Wiki-habitat, futur carnet de santé numérique du logement ?

Candidat à la mise en œuvre d'un futur carnet de santé numérique des bâtiments, Novabuild, le cluster de la construction en Pays de la Loire, a noué un partenariat avec la startup nantaise EP et sa plateforme Izigloo, déjà tournée vers la rénovation de l'habitat. Un temps d'avance pour le projet Wiki-habitat que les Nantais veulent exploiter face aux 11 autres projets sélectionnés par le Plan de transition numérique du bâtiment (PTNB).
Comme pour Novabuild (soutenu par la région et des professionnels, la Capeb et la FFB), le modèle économique retenu par la startup nantaise EP, au-delà, de sa plateforme Izigloo enrichie par les propriétaires, repose sur les prestations offertes par les artisans et entreprises référencées par la plateforme.

Sur la ligne de départ, les Nantais s'estiment parmi les mieux placés pour satisfaire aux exigences du futur carnet de santé numérique du bâtiment, voulu par l'Etat. « Tout simplement parce que nous nous appuyons sur la plateforme Izigloo créée par la startup EP. Qu'elle existe concrètement et qu'elle fonctionne ! », estime Pierre Yves Legrand, directeur de Novabuild, cluster engagé dans l'accélération des transitions (numérique, écologique...) au service du secteur du bâtiment qui compte quelques 350 adhérents dans les Pays de la Loire.  Au nom de l'interprofession, c'est lui, soutenu par le Conseil régional des Pays de la Loire, qui a pris en main le projet Wiki-habitat, autour d'un consortium qui réunit des architectes, un bureau d'études spécialisé dans le thermique, une plateforme technologique positionnée dans le bâtiment durable, une entreprise de conseil en stratégie et innovation dans le domaine de l'environnement, un cabinet immobilier, la startup nantaise EP et, depuis peu, un cabinet d'avocats très au fait des questions relatives à la gestion des données...

"Challenger" le projet d'EP

« Il y a deux ans, nous avions déjà élaboré une charte régionale pour que l'ensemble des acteurs parlent d'un même langage, adopte une communication commune et fasse émerger la création un passeport numérique de l'habitat, une sorte de carte vitale du logement. Cinquante-deux acteurs dont des associations professionnelless, des experts, des énergéticiens, GRDF, des collectivités... l'avaient signée », indique le patron de Novabuild qui, l'an dernier, a bénéficié d'un financement de l'Ademe pour mener une étude sur le carnet numérique de l'habitat. Les conclusions indiquaient que, sans un outil de connaissance, partagé, qui phaserait les travaux, la rénovation de plusieurs milliers de logements serait pour le moins complexe.

« Alors quand l'Etat a lancé l'appel à propositions, nous nous sommes rapprochés d'EP, qui avait déjà mis en œuvre une plateforme offrant aux particuliers un ensemble de données sur leur habitat pour engager des travaux de rénovation. On leur a proposé de 'challenger' leur projet. En leur disant que, à l'issue de cette mise à l'épreuve,  leur plateforme ne serait sans doute plus tout à fait la même.»

"Massifier la rénovation énergétique"

Pour EP, sollicitée sur la question du carnet numérique dans le cadre du rapport Neveü remis à Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, en 2016, l'enjeu de société vaut la peine d'y aller.

« L'idée, c'est de partager cet appel à projets pour mêler les visions publique et privée. Déjà, au sein du consortium, il associe tous types d'acteurs qui travailleront demain avec ce carnet », explique Yann Person, l'un des co-fondateurs d'EP et de la plateforme Izigloo, lancée il y a un peu moins d'un an.

« Pour nous, l'objectif est d'avoir le carnet le plus compatible possible avec la réglementation. Ça crée de la valeur commune », dit-il.

L'enjeu ?

« C'est de savoir comment on va massifier la rénovation énergétique. Et nous faisons clairement le choix des datas », ajoute Pierre-Yves Legrand. « Avec EP, on essaie d'entrer dans le réacteur - d'Izigloo -, sur le type de données collectées, auprès de qui, qu'est-ce qu'ils gardent, ce qu'ils donnent... La contrainte, c'est la transparence. A l'inverse, au lieu d'un projet privé, on leur apporte la possibilité d'avoir une envergure nationale », dit-il.

EP : plus de 70.000 chantiers de rénovation au compteur

A ce jour, le carnet Wiki-Habitat comporterait 3 niveaux. L'un, gratuit et universel, sur la base des datas collectées par Izigloo, le deuxième, gratuit sur auto-déclaration, le dernier faisant intervenir un expert.

« Jusqu'à présent, tous les devis ou travaux disparaissaient dans la nature. S'ils sont répertoriés, identifiés, on pourra éviter à trois professionnels de se déplacer pour un devis. C'est une expérimentation. Une autre façon de fonctionner pour la profession », extrapole Pierre-Yves Legrand.

Pour EP qui a déjà réalisé plus de 70.000 chantiers de rénovation depuis sa création en 2007 et réuni un réseau de 12.000 professionnels, Wiki-habitat, s'il était retenu, pourrait leur ouvrir la porte de 20 millions d'adresses. Difficile d'en faire l'impasse.

De fait, pour rester dans la course, la startup n'a pas souhaité livrer une plateforme en marque blanche. Mais n'envisage pas une minute de devenir le sous-traitant d'une collectivité. C'est d'ailleurs ce qui l'avait amené à se retirer du dispositif métropolitain Monprojetrenov, récemment lancé par Nantes Métropole.

Soutenu lui aussi par la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment), il a aussi pour vocation d'accélérer la rénovation de l'habitat et la transition énergétique. «Toutes ces plateformes finiront par se rejoindre », estime, de son côté, Pierre-Yves Legrand.

Données privées : des questions juridiques à préciser

Onze projets seraient encore en piste au plan national. Chacun a obtenu 85.000 euros pour monter une proposition. Des pré-rapports devaient être rendus fin mars pour engager une pré-sélection parmi les candidats.

« L'aspect positif, c'est que, plutôt que d'imposer sa solution, l'Etat a décidé de retourner sur le terrain regarder ce qui se passe sur le marché. Si nous sommes plusieurs à avoir territorialisé notre projet, nous sommes les seuls portés par un cluster représentant une interprofession », estime Pierre-Yves Legrand, pour qui le carnet de suivi doit être rattaché à un logement et non une personne. Logique.

« En moyenne, les Français changent de logements tous les sept ans. Il faut donc réinventer un truc attaché au logement qui ne raconte pas trop de choses personnelles sur la famille précédente. Ça fait partie des questions juridiques que l'on doit se poser », dit-il.

Un modèle économique à définir

Assez rapidement, puisque la loi imposera que chaque bâtiment neuf livré au 1er janvier 2018 devra être associé à un carnet de santé numérique des bâtiments. Sur l'ancien, la date retenue est 2025.

Pour Novabuild, soutenu par la région et des professionnels, la Capeb et la FFB, il est essentiel que, pour que la plateforme fonctionne, elle puisse générer des travaux, avec des règles préétablies, connues, etc. C'est aussi le modèle économique retenu par EP qui, au-delà, de sa plateforme Izigloo enrichie par les propriétaires, repose sur les prestations offertes par les artisans et entreprises référencées par la plateforme. « On sépare bien les choses dans notre tête », affirme Yann Person.

« C'est bien que chacun amène sa contribution, avec du contenu et de l'usage, de tout mettre dans la loi. Mais derrière, il faut bien trouver un modèle économique. Il faut bien que quelqu'un paye", indique le co-fondateur d'EP. "Et je doute que ce sera l'Etat... »

Les protagonistes de Wiki-habitat ont jusqu'à la fin de l'année pour peaufiner leurs règles et clarifier leur position.

Par Frédéric Thual,
correspondant Pays de la Loire pour La Tribune

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