C'est une première à double titre. Avec la mise en service du paquebot de croisières MS Loire Princesse sur la Loire au début de ce mois d'avril, la compagnie strasbourgeoise CroisiEurope va faire renaître le tourisme fluvial entre Saint-Nazaire, Nantes et Bouchemaine, située à une dizaine de kilomètres d'Angers.

Long de 90 mètres pour 15 de large, doté de 48 cabines, le navire pourra accueillir jusqu'à 96 passagers pour des croisières de 6 ou 8 jours, proposées d'avril à septembre, au départ de Nantes. Le reste de l'année, le navire sera utilisé pour de l'évènementiel.

Sur la Loire comme sur le Mississipi

Fondée en 1976 à Strasbourg, CroisiEurope est devenue en près de quatre décennies la première compagnie de "bateaux à cabines" en Europe tout en restant une entreprise familiale et indépendante.  Avec une flotte de 41 navires (1350 personnes), elle a réalisé un chiffre d'affaires de 135 millions d'euros (+6%) en 2013 et devrait enregistrer une progression de +7% en 2014.

Pour élargir son périmètre, le leader européen de la croisière fluviale vient de racheter la Compagnie fluviale du Mekong avec quatre bateaux.

Présente sur de grands fleuves du monde (Volga, Mekong...), sur les rivières et canaux européens, naviguant sur le Rhin, le Rhône, la Seine et la Gironde, il ne lui manquait plus, en France, qu'à dompter la Loire. Réputé difficile pour la navigation,  le fleuve recèle de sournois courants et de dangereux bancs de sable.

C'est d'ailleurs le faible tirant d'eau offert par la Loire qui a conduit les concepteurs du MS Loire Princesse à retenir le principe des roues à aubes. Comme sur le Mississipi ou en Suisse.

"A une nuance près, nous avons opté pour une propulsion diesel plutôt que pour les systèmes traditionnels à vapeur ou électriques", explique Thibaut Tincelin, directeur du cabinet de design et d'architecture navale nantais SDI (Stirling Design International).

Pour améliorer la pénétration dans l'eau, les roues à aubes ont été optimisées en bassin des carènes pour satisfaire aux exigences d'exploitation du fleuve. Pour accroître les rendements, les pâles ont été incurvées.

Construire un navire clé en main

Habituellement réalisée par un chantier naval belge, la construction du navire à, cette fois, été confiée à un pool d'une dizaine d'entreprises nantaises et nazairiennes fédérées par le cluster Neopolia. Créé en 1999 pour rapprocher donneurs d'ordres et sous-traitants et aller décrocher des marchés difficiles à capter seul, ce dernier couvre aujourd'hui les domaines de l'aérien, le rail, les EMR (énergies marines renouvelables), la marine et le pétrole et le gaz et concentre 180 adhérents.

"Nous avions déjà initié  des opérations comparables dans l'aéronautique ou le ferroviaire, mais dans la navale, c'est véritablement une première",  se félicite Jean-Claude Charrier, président de Neopolia.

"L'un de nos adhérents nous a alerté des besoins de CroisiEurope. L'une de nos forces est de pouvoir réunir des savoir-faire, des compétences et de la valeur ajoutée pour fournir un navire clé en main".

Autour du chantier naval STX France, qui a mis à disposition ses infrastructures, Strilng Design, Arco Marine, Ship ST et Hydrocean sont intervenus sur la conception, Shipelec pour l'électricité, Gestal pour les réseaux, le chaudronnier Mecasoud pour la coque, le chantier naval SEE Merré pour la propulsion, Mapac Design pour les cloisons, Myg Design pour l'agencement, Acco pour les superstructures des roues à aubes, etc.

Une démarche ambigüe mais prometteuse

Pour cette première, les prestataires, adhérents de Néopolia, ont traité directement avec CroisiEurope. C'est toute l'ambigüité de cette démarche novatrice qui amène aujourd'hui Neopolia à réfléchir à la création d'une structure qui sera en mesure de pouvoir passer commande et coordonner un projet, chantier qui n'est, par essence, pas le métier du cluster nazairien. Ce fonctionnement n'est pas sans soulever certaines interrogations parmi les sous-traitants, partenaires ou fournisseurs, qui peuvent se retrouver en concurrence frontale.

A qui et comment alors, Neopolia attribuera-t-il les marchés? Est-ce au cluster ou à l'armateur de choisir? Face à une offre fragmentée, sur un marché de la navale on ne peut plus sensible à la sécurité, qui détiendra alors la responsabilité du projet? Autant de questions auxquelles devra répondre cette future structure, sur laquelle se penche aussi le Conseil régional des Pays de la Loire, partenaire de l'opération.

Si le coût d'un navire n'est pas moindre qu'en Belgique, CroisiEurope, qui se dit satisfait des compétences complémentaires, de la réactivité du réseau ligérien et de ses relations avec son partenaire local, a d'ores et déjà annoncé son intention de construire cinq autres navires. Un sistership du MS Loire Princesse, un poil plus long et un tantinet moins large. L'Elbe Princesse naviguera dès 2016, entre Berlin et Prague.

Derrière cette commande ferme, devrait suivre la construction d'un second navire pour étoffer les croisières sur la Loire dès 2016. "Et trois autres navires...", promet Patrick Schmitter, Pdg de la Compagnie CroisiEurope. De quoi contribuer à l'émergence d'une filière fluviale sur l'aire métropolitaine Nantes-Saint-Nazaire.

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>>Pour aller plus loin:

[VIDEO] En images, le lancement du MS Loire Princesse

Dans ce reportage vidéo au fil de l'eau, les déclarations de Patrick Schmitter, Pdg de CroisiEurope, de Thibault Tincelin, directeur de DSI (design et architecture navale), de Lucas Schmitter, directeur e-commerce et développement USA, de Daniel Richou, Pdg de Groupe Richou Voyages, et de François-Xavier de Boüard, ex-Pdg de Préférences Voyages.