12/2014 à 15:03
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Nantes ayant été une plaque tournante du commerce du "bois d'ébène", le mieux serait de détruire le port et de construire un immense lieu de mémoire sur l'esclavage et la souffrance du peuple noir.

le 26/12/2014 à 21:43
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Ok mais c'est vous qui payez. Je ne veux pas que mes impôts soient utilisés pour une connerie pareille destinée aux bobos socialo nantais...

le 27/12/2014 à 10:44
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Vous avez raison. Détruisons également sous le feux nucléaire les USA qui ont anéanti les indiens d'Amérique. L'Australie avec les aborigènes, les italiens (Rome a déporté et contraint à l'esclavage des millions d'africains). Je n'ai jamais lu un com...

le 27/12/2014 à 11:04
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J'espère qu'un jour on rasera votre maison pour y créer un "immense lieu de mémoire" sur la débilité humaine.

à écrit le 26/12/2014 à 11:27
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Que d'inepties diffusées par des non sachant. Cela fait longtemps que la traite négrière (commerce triangulaire) ne fait plus vivre le port de Nantes, depuis un peu moins longtemps Chateau Bougon se fait appeler Nantes Atlantique. Que dire sinon à to...

le 26/12/2014 à 15:12
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Evidemment, la traite négrière ne fait plus vivre le port de Nantes, mais les familles des négriers ont encore de beaux restes. Quant au fait d'avoir rebaptisé Chäteau Bougon Nantes-Atlantique cela ne change pas grand chose à sa situation qui convi...

à écrit le 26/12/2014 à 10:54
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Port Francais : largement contrôles des syndicats communistes au fonctionnement de type mafieux qui plombent la compétitive des ports francais.

le 28/12/2014 à 11:25
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la CGT des dockers a réussi a torpiller l'activité tout syphonnant les revenus. Lisez le rapport de la Cour des Comptes sur les dockers de Marseille et Fos qui touchaient 4.500€/mois en moyenne pour 12h de travail par semaine. Et le pire est qu'ils a...

à écrit le 26/12/2014 à 9:29
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C'est sûr, rien ne va plus à Nantes depuis la fin du commerce triangulaire. Pas toujours facile de se reconvertir....

le 26/12/2014 à 15:09
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Le crime ne paie pas !

à écrit le 26/12/2014 à 7:38
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D'ailleurs je me demande si ce n'est pas cette zone portuaire Nantes/Saint Nazaire qui donne un grand intérêt au rattachement de la Loire Atlantique à la région Bretagne.

à écrit le 26/12/2014 à 2:28
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GPMNSN....rien que le nom ou plutôt le sigle montre qu'il s'agit d'une usine à gaz, pas un projet viable.

à écrit le 25/12/2014 à 23:31
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Un grand débat participatif ne saurait remplacer la définition d'un vrai projet..inutilité des politiques..

à écrit le 25/12/2014 à 23:05
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Nantes a vocation a confirmer sa place de prmière ville de l'ouest. A condition que les pouvoirs publics encouragent ce développement.

le 25/12/2014 à 23:18
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Les Pouvoirs Publics ont abandonné toutes les infrastructures : le réseau de telecom, le réseau ferré vieux, dépassé, rafistolé, bricolé, le réseau TGV, le réseau Classique, le développement des routes, les voies navigables, les ports : lanternes rou...

le 27/12/2014 à 11:21
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EXAT???

à écrit le 25/12/2014 à 19:38
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L'Aéroport de Nantes, Notre-Dame-Des-Landes, est une pure stupidité. -Marc Goldberg, Tel-Aviv

le 25/12/2014 à 23:08
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Une Stupidité Economique et Financière, et un Scandale Environnemental, un énorme gaspillage de terres agricoles. A 1H30 de Paris !! L'aéroport actuel dispose de foncier pour créer une deuxième piste. Le parking pour s'agrandir en étages, et l'aéro...

le 26/12/2014 à 8:53
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C'est aux nantais de décider de l'aéroport de Notre Dame des Landes ou de chateau bougon. Les biens pensants des autres départements et étrangers, ainsi que les Zadistes n'ont pas vocation de la ramener. Pour info, Notre Dame c'est une des pire t...

le 26/12/2014 à 9:22
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Perso, je ne me permets pas de donner des leçons aux israéliens ou de commenter leurs projets. Si l'inverse pouvait être vrai aussi....

le 26/12/2014 à 9:31
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Il y a déjà un aéroport à Château -Bougon, pourquoi en faire un autre à Ndl?. J' en entend parler depuis plus de 60 ans (c'était d'abord les militaires qui voulaient un aérodrome) et l'utilité n'en est toujours pas prouvée. Il y a beaucoup d'investi...

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